Il a voulu dire quelque chose mais impossible de me couper. Impossible de m’arrêter. Pas quand j’exprime des émotions si vives. Pas quand je n’arrive même pas à m’arrêter de pleurer.

– Évidemment, que tu ne peux pas comprendre ! Tout le monde t'aime ! C'est tellement évident que tu es capable de dire que tu le sais sans même avoir à poser la question !

Je me fige. Il n’a pas tort. Il a même totalement raison. Lui et moi n’avons pas du tout eu la même vie. Nous n’avons pas du tout le même contact avec le social, avec les émotions. Comment pourrais-je comprendre ce qu’il ressent, ce qu’il pense ? Alors que j’ai moi-même de grandes facilités à exprimer ce que je ressens en ce qui le concerne. Par contre, je ne peux pas vraiment lui expliquer pourquoi je sais qu’il m’aime. Pas sûr que ça aille en ma faveur. Je lui dirai mais… plus tard.

En attendant, ça ne m’aide pas beaucoup à avancer… Et à me calmer.

– Pourquoi... Pourquoi tu t'es acharné au point de te mettre dans cet état...

Pourquoi ? Mon cœur se serrerait si c’était encore possible. La vérité c’est que je ne peux pas me sentir plus mal que je ne lui suis déjà. Pourquoi ? Mais parce que je t’aime. Je ne te l’ai pas assez répété ?

– Tu ne pouvais pas juste renoncer comme tout le monde ?! Passer à autre chose, trouver quelqu'un d'autre ! Pourquoi tu t'accroches autant !

Je ne lui réponds pas. Je ne le peux pas, pour plein de raisons. L’une d’entre elles est que je n’en ai plus l’énergie. Une autre est que je ne sais plus quoi lui répondre. Qu’est-ce qui pourrait lui faire comprendre que c’est lui que je veux et pas quelqu’un d’autre ? Et enfin, la raison principale est qu’Arès ne m’en a pas laissé le temps.

Il me pousse violement, en appuyant sur mes épaules, jusqu’à ce que mon dos rentre en contact avec le mur le plus proche. Cette fois-ci, nous sommes véritablement dans un coin de la salle mais ce n’est pas ce sur quoi mon attention se focalise. Je suis bien plus inquiet par les tremblements d’Arès. Et stressé par sa proximité soudaine. Le rythme de mon cœur s’accélère alors que les larmes sèchent sur mes joues.

Je fixe mon regard dans les yeux d’Arès et ce que j’y vois me fait mal. J’avais donc raison. Depuis le début, il a seulement peur d’être un coup d’un soir de plus pour moi. Pour la première fois de ma vie, je me déteste d’être si axé sur le sexe. Ça aurait été tellement plus simple si je n’avais pas d’amants…

Mais quand ses lèvres rencontrent les miennes, plusieurs sentiments contradictoires m’envahissent. Le premier est que j’ai mal à la tête parce qu’Arès n’a pas vraiment été doux et que