Comme si rien ne s’était passé, le voile noir qui m’entourait pendant la « nuit » disparait. Nous sommes à nouveau assis sur nos rondins comme avant ma petite discussion personnelle avec Argos. Et j’imagine sans mal que nous avons chacun vécu cette expérience.

Sauf que l’aspect calme et posé de la zone ne dure que quelques instants. Dès que le soleil revient nous bercer de ses rayons, quelques ombres passent la barrière des arbres et se rapprochent de nous. Comme paralysé, je ne peux pas bouger du rondin sur lequel je suis assis. Je ne peux donc rien faire quand les ombres viennent entourer Arès, le faisant disparaître.

J’ai dû mal à comprendre. À avaler l’information. J’écoute à peine les explications d’Argos sur la suite des évènements. Arès vient de… disparaître.

Mes poings se crispent quand la voix d’Argos se tait à nouveau. Je respire fort et finit par m’exprimer, d’une voix beaucoup plus forte que lors des minutes et heures précédentes.

— Écoutez-moi bien attentivement, tous.

Je lève les yeux et regarde chacune des personnes de l’assemblée.

— Je ne sais pas si cette histoire de traitres est réelle ou si Argos nous mène en bateau depuis le début. Mais sachez que si l’un d’entre vous a réellement fait en sorte que l’on se retrouve tous ici et qu’Arès soit avalé par les ombres, je ferais en sorte que sa vie à l’académie devienne un enfer. Et je commencerais par faire en sorte qu'il passe la fin de la journée à l'infirmerie.

Mon regard passe l'un après l'autre sur, ceux auxquels je crois, Artémis, Hermès, Amphitrite et Dionysos. Ils sont mes amis, ma famille. Ils ne feraient jamais ça, pas vrai ?

Je vois de la nourriture et ne peux plus m'empêcher de manger... Un peu... Juste un peu... Je prends le temps de mâcher pour m'assurer que la nourriture ne représente aucun danger pour les autres...
Le soleil se lève... Je vois mes camarades... Je regarde partout... Je suis épuisée... Affamée... Des mets sont apparus... Je ne réfléchis pas. Hors de question... J'ai mal... J'ai faim... Je veux manger... Je tends la main ... Si c'est empoisonné ou mauvais... Je veux en être la première victime... Je mange. Encore et encore... Ça me cale... Légèrement ... Mais ... Je dois en laisser pour les autres...

Je n'arrive pas à savoir si c'est empoisonné ou non... Ou si c'est un poison qui agira tôt ou tard...

Le soleil se lève... Je vois les ombres... Elles arrivent... Non ! Arès est emporté par les ombres, je me lève avec difficulté. Non... Pas encore... Les larmes me montent.
Les ombres arrivent sur Arès. Je me lève rapidement mais chute, sans doute à cause de la fatigue, de la faim et la douleur...

'' Arès, NON !!! ''

Je hurle à pleins poumons. Je serre la mâchoire. Larmes roulant le long de mes joues.
Je me sens mal... Si mal... J'ai encore failli à mon devoir de référente... Je les perds tous, un par un... J'écoute Apollon parler... Il est terriblement mal. En colère, désespéré...
Argos arrête de parler à nouveau.  Je suis à genoux. En rage. En pleurs.

'' Qui...? ''

Je regarde tout le monde.

'' Cette histoire de traître... Est-elle vraie ? Qui aurait fait ça ? Qui !?! ''

Je regarde chaque visage. Scrupuleusement...
Ça y est... Les hostilités prennent place ... Il fallait que le premier sacrifice soit fait pour instaurer ce climat de tension...
Je prends la main de Momos... Je la sers, fort.

'' Y-a-t-il vraiment quelqu'un qui aurait cherché à nous faire tant de mal... Quitte à se faire mal lui même ? Mais c'est absurde ! ''

Je suis dévastée... J'ai une envie de me sacrifier... Pour les sauver. Mais je ne suis même pas certaine que ce dernier sera utile. Je dois faire attention... Je dois protéger Momos. Protéger mes cadets... Je dois retrouver la force de me battre... Mais cette faim est si forte qu'elle me fait mal...

