Elle avait soufflé du nez, est-ce qu’il avait fait quelque chose de travers ? Avait-il dit quelque chose qui ne fallait pas ? Voilà que ça commençait à inquiéter le dieu de la raillerie. Il avait envie de poser la question, mais craignait que cela gâche ce tendre moment. Autant laisser passer et demander à Hermès ou quelqu’un d’autre s’il avait ou non une idée d’une telle réaction. La chanson se termina, la danse aussi et Momos la termina en faisant tourner Déméter sur elle-même afin de l’éloigner un peu de lui, tout en gardant sa main afin de faire une révérence. Il la lâcha ensuite afin de la voir venir lui pincer les joues. Il rougit également. Est-ce qu’un dieu pouvait tomber malade et attraper la grippe ? Il en était certain, il ne comprenait pas son état.

« Je n’ai jamais dit que je te laisserai le choix. »

Mais voilà que Déméter s’amusait à le soulever. N’en ayant pas l’habitude, Momos chercha un support sur lequel se tenir mais en vain. Alors il balança ses jambes, se tenant aux épaules de la référente en cherchant à comprendre ce qu’elle souhaitait faire. Et puis, pourquoi elle le portait aussi facilement ?!

« Tu vérifies si un jour tu peux m’enlever ? Et bien, tu ne peux vraiment plus te passer de moi ! Héhéhéhé ! Je ne suis pas sûr que Zeus accepte que tu viennes dans ma piaule pour me porter jusqu’à ton sanctuaire comme ça. Tes secondes aussi. Mais tu viens quand tu veux ~ »

Un nouveau rire, ses joues de nouveau rouge, il remarqua qu’il n’y avait plus de musique ; la fête était terminée. Un peu déçu, le petit Momos regarda la référente avec un grand sourire en entendant la question. Elle avait envie de passer du temps avec lui, non ? Et bien il allait la rendre heureuse puisqu’il allait accepter son offre, ayant bien envie d’être encore un peu avec elle.

« Et bien pourquoi pas ? Tu vas me tenir la main comme un enfant de peur que je me perde ? »

Il gloussa et mis son masque sur son visage. Il sourit de plus belle à la Tamarisc.

« Comme ça, on croira que tu es accompagnée d’un fantôme, personne ne viendra nous embêter. Dommage que je n’aie pas de drap sur moi pour courir après les autres… »

Mais il retenait l’idée ; il attendrait la nuit avec son masque et un drap pour effrayer ses petits camarades. Il visait les Sollerys pour cette fois ; il était rare de voir des Lobellus de sortis et il était risqué de s’en prendre à des Tamarisc. Les Ipoméa pouvaient bien apprécier le travail artistique derrière la blague et les Helyantos… Il y avait de grandes chances pour ça termine en bal masqué improvisé.

« Mais toi, ça va aller ? Il fait nuit, tu risques de te perdre dans le noir non ? Tu ne veux pas plutôt que je te raccompagne jusqu’à ton sanctuaire ? »

Le masque lui ayant été pris, Momos observait silencieusement la petite Déméter tandis qu’elle semblait le taquiner. Si elle avait un mauvais sens de l’orientation ? En y repensant, est-ce qu’un dieu était capable de ne jamais savoir trouver son chemin ? Hmm… A la réflexion, c’était possible, après tout il avait du mal à se réveiller chaque matin et s’il n’avait pas eu la chance d’avoir ses colocataires de chambre pour lui rappeler de se coiffer, de mettre un pantalon, ses chaussures ou même de les lasser, il lui aurait toujours manqué quelque chose lors des heures de cours. Combien de fois lui avait-on remis les clés de la chambre dans la journée ou même le devoir qu’il avait oublié sur son bureau ? Momos désespérait de trouver un dieu avec les mêmes problèmes que lui, à croire que tout le monde aimait se lever de bon matin pour souffrir d’un manque de sommeil au fil de la journée… Attendez, ce n’était pas possible chez les Helyantos cette bande de couches-tards ? Si si…

« Je n’ai pas peur du noir, ma petite dame. Au contraire, j’apprécie énormément la nuit et il n’est pas improbable de rencontrer ma sainte personne lorsque le couvre-feu est passé. »

Déméter lui prit la main, il rougit. Il ne savait pas comment remercier le destin de l’avoir mis sur la route de la déesse de l’agriculture. Finalement, elle qui avait toujours été là à lui crier dessus, à le disputer, à l’insulter et à le taper semblait apprécier sa compagnie. Comment c’était possible ? Momos n’arrivait pas à le savoir. Il avait l’impression d’être une fraude, qu’un petit bonheur s’agitait sous son nez sans que jamais il puisse mériter d’avoir la main dessus. Il commença à suivre la référente silencieusement.

