L'empoisonnement... Quelle idée... Même si, ça s'envisage...

« Oui madame, j’ai compris, je vais ramasser… Attends, tu vas le faire aussi ? Tu veux t’assurer que je ne laisse rien, c’est ça ? Aaaah, c’est mal me connaître ma petite dame ! »

Je sais, Momos. Je commence à te connaître. Tu en laisserais à des endroits exprès pour me tourmenter. Mais je n'arrive pas à être familière, ni amicale... Je me contente alors d'arquer un sourcil.

« Tu devrais surtout sécher tes cheveux sinon tu vas les abîmer et après tu vas pleurer que ce sera de ma faute. Sinon est bien confortable ce peignoir, ça te dérange si un jour je te l’emprunte ? J’ai une petite plaisanterie à faire. »

Je passe ma main dans mes cheveux. Ils sont trempés. Je n'y avait pas pensé. Je hausse les épaules. Ce n'est pas grave. Je les laverais une fois arrivée à la chambre. Il n'y a pas de couvre feu, nous sommes en congé après tout... Je n'ai pas le coeur à essuyer de regards exaspéré, énervés rien qu'en croisant le mien. Je commence à trop y penser, dernièrement. Au début cela ne me faisait ni chaud, ni froid. Mais... Je dois bien l'avouer. Ça m'affecte un peu ... Non... Beaucoup.

Je passe mes doigts dans la crinière rouge et lève la tête vers Momos. Le regard un peu plus doux. Je finis de ramasser quelques petites choses. Mais comment il a transporté tout ça ...?

'' G... ''

Je baisse la tête. Pour ensuite me tourner, dos à lui. Je sens que le rouge me remonte aux joues. Je continue à tresser mes cheveux. Mais je n'ai jamais été douée pour la coiffure. Je suis même plutôt nulle en fait.

'' Garde le... j'en ai plein... Je... J'en tisse toute les semaines...''

J'ai l'habitude d'en offrir... Même si je préfère coudre des petits sigles correspondant à la personne ... Qu'est ce que je ferais pour lui...? Des canards ? Des serpentins ? Des ballons... ? Pas besoin... Il allait en faire quoi... De toute façon... Il n'allait pas s'encombrer d'un bout de tissus d'un tyran qui l'a jeté deux fois à l'eau ... L'heure est à la pause. On a déjà ramassé bon nombres de choses... Je réitère ... Comment il a amené tout ça ?

Je m'avance vers ma nappe tissée et y dépose mes saladiers. Je me pose dessus, à genoux.

'' S... Sers-toi, si tu as faim... ''

Je pose également de grosses fraises et figues fraîches que j'ai cultivé il y a peu. Leur goût est exquis. Une de mes plus grandes réussites en terme de fruits.
Je croise les bras. Je suis mal à l'aise. Je regarde à l'opposé...

'' M... mais tu... Tu peux y aller si tu ne te sens pas de rester. Je finirais plus tard. Il est déjà tard. ''

Seule...

Je n'ai pas très faim. Grands Dieux que c'est rare... Moi qui suit un estomac sans fond, habituellement...

« Je vais manger, ne t’inquiète pas. Je commence vraiment à avoir faim et puis tu n’as pas préparé tout ça pour rien. Surtout qu’il y a des fiiiigues ♫ »

Je souffle du nez mécaniquement, laissant échapper un rire. Je le regarde se dandiner comme un petit chiot. Oui. Un petit chiot. C'est vraiment un chiot. Je lui trouve quelque chose d'un peu... Attendrissant.

Je lui donne le saladier tout entier. Il aime bien... Ça me touche toujours quand on apprécie mes plants, mes fruits... Je prends une fraise du bout des doigts. Je ne mange pas. Je n'ai pas le coeur où l'envie de manger... Je pose cette fraise dans son saladier. Encore un peu sur mes gardes. Le couvre-feu est passé... Ah non... Ce sont les vacances... Pas de couvre feu...

Je le vois me fixer et reste là, regard fuyant... Je sens que je souris légèrement, replaçant une mèche derrière mon oreille.