Arès m'annonça qu'il allait bien, avec une grimace. Mouais, on va dire que c'était moins pire que d'autres. Je m'inquiétais beaucoup pour Apollon. La maladie était en train de l'achever. Et Hermès, entre la douleur et la perte de son ami, il n'en menait pas large non plus. Mais lui semblait le cacher. J'acquiesçai à ses paroles. On survit, oui, c'était les bons mots. Je fis une petite grimace. Il essayait d'en rire, mais c'était compliqué. Je fus étonnée de le voir se lever, pour me laisser sa place, et il s'installa par terre. Je me décalai un peu pour me rapprocher de mon frère. Ma main se posa sur l'épaule d'Hermès, comme un remerciement silencieux.

"Tu peux poser ton dos contre mes jambes, si tu veux. Tu dois être épuisé. Et je t'aiderai à gagner ce jeu, si je le peux."

Je posai ma tête sur l'épaule d'Apollon, en fixant les flammes. Je soupirai.

"Je crois que je m'en sors bien mieux que la plupart. Mais avoir l'espoir me change, je le sens. Et ça me fait peur."

Oui, j'avais peur. Peur de ce que ce mal pouvait me faire. Peur de ce que je pourrais dire ou faire sans m'en rendre compte. Déméter était mal en point. J'aurai préféré qu'elle s'assoit mais, pour une raison que j'ignorai, elle tenait à aller voir certaines personnes. Dont moi. Je secouai la tête.

"Il n'y a rien à pardonner Déméter, tu n'es pas obligée de tout me confier. Chacun a droit à sa vie privée et je ne t'en voudrais jamais pour ça."

Je lui fis un petit sourire et posai ma main sur son épaule dans un geste affectif. Puis, les voix s'élevèrent et j'écoutai leurs paroles. Pas de vrais traîtres pour certains. Pour d'autres, on avait été manipulé. Oui, certainement. Les paroles d'Hébé étaient censées. Elles me faisaient réfléchir.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Quand le soleil se leva, je me rendis compte que j'avais faim et soif. Les autres ne semblaient pas empoisonnés alors je pris à mon tour de quoi manger et boire. Un chocolat chaud et des biscuits. Et je scrutai tout le monde. Je savais que quelqu'un allait disparaitre. Argos m'avait prévenue que je ne pourrais rien faire. Je voulais savoir qui c'était. J'espérais que ce ne serait pas un de mes proches car je m'en serais beaucoup voulu de ne pas pouvoir faire quelque chose. Et je vis les ombres qui s'approchèrent d'Arès. On ne pouvait rien faire pour l'aider et je ne bougeai pas, le regardant, impuissante. Je voulais faire quelque chose. Mais je savais qu'Argos nous en empêcherait. Ou nous le ferait payer. Et il nous prévint que ce ne serait pas le dernier. Les traitres feront disparaitre une personne chaque nuit. Et nous on devra éliminer un suspect chaque journée. Super...

Sa nouvelle révélation me glaça le sang. Deux personnes liées ? Bon sang, ça compliquait beaucoup les choses. Mon regard scruta tout le monde dans l'espoir de chercher des indices. Je vis la tablette apparaitre. Noter un nom hein.. Il allait falloir discuter et faire parler. Observer chaque personne pour déterminer qui était suspect.

Ma main se posa sur l'avant bras de mon frère. Cette disparition l'affectait beaucoup et moi aussi. Il était énervé. J'acquiesçai à ses paroles.

"S'il y a de vrais traitres parmi nous, ils le regretteront. Et j'ai beaucoup de patience, surtout concernant les vengeances..."

Déméter s'énerva. Je me contentai de regarder et d'écouter les personnes qui prenaient la parole.

"On va devoir discuter. Pour faire sortir un nom."

