Ni Achille ni Arès n'avaient vu Deimos ou Psyché. Ils semblaient plus atteints par les disparitions de nos autres proches, du moins surtout Arès. Je voulais l'aider à surmonter cette épreuve, lui aussi. J'avais toutes les raisons de penser que si nous devions finir par affronter le responsable de ces disparitions, notre victoire s'avérerait plus compliquée avec un dieu de la guerre incapable de se battre. La perte d'Artémis ne l'avait sans doute pas aidé à retrouver son courage. Je vis Achille bouillir quand il recadra Œdipe sans la moindre retenue, jusqu'à retourner la table de jeu, écrasant les cartes, dispersant les dés dans la pièce. L'heure n'était pas au jeu. Lui aussi avait été très affecté par la disparition de la déesse de la chasse. J'intervins pour empêcher Achille de laisser sa colère envenimer le conflit déjà bien engagé lorsqu'il commença à souhaiter qu'une personne proche d'Œdipe disparaisse à son tour.



Je le regardais avec un air sévère. Je n'aimais pas crier de la sorte, surtout en présence de Chioné. J'avais beau parler fort, le ton que j'employais était le plus calme possible, ce qui relevait de l'exploit au vu de la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvions. Il n'était jamais bon J'avais parfaitement conscience que son feu intérieur n'allait pas s'apaiser sous prétexte que je lui avais demandé, mais de cette façon, il nous était possible de le canaliser, rediriger la colère d'Achille vers une idée productive. Œdipe tenta de se défendre comme il le put. Le pauvre... Il n'était clairement pas préparé à la perspective de devoir se confronter à un Tamarisc en colère, même verbalement. Dionysos arriva pour proposer à tout le monde un peu de vin. Là aussi, c'était une mauvaise idée. Mais cette fois-ci, Achille était trop occupé à me lancer un regard assassin pour incendier le dieu. Je savais que j'avais empêché la situation de dégénérer une nouvelle fois. Mais pour combien de temps encore ? Je détournais le regard. Médée semblait très inquiète, faire les cent pas pour inspecter la pièce dans laquelle nous nous trouvions. Puis elle nous alerta. L'eau commençait humidifier les murs et le sol avant que la fenêtre n'explose dans dans une myriade de minuscules lames de verre. Je me dressais entre la fenêtre et les personnes de mon côté de la pièce, dont Chioné, avant de lever mon bras.



Mon bouclier d'or apparut à mon bras, parant les morceaux de verre qui étaient projetés vers nous. L'eau commença s'infiltrer dans toute la pièce et son niveau montait de plus en plus. Jamais Chioné n'aurait été capable de changer toute cette eau en glace sans tomber de fatigue... Nous nous approchions tous des fenêtres avant de constater la présence d'une barque suffisamment grande pour que tout notre groupe puisse s'y installer.



Nous enjambions les cordages et le bois avant de tous nous asseoir dans cette embarcation. Je comptais mentalement les personnes présentes, sans doute par superstition. Chioné, Arès, Dionysos, Phellée, Médée, Œdipe, Achille... Et moi-même. Il en manquait deux à l'appel. Deux Sollerys. J'observais tout autour de nous. Personne ne se trouvait dans la pièce, elles n'étaient donc pas restées en retrait. Elles avaient disparu.



J'observais chacun de mes compagnons les un après les autres. Aucun d'eux ne semblait avoir la réponse. Œdipe semblait dévasté. La menace d'Achille avait-elle été prise au mot ? Je soupirais, presque résignée. J'accordais un regard doux à l'Avatar de l'Hiver, déposant ma main dans sa chevelure. J'étais inquiète pour ma petite protégée plus que pour n'importe qui d'autre en ces lieux.



J'allais tenir parole. Mais j'espérais que nos compagnons allaient tous y mettre du leur pour aider ma protégée à se reposer émotionnellement. Quelque chose me disait que son pouvoir de glace allait nous porter secours plus tard. J'étais tellement navrée pour elle, elle qui devait subir cette situation et les conflits ouverts, voir nos camarades se déchirer ne devaient certainement pas être un moment agréable pour elle. Sans enlever ma main de ses cheveux, je tournais la tête vers le Lobellus qui est passé à deux doigts d'être entraîné dans une bagarre. Le Maître des Énigmes pouvait peut-être avoir une réponse à mes questions.



Je n'avais nullement l'intention de faire le procès d'Hermès pour sa plaisanterie de mauvais goût. Mais si nous avions la possibilité de le contacter pour que nos référents et les professeurs puissent nous prêter main forte. Peut-être qu'un geste altruiste de sa part allait lui permettre de faire amende honorable pour avoir réalisé sa blague...