« Merci pour le repas ! Mais tu sais, j’ai vu que tu avais du mal avec tes cheveux. Tu veux que je te coiffe ? »

Je me stoppe dans mes mouvements. Mon regard s'assombrit. Pourquoi ? Me coiffer ? J'entretiens mes cheveux. Ils sont soignés. Juste... Très rebelles, très ébouriffés... Ils s'emmêlent vite.

'' Me ... Me coiffer ? P... Pourquoi... ''

Je me tourne sur le côté. Dos à lui. Je ne touche pas à mes plats. Je n'ai pas envie. Si il a faim... Je veux déjà que les quantités que j'ai préparé lui suffise... Je tourne la tête sur le côté. Le regardant, d'un air gênée, je suis encore rouge tomatepoivronpivoine, je dois me fondre dans mes cheveux tellement je suis embarassée...

'' Ils ... Ils sont impossibles à coiffer, et... Ils sentent la vase de mon étang ... Je... ''

Je pose mes deux mains sur mon coeur. Je ressens se dernier courir un marathon digne des plus grandes courses que mon sanctuaire pourrait organiser... Il a un pouvoir pour me rendre idiote en plus d'être ridicule...

'' Mange ... Si... Tu as besoin, je t'en referais... ''

Respire, Déméter. Respire... Je reste dos à lui. Je regarde le sol. J'ai beaucoup regardé le sol aujourd'hui. Je pourrais limite compter les brins d'herbe de la parcelle...

« Après je peux te donner des conseils de soin après que tu te sois lavé les cheveux. Après fais ce que tu veux, si tu as peur que ce soit une blague. Je respecte.»

Je tourne ma tête vers lui, pourquoi ai-je l'impression que son ton c'est fait ... Moins... Joyeux ? C'est quand mon regard croise le sien que...

« Tu es sûre que tu ne souhaites pas plutôt que je parte ? Tu as l’air toute gênée de ma présence. »

Oh que oui, je suis gênée. Mais pas gênée pour les raisons que tu imagines... Je n'ai surtout pas l'habitude de passer du temps avec autre personnes qu'Hestia ou mes secondes ... Que j'ai comme... Une peur de voir du monde hors contexte académique...

« Tu sais, tu ne devrais pas en avoir honte. Je sais que ce serait mal vu si la grande référente Tamarisc était vue seule en peignoir avec un Helyantos qui passe sa vie à mettre le bazar autour de lui. »

Je me retourne pour être face à lui. Pourquoi j'ai l'impression... Que nous avons ... De près ou de loin, la même crainte enfouie...? Son sourire... C'est un sourire triste et qui n'est pas sincère. Je les connais par coeur ... Je fais les mêmes...

« Je pense que je vais y aller. Si jamais je croise quelqu’un et qu’il se pose des questions, ne t’inquiète pas ; j’en prendrais toute la responsabilité. Mais par contre…»

Je sens ma gorge et mon coeur se serrer...

« Attends-toi à ce que je vienne t’embêter pour des fraises et des figues ~»
'' N... Non ! Ne..."  ''

Je pose par réflexe ma main sur la sienne avant qu'il se lève... Pourquoi je fais ça ..? Pourquoi j'ai paniqué... Je regarde ma main posée sur la sienne et recommence à trembler, le rouge est revenu au triple galop... Mais je ... je ne veux pas qu'il parte. Il a l'impression de déranger... Il est comme moi. Mais nous montrons tous notre douleur et notre peine de façon différentes. C'est une leçon de vie que j'ai d'Hestia depuis des lunes...

'' Tu... Tu ne me déranges pas... C'est juste que ... Je ... Je n'ai pas l'habitude... Que l'on s'adresse à moi autrement que par principe, par crainte ou pas contrainte... ''

Je retire doucement ma main et baisse la tête. Tu en as trop dit ou pas assez, Déméter...

'' Pour avoir peur de ternir sa réputation... Il faudrait déjà... L'apprécier. ''

Je n'aime pas ma réputation... Je n'aime pas être une intransigeante, tyrannique, cruelle, exigeante et impassible donneuse de leçons et de contraintes. Non... Je ... Je déteste ça. Je n'ai que mes deux secondes qui me considère, et comme instinctivement, je les empêche d'être trop proches de moi... Parce que j'ai peur de les décevoir... Ou que leurs réputation soit ternie à cause de moi...