Comment c’était possible d’avoir le cœur qui battait autant ? Il pouvait entendre chacun de ses battements, comme si ses tympans le menaçaient d’exploser. Il regrettait presque de s’être donné à n’importe qui sans sentiments, se disant que ses premiers baisers il aurait préféré les donner à la petite tomate-cerise voleuse de masque qui l’entraînait avec elle. Pourquoi penser à ça ? surtout maintenant ? Momos bénit la nuit et l’obscurité qui allait avec ; certes ils voyaient assez pour retrouver leur chemin et rejoindre le sanctuaire, mais son visage rouge et son air perdu avaient de grandes chances de ne pas être remarqués. Le silence rendait le moment pesant. Il fallait trouver quelque chose à dire. Quelque chose à faire. Une taquinerie, une boutade, une petite plaisanterie qui casserait cette ambiance qui les mettait tous les deux mal à l’aise. Sur le moment il souhaita qu’un autre élève intervienne, mais il savait que cela les gênerait encore plus. Normalement il avait toujours quelque chose à dire, mais là, comme par hasard, le silence le frappait comme une malédiction. Vite, il fallait un sujet de conversation. Les cours ? Non, trop pompeux. La nourriture ? Ils en avaient déjà discuté. Les animaux ? Oh oui ! Tout le monde aimait les animaux, c’était mignon, petit, poilu…

« Les poils… Dis, avec quoi tu t’épiles ? A la cire, à la pince ou tu préfères te raser ? »

Sa bouche avait parlé avant que son cerveau ait décidé du bon sujet de conversation. Il pensa que trop tard au lien avec la fourrure des lapins qu’il trouvait trop mignonne et les cheveux. Malheureusement, le sujet était là, il allait falloir trouver à parler dessus pour casser ce silence pesant.

« Je veux dire… J’ai appris qu’un Sollerys avait utilisé une cire… et que ça lui avait arraché la peau le pauvre… Tu devrais faire attention… »

Bon, d’un côté, un tel sujet de conversation n’était pas surprenant venant de sa part, il savait à quel point il était perché, néanmoins il aurait préféré une conversation plus agréable. Momos retint un soupir. Il avait juste envie de se taper la tête contre un arbre…

Heureusement, le sujet de conversation avait amusé Déméter plutôt que l’énerver. En effet ; qui aurait aimé parler de ses méthodes d’épilations ? Bien peu et sans doute aurait-il pu se faire rembarrer à tout moment. Il rit également, rassuré de ne pas avoir vexé la déesse des moissons. Il ne se serait jamais pardonné de l’avoir mise de bien mauvaise humeur. Il laissa échapper un soupir de soulagement. Bon sang, la prochaine fois il tournera sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Il écouta néanmoins la réponse de Déméter pour qui le sujet ne semblait pas choquer.

« D’accord, aucun risque de te blesser alors. Tu fais bien de faire tes propres produits. »

Il hésita un moment de parler de Narcisse ; il savait que celui-ci faisait également ses propres cosmétiques. Il supposait qu’ils pouvaient tous les deux s’entendre. Il hésita un moment avant de se demander si le Sollerys accepterait réellement de parler à la référente… quoique, il savait se battre. Autrement dit, il devait avoir un professeur chez les Tamarisc.

« Je suis désolé, je n’avais pas d’autres idées. »

Il gloussa, essayant de cacher derrière son petit rire de dinde sa gêne. Bon, ça ne le dérangeait pas de connaître les méthodes d’épilation des autres, pour lui c’était naturel, mais il savait que ça pouvait être humiliant pour certains. La main de Déméter serrant un peu plus la sienne, Momos rougit. Bon sang, qu’il se sentait encore plus idiot, il ne savait même plus comment réagir.

« Oui, j’aime beaucoup la nuit… je trouve que c’est reposant et c’est en regardant le ciel étoilé ou même la lune qu’on trouve toujours la réponse à nos questions. Je comprends mieux à chaque fois pourquoi on dit que la nuit porte conseil. »

Puis il pouvait être seul. Il était loin d’être un Lobellus, mais même s’il adorait s’amuser, s’il aimait rire avec les autres, s’il pouvait de temps en temps rejoindre quelques fêtes avec seulement ses amis. Regarder le ciel pendant des heures ne lui posait aucun problème, couché sur l’herbe à admirer les étoiles qu’il ne pourra jamais atteindre ; admirer ces étoiles pour qui il sera toujours insignifiant comme pour les autres. Il retint un soupir, ne souhaitant pas gâcher ce petit moment avec la tomate-cerise.

« Je sais qu’il y a un observatoire, mais je préfère être dehors pour prendre l’air et regarder le ciel. Je préfère être seul et prendre mon temps et plaisir à admirer de loin l’univers plutôt que me dépêcher pour les autres impatients d’en finir avec les instruments. Mais tu y vas souvent ? Tu m’as l’air de les apprécier également. »

Il reprit son sourire.

« Puis tu sais, le silence, c’est une très bonne chose. Elle nous permet de mieux réfléchir. J’ai beau être un Helyantos, mais j’aime énormément mes moments de solitude. Des fois je vais chercher de la compagnie juste en m’installant dans un coin avec un livre ou mes créations afin de profiter du monde ambiant, mais, sans qu’on vienne me parler. Et lorsque j’ai vraiment mes oreilles qui commencent à ne plus supporter le moindre chuchotement, bah, je m’isole et profite des chants des oiseaux. Je suis sûr que ceux-ci ont beaucoup de choses à nous dire, mais que malheureusement nous ne les comprenons pas. Parfois, je m’imagine leurs conversations ; une scène de ménage, une tragédie, une mère qui appelle sa famille à passer à table… C’est amusant. »

Il regarda de nouveau devant eux, commençant à apprécier de plus belle cette compagnie.

« D’ailleurs tu as des animaux je crois ? Tu en as beaucoup ? Eux aussi profitent beaucoup de la nuit ? »