On devait jouer. C'était ainsi. Je réfléchis aux actions de chacun. Pandore avait agressé tout le monde. Mais elle n'était plus là. Amphitrite avait cherché plusieurs personnes. Mais j'imaginai bien qu'il s'agissait, au moins en partie, dû à son mal. Mais je ne la connaissais pas en vrai. Je ne soupçonnais pas Apollon et Hermès. Dionysos était étrange depuis le début, il s'amusait. Etait-ce par ce qu'il était complice ou juste habiter par un mal comme Pandore ? Hébé avait l'air plutôt honnête. Momos... était surtout en colère. Il s'en était pris à moi, je le gardais à l'oeil. Hécate et Athéna, pour le moment, je restai neutre quant à leur rôle.Je balayai l'assemblée du regard.

"Est-ce quelqu'un a des soupçons ? Par rapport à cette nuit ? Ou au chemin parcouru jusqu'à maintenant ?"

Je hoche la tête vers Hermès pour le remercier de son soutien.Je suis heureux qu'il soit de mon côté même si je n'en doutais pas un instant. Et il a raison, c'est maintenant que le jeu commence. S'il y a vraiment des traitres, je veux les trouver. Ils payeront pour ce qu'ils ont fait. La question d'Hébé est, cependant, légitime. Comment choisir ? Comment déterminer qui peut être le traitre ?

J'écoute les paroles de chacun et lance un regard à ma sœur pour la remercier de son geste.Est-ce que quelqu'un sait quelque chose ? Et s'il le sait, est-ce qu'il nous le dira ? Ou est-ce qu'il aura trop peur des conséquences potentielles ?

Je fronce les sourcils en entendant le discours d'Amphitrite et lui réponds sans attendre.

— Je te trouve dure. Artémis est toujours comme ça, à vouloir protéger les autres et passer en première. J'en sais quelque chose, elle le fait depuis que nous sommes à la garderie. Et puis, nous n'avions pas vraiment d'autre choix, il ni avait qu'un seul chemin. Tu aurais préféré qu'on s'enfonce dans les ombres ?

Je fixe Amphitrite du regard mais sans agressivité. Ma voix est posée.

— Par contre, je te rejoins sur un point : la situation est grave, ce n'est pas l'heure de "jouer".

Je tourne, cette fois-ci, mon regard vers Momos.

— Je trouve qu'il faut un sacré culot pour prendre la situation à la rigolade après tout ce que nous avons enduré.

La disparition d'Arès énerve certains proche du dieu de la guerre.

- Je comprends votre douleur. Cependant, il ne faut pas que vos états d'âmes dérèglent votre réflexions ou votre jugement. Je sais que c'est dur, moi-même si je perdais un proche je ne sais pas comment je réagirai. Je pose mon regard sur Tyché. Néanmoins, lancer des injures ou vous énerver n'arrangera malheureusement pas notre cas. La seule chose à faire c'est de jouer à son jeu. Et d'éliminer les traitres.

Cette phrase concernait majoritairement Apollon, Artémis et Déméter.

Je me tourne vers Artémis lorsqu'elle parle à nous tous.

- Personnellement, je n'ai de soupçons sur personne. Comme beaucoup d'entre nous j'imagine. A moins que certaines personnes ont eu accès à une information confidentielle cette nuit, nous ne sommes pas particulièrement avancé. Et comme l'ont dit certains de vous, les traitres ont peut-être su qu'ils étaient traitres seulement au commencement du jeu donc analyser le comportement des autres avant la partie ne sert peut-être à rien. De toute façon, je n'ai été qu'avec Tyché depuis le début. Elle a changé de comportement mais seulement à cause de l'espoir.

En entendant parler Amphitrite d'espoir, j'ai enfin compris que le comportement beaucoup trop joyeux de la déesse de la chance venait de ce mal.

Je me retourne cette fois ci vers Amphitrite.