'' Je me sens... Seule... Si seule... Mais je... Je l'ai mérité. J'endurerais... ''

C'est alors que je me justifie de mon choix que je sens mon regard se troubler... Mes yeux... Je pleure ? Oh non... Pas une faiblesse en plus. Tourne la tête, Déméter... J'essuie mes larmes d'un geste de bras. Je viens de révéler mon plus gros secret là...? Enfin... Secret... Je me rends compte de ça en même temps que je lui dis ... Je suis embarassée. Je prends les cheveux et tente de le recoiffer, de les trifouille, réflexe quand je suis anxieuse. Mais que va-t-il penser de moi ? Lui aussi va m'imaginer pitoyable... Fausse ? Non... Pas encore... Je ne veux pas que l'on me regarde ainsi... Pas encore...

'' O... Oublies... Oublies ce que je viens de dire...  ''

Je me prépare à me lever. J'en ai trop dit... J'ai un haut le coeur ... Je me sens mal... Je tente de me redresser un peu gauche, dans ces cas là je... Je ne sais que fuir. Je ne veux pas qu'on voit ma faiblesse. Non...

Sans que je n'aie le temps de totalement me lever pour m'éloigner, mon peignoir est attiré en arrière, je tombe sur les fesses... Mais j'attérris sur ses jambes, entre ses jambes, plutôt. Enroulant ses bras autour de moi, son menton sur ma tête... Je suis choquée... Personne ne sortirait indemne après avoir fait un tel geste. Mais mes émotions, mon coeur et mon esprit sont ... Je ne sais pas. Seule Hestia me prenait parfois dans les bras. Il y a longtemps. Je n'ai pas eu tel signe affectif depuis des lustres... Mon coeur tambourine si vite que l'on pourrait croire qu'il ne bat qu'une seule fois. Mon corps tremble malgré lui, tiraillée entre émotions positives et peur... Je tremble tellement... Réflexe, j'imagine ... Et ses bras autour de ma taille... Ça par contre... Jamais personne ne l'a fait... Pourquoi j'ai l'impression qu'une nuée de papillons me traverse les entrailles... Et que... Malgré tout ce qu'il m'a fait voir depuis la garderie, je me sens comme... Comblée ? C'est... Agréable ...

« Les gens qui se fient qu’aux réputations sont les plus bêtes. Malheureusement, nous sommes entourés d’idiots. »

Ses mots me font encore plus pleurer, non pas parce qu'il a tort, non pas parce que j'ai peur qu'il fasse une blague... Mais c'est parce que cette compassion ... Me rends toute chose...

« Nous sommes tous nos propres pantins. Nous portons un masque pour ne pas montrer nos propres facettes et jouons sur nos fils pour agir de sorte à amuser la galerie ou à les effrayer. Je suis sûr que des Lobellus rêvent d'avoir des amis, des Tamarisc d’un moment de paix, des Helyantos de calme… Mais on aime se coller des étiquettes, des masques, des sourires ou des regards noirs. »

Jamais une image n'a été aussi claire dans mon esprit. Oui... Un masque... Je n'ai même pas pensé à me reculer de son étreinte, ni même à l'incendier pour cela. Et les Dieux savent qu'ils auraient déjà été sous terre servir d'engrais pour les plantes... Mais lui... Il est, comme moi. Tout simplement. Quelque chose appuie sur mon nez... Une fraise ? Je vois que mon invité surprise a voulu me faire goûter les fruits de ma récolte, je bouge pour que ce soit ma bouche qui goûte mes fraises. Des mara des bois. Sucrées, très juteuses. Mais ce sont ses mots qui me touchent et qui focalisent mon attention plus que ladite fraise. Qui pourrait être interprétés de bien des façons. Mais pour rien au monde je voudrais que cet instant s'arrête... Pourquoi ?

« Puis mieux vaut paraître tyrannique mais avoir une certaine sensibilité qu’avoir l’air gentil et être un gros connard. Tu ne penses pas ? Tu protèges tes cadets il me semble ? C’est quelque chose de louable et je suis sûr que les autres Tamarisc le voient. Si tu avais été si horrible que ça, crois-moi que tu aurais déjà été victime d’une mutinerie depuis bien longtemps. »

Nous sommes encore collés... Pourquoi je me sens si bien ..? C'est étrange. Nous sommes opposés, en terme de caractère. Complètement même... Mais nous avons le même point noir qui gravite autour de notre coeur...

Je protège mes cadets... Vraiment ? Est-ce qu'ils le voient ? Voient-ils quelque chose d'autre que la référente couveuse et stricte qui les arrête dans la plupart de leurs écarts...? Est-ce vraiment louable ? Zeus est bien plus permissif. Et leurs pensionnaires semblent plus heureux. Je ne sais pas. Je ne parle pas aux autres référents en dehors des réunions...

Je sens une figue sur ma bouche. Bien visé, cette fois-ci. Je mange comme un bébé oiseau qu'on nourrit à la becquée, écoutant très attentivement le moindre de ses mots... Va-t-il me nourrir ainsi toute la soirée ?

« Puis tu as quand même un sacré talent ! Tu réussis à rendre un Helyantos sérieux pour un moment ! Et ça ! Personne ne l’avait fait jusque-là sans avoir appelé Zeus ! »

Je lève la tête pour que je puisse croiser son regard. Il fait bien deux têtes de plus que moi. Et deux fois plus large. Je suis comme dans un cocon. Un cocon qui me nourrit et m'apaise...

Sa remarque me fait pousser un rire doux. Sincère. Il est vrai que quand on parle de Momos aux réunions. Et ça arrive... À chaque réunions en fait... Jamais un mot ou un comportement sérieux n'avait été évoqué. Je lui réponds par un sourire. Je suis un petit peu plus détendue. Je baisse la tête à nouveau. Ce n'est pas n'importe quel Hélyantos que j'ai à côté de moi. C'est un peu... Comme un alter, notre parfait opposé ? Il est la partie solaire et moi la partie lunaire ?

'' Et... Tu as réussi à ne pas voler à cent mètres après avoir essayé d'en savoir plus sur moi, et... Cette proximité ... Ca aussi. Ça n'est jamais arrivé. ''

Je souffle du nez. J'ai encore un petit peu peur... Habitude... Sans doute. Je lève la tête pour croiser son regard à nouveau et sourire.

'' Es-tu imprudent ? Ou peut-être masochiste ? ''

Je prends une figue aussi. La tenant à mon tour du bout des doigts pour lui en donner. Il a l'air d'aimer beaucoup ses deux fruits. Mon regard est maintenant plus doux, encore humide certes, oui. Mais plus doux...

'' Tu n'es pas ... Obligé d'aller aussi loin... Par pitié ou que sais-je...  Mais... Je suis vraiment touchée par ce que tu me dis ... ''

C'est de l'instinct. Une petite chose me dit que je serais délaissée à un moment où à un autre. Je n'y peux rien ... C'est... Présent... Et c'est bien ancré.

'' Je...  ''

Je me perds, regard dans le vide. Ma main gauche finit par entrelacer mes doigts dans les siens. Je me rends compte que mon geste est déplacé et la retire vivement.

'' P... Pardon... ''

Mais qu'est ce qui me prends ? Je terre ma tête entre mes genoux. En position foetale. Rouge de honte.

'' Je... Je ne sais pas ce qui m'as pris... ''

J'aimerais. J'aimerais qu'il me parle de lui, de son ressenti, de ce qu'il aime en dehors des blagues, des fraises et des figues. J'en meurs d'envie ...  Oserais-je ...?

'' J... Je ... Tu pourrais ... Me parler un peu de toi ..? De ta vie quotidienne, tes passions en dehors des blagues... De ... Toi ...''

Rouge encore. Mon coeur tambourine. Je suis là, dans ses bras, en peignoir, la nuit, elle est bien belle et crédible... La référente tyrannique et exemplaire... Mais pitié... Au moins ce soir... Je veux quitter ce masque, comme il le dit si bien...  Ma tête finit par se poser sur le haut de son torse. Je suis minuscule face à lui. Une fois ma tête posée sur lui, je regarde ses mains autour de ma taille... Est-ce que... Est ce que je peux... ? Vraiment ... Juste pour ce soir ... Ressentir un peu d'affection ? Demain, tout sera redevenu comme avant. Ce jardin sera à nouveau vide, sans babioles partout... Je ferme les yeux quelques instants. Mon oreille gauche contre sa poitrine. J'entends son coeur battre ... Il a peur, lui aussi...?