- Je suis d'accord avec Apollon. Il n'est pas le seul à la connaître et je peux affirmer que c'est son caractère naturel. En plus de l'espoir évidemment. Et être agressive n'est pas un antonyme de l'espoir. De plus, elle veut montrer car elle connait les terres désolées. Plus que toi en tout cas. Et je trouve ça un peu facile d'accuser la première venue. Une Tamarisc qui plus est. Comme Arès. Mais je ne veux pas t'accuser trop vite, je ne suis sûr de rien. Ce ne sont que de simples spéculations.

Je reprends mon calme quand Momos me prends par la taille. Sur ses genoux. Il dépose un baiser sur ma tempe. Je regarde Amphitrite. Mon regard s'assombrit, et mes sourcils se froncent. Fort. Je soupire encore. Bruyamment.

'' Artémis est naturellement protectrice avec les gens qu'elle apprécie. Avec ou sans cet espoir artificiel...  ''

Je racle ma gorge. Massant mes tempes d'une main et serrant mon poing de l'autre. Je regarde ensuite Apollon avec un air tout aussi blasé. Mais avec une petite pointe de colère, parce qu'il accuse mon ... Bref.

'' Non mais... Momos est aussi comme ça tout les jours... On parle du Dieu de la Raillerie. C'est une façon de se donner un coup de Boost, d'énergie, de volonté ou de courage... Restons logique...''

Je regarde Apollon encore.

'' Mais oui... Il faut regarder un peu les comportements des autres... De ceux que l'on ne connait pas très bien... Par exemple...  ''

Je serre mon ventre... La douleur se lit sur mon visage.

'' Hébé ... Avant de partir dans l'accusation... Il faut analyser... Avez-vous remarqué un comportement anormal avec vos amis, vos binômes, en dehors du mal qui les habite... Une sensation de culpabilité, de regard esquivé, de changement de sujet ? Quelque chose qui est incohérent ? Sans regarder le mal qui l'habite, je souligne... ''

Je tremble... Mon ventre hurle. Je serre les bras de Momos contre les miens. Puis je regarde Dionysos. Et me lève d'un coup sec, avant de me rattraper sur l'épaule de mon amant.

'' Tu essaies de faire quoi, Dionysos ?  C'est quoi l'intérêt de lâcher une bombe, comme ça et de retourner picoler derrière ?   '

Mon regard se pose sur lui. De façon insistante.

'' Je ne voulais pas soupçonner personne sans raison... Mais là ... Tu ajoutes de l'eau a mon moulin de reflexion... ''

L'accusation d'Amphitrite m'étonna et je me retins de sourire face à ses paroles. Mais Apollon répondit avant moi.

"Tu m'as trouvé agressive ? Je n'ai fait que vouloir vous protéger car je suis déjà venue dans ces Terres. Et au final, on a bien été obligé de suivre le chemin. Donc je n'ai induit personne en erreur. J'ai proposé de mener le chemin avec d'autres qui connaissaient. Je n'ai jamais obligé personne à me suivre. Mais se jeter dans les ombres dans le but de trouver un autre chemin n'était pas non plus la chose à faire. C'était bien trop dangereux, surtout connaissant les ombres vu nos dernières mésaventures."

J'acquiesçai simplement aux paroles d'Hippolyte. J'écoutai ensuite la justification d'Hébé pour défendre Momos. Les paroles de Dionysos me firent lever un sourcil. C'était osé de balancer ça comme ça dès le premier tour.

"Le problème est aussi de différencier ce qui est dû au Mal de la Boite et ceux qui se cachent derrière ce Mal pour justifier des actions. L'Orgueil et le Vice par exemple ne peuvent pas protéger toutes les actions tout comme j'ai du mal à comprendre en quoi utiliser mon Mal contre moi pourra faire avancer le débat. Au contraire, je crois que l'Espoir m'empêche d'avoir certaines réactions plus instinctives."

Ma voix était calme, je n'avais arrêté mon regard sur personne.

"Pour ce qui est de ceux de mon entourage. Je n'ai rien remarqué qui ne soit pas dû à la Boite pour le moment. Il est difficile d'avoir des soupçons dès le premier tour."