Je l'écoute sans lassitude. Je suis surprise. Lui qui avait l'air choqué que je lui demande de me parler de lui... Maintenant, je connais toute ses passions... Et elle sont nombreuses... Sculpture sur bois, marionnettes, il a l'imaginaire, je me demande quel type d'histoire il fait avec ses personnages... Ce sont de belles histoires..? Des histoires drôles ou tristes ? Je pouffe un rire quand j'apprends qu'il couds, qu'il tricote, un loisir qui me plaît énormément. Est-ce qu'il aimerait que l'on fasse ça tout les deux un jour...? Ma tristesse passe doucement mais sûrement aux sourire... Il en revient à parler de coiffure... Alors il aime vraiment ça ? J'aurais du lui accorder le loisir de me coiffer alors... J'entends ensuite qu'il aime le théâtre, la lecture... Je suis un peu étonnée, mais pas tant que ça au final... Ne jamais juger les livres sur leurs couvertures... Même la plus passionnante des histoires peut reliée avec une bien vilaine couverture... Un livre sur un canard...? Parlerait-il du vilain petit canard ? Pourquoi je sens que ce livre pourrait être notre livre de chevet à tout les deux...?

Il soupire avec son exercice de respiration et de débit de paroles... Il a tellement parlé en si peu de temps, il doit être étouffé... Le pauvre...

« Désolé, j’ai un peu trop parlé je crois. J’espère que ça ne t’a pas trop ennuyée, mais comme tu vois, ce sont quelques petites passions comme ça. »

Un nouveau sourire plus sincère nait sur ses joues... Ce qui m'en fait systématiquement naître un, à moi aussi... Tout aussi sincère, et attendrie... Nos regards se croisent...

« Est-ce que ma réponse te satisfait ? »

Mes larmes ont presque complètement disparues, j'étais suspendue à ses lèvres tout du long... Je crois avoir retenu tout ça... Je pourrais m'en servir pour lui faire plaisir... Pourquoi pas ? Je prends de l'eau dans ma fontaine et la purifie à l'aide de mon pouvoir, je verse cette dernière dans une grande coupe en bois d'Acacia et lui tends.

'' Oui, je suis très heureuse... Tiens... Tu dois mourir de soif... ''

Je baisse la tête et rougis à nouveau... Mais je ne suis pas anxieuse, ni même triste... Juste, contente, heureuse, qu'il m'en ait dit plus sur lui... En fait... Nous sommes exactement pareils, lui et moi... Deux âmes égarées qui n'ont qu'une envie, c'est d'être aimés pour ceux qu'ils sont réellement... Oui, être un blagueur invétéré ne veut pas dire être dépourvu de tristesse... Et être une poigne de fer et en retrait ne veut pas dire qu'elle n'a pas envie d'être aimée...

'' Je suis... Très touchée que tu aies fait l'effort de parler ainsi de toi pour moi... Et ce ne sont pas de simples passions... Ne les dénigres pas... Elles sont toutes aussi belles et passionnantes que le plus élogieux des sports de combats, de concours de beauté ou de musique... Je trouve que ce sont de... Très beaux loisirs, et passion...''

Encore la tête posée sur son torse et un de ses bras encore autour de ma taille... Je ne le quitte pas des yeux. C'est un échange unique, improbable... Mais tellement évident quand on creuse un peu... Rien que par ses passions... Je sens que non, ce jeune Dieu n'est pas simplement le Dieu du sarcasme et de la moquerie... Dieu de la raillerie... Non... Il est bien plus que ça... Je le vois. Même si j'ai envie de souffler quand je repense aux fois où il m'en a fait voir... Depuis la garderie... Percher mon livre sur les arbres les plus hauts, peindre mes roses en rouge, mettre du jus de fruit dans mes fontaines... Même enfant, il était comme ça... Mais... Quand j'avais encore un peu d'humanité, je me souviens, après lui avoir cogné la tête deux/trois fois... Je riais dans un coin quand il était parti... Une de mes seules pauses agitées et rigolotes, comme devraient être celles d'un enfant, courir et jouer, c'était quand lui, me faisait des blagues... Pourquoi je ne m'en suis pas rendu compte avant ? Pourquoi je ne l'ai jamais remercié pour ça...? Mine de rien... C'est grâce à lui, que j'ai eu des moments de tendresse... Mes relations passées, je les faisais toujours avec un caractère qui correspondait à une référente, une vraie... Celle qu'on attendait... Avec lui, je m'emportais. Je criais, je lui courrais après, lui envoyer des branches ou le faire tomber en faisant une motte de terre... Mais je riais... Il s'en souvient ? Moi... Ca vient juste de me revenir... Mon cœur s'emplit d'une grosse chaleur... Je me sens aussi bien que je ne l'ai pas été depuis si longtemps...

'' Alors le grand Dieu de la raillerie est aussi un amoureux de la culture et des arts... C'est original mais... Très touchant.''

Je souffle du nez. Je suis émue de toute ces révélations... Ces souvenirs... Je prends à nouveau sa main, me postant face à lui cette fois. Un sourire radieux se dessinant sur mon visage. J'entoure sa main droite des deux miennes, reconnaissante.

'' Et pour te remercier de ta confiance à mon égard...''

Et parce que je n'ai pas encore beaucoup parlé de moi... Même si je trouve que ma longue vie n'a rien de passionnant... Il sait le principal sur mes sentiments de solitude... Alors... Je dé-tresse mes cheveux après m'être redressée, retournée dos à lui, toujours entre ses jambes mais un peu avancée, mes longs cheveux, lui sont dévoilés. Debout, ils m'arrivent jusqu'aux mi cuisse. Je n'en ai jamais coupé ne serait-ce qu'une mèche...

'' Fais-toi donc plaisir... Dieu de la coiffure, je te fais confiance.''

Je tourne la tête pour lui laisse la pleine disposition de ma chevelure... Je lève la tête et regarde les lucioles, alors que la nuit se fait de plus en plus noire...

« Et bien, merci… j’espère juste que je ne risque pas de me faire étouffer dans mon sommeil par la suite. »

Je pouffe un rire. Lui alors...

'' Personne n'est assez fou pour entrer dans mon jardin sans mon aval... Sauf le Dieu de la raillerie ?  ''

Je le sens commencer à toucher mes cheveux. avec une certaine délicatesse... C'est très agréable. Je me détends presque immédiatement. Suis-je sensible quand on me touche les cheveux ? Ou parce que je sens qu'il s'applique..? Je ne sais pas. Mais c'est très agréable...

« Dis-moi si je te fais mal, d’accord ? »
'' Je ne suis pas fragile du cuir chevelu. Tu peux même tirer si tu le veux... Mais c'est... Très agréable ... ''

Je ferme les yeux pour savourer cet instant de tendresse. Très agréable. Je pourrais presque tomber dans les bras de Morphée ainsi. Au sens figuré. Bien entendu.

« Et toi ? A part t’occuper de ce jardin, tu as d’autres passions ? »

Ah. La question qui pique... J'ouvre les yeux. Je reste immobile pour ne pas le déranger. Je lève doucement les yeux vers la lune. Il est tard...

'' Avant cela... ''

Je claque des doigts et l'entrée des jardins se retrouve barré. Personne ne peut entrer. Je ne veux pas exposer mes faiblesses. J'en suis incapable. Momos sera le seul au courant.

'' Rien d'aussi passionnant que toute tes occupations et passions, je le crains... J'aime bien entendu mon jardin, oui... Faire de beaux fruits, légumes, céréales et plants pour combler les palais de tous...   ''

Mais ça c'est... Assez banal...

'' Je tisse aussi des vêtements, comme le peignoir que tu as sur toi. Mais pour les étudiants. J'essaie de fabriquer à partir de matières que je fais pousser... Je fais des tenues de sport et d'entraînement pour mes cadets, mais sinon je leur fais de temps en temps des belles pièces. Comme le chapeau de Deimos, par exemple... C'est... Je dois bien avouer que je suis heureuse de voir que certains apprécient mes créations. Mais... Je suis rapidement revenue l'intransigeance et l'exaspération. J'imagine que c'est mon devoir qui parle ... Offrir des cadeaux ne fait pas oublier les nombreuses réprimandes... ''

Que dire d'autre...

'' Les classiques, cuisines et préparations de remèdes médicinaux... Pour Hestia et ceux qui se sentent endoloris... ''

Sur tout ce que j'ai énoncé... Je me rends compte que je n'ai rien dit qui me rende heureuse moi. Tout est objet pour les autres... Je baisse la tête. Il va sûrement remarquer.

'' Non... Pour moi seule... Je n'ai jamais cherché à trouver quelque chose que j'aime faire pour moi... J'ai... C'est comme si j'avais besoin de faire tout pour les autres. Mais ce n'est rien. C'est ainsi. ''

Je sens que ça remonte. Non, Déméter. Calme toi... Je pince mes lèvres pour ne pas craquer.

'' Je n'ai pas de loisirs propres... Mais ce n'est pas grave, je vis bien ainsi.

Je me sens détendue et en sécurité, là, dans ses bras. Sentir ses doigts dans les cheveux est très relaxant. Mes yeux faiblissent à certains moments.

« Comme je l’ai dit, je fais aussi des trucs pour les autres, des peignes, des miroirs, des petits porte-clés pour qu'ils ne les oublient pas.... Penser aux gens n’est pas une mauvaise chose, toutefois, ça te semble faire souffrir. Tu devrais te trouver cette petite activité égoïste, ton petit plaisir. »

Des loisirs pour moi seule..? J'ai beau chercher... Rien ne vient... À quoi servirais je si je n'utilise pas mes facultés pour combler autrui ? C'est une perte de temps si je n'ai pas de réel objectif moi-même ... Non ?

« Pourquoi ne pas aller à la bibliothèque ? Il y a beaucoup d’ouvrages pour des tutos sur tout et n’importe quoi, c’est un peu comme ça que j’ai appris la sculpture. Tu peux regarder tout ce qu’ils présentent et hop, tu aurais une idée de quoi tester. Après, tu peux aller voir les autres qui font leurs petites activités et montrer de l’intérêt. Je suis sûr que si tu posais quelques questions, ils seraient heureux de te répondre. »

Aller voir les autres... Mon coeur se serre à cette idée. Moi ? La Dame de Fer crainte et agaçante que tout le monde préfère éviter ? Tamarisc comme les autres ? Non... Je n'en suis pas pas capable. Je baisse la tête.

'' Je... Je ne me sens pas capable de me mêler aux autres... ''

C'est bien vrai. Cette idée m'angoisse un peu. Seul peu de personnes ont un regard ou une intention vers moi qui soit bonne. Crainte, mal-aimée, mise à l'écart... La liste est longue. Puis je suis habituée à la solitude. Cela ne me dérange plus.

« Toutefois, je suppose que si tu aimes déjà faire tout ce que tu fais déjà, c’est que tu y trouves un peu de plaisir. Mais ! Si tu veux te trouver un petit loisir rien qu’à toi, je suis prêt à t’aider ! »

Oui... C'est vrai. J'en ressens beaucoup de plaisir. Mais c'est uniquement parce que j'aime offrir des présents et préparation aux autres. Serais-je à ce point en manque de reconnaissance ?

'' Tu... Tu penses qu'il existe un loisir qui ne me ferais pas converser avec les autres ? ''

C'est vrai. Ça me fait peur ... Des souvenirs me reviennent en memoire... Je secoue la tête pour ne pas y penser. Je tente de rester droite mais la fatigue me guette. Je pose ma main sur le sol et la barrière redescend. Si je m'endors, j'aimerais autant ne pas le contrarier et le laisser coincé dehors à d'infliger ma compagnie trop longtemps.

'' C'est... Agréable. Tu as des mains magiques. Es-tu sûr que ce n'est pas ça, ton pouvoir ...? ''

Je souris. Je tourne légèrement ma tête vers lui. Un sourire empli de gratitude lui étant dédié. Je sens que le rouge me monte aux joues, encore ... Pourquoi ?

'' Mais... Je te remercie. Avoir une oreille attentive et ressentir que l'on s'intéresse à moi, même juste une soirée... Me fait... Vraiment plaisir... Mais ne te sens pas obligé de me supporter trop longtemps ... Si tu es fatigué et lassé, je comprendrais que tu veuilles partir ... ''

Je n'ai pas envie qu'il se force ... Il a déjà fait beaucoup. Alors que j'ai failli le noyer deux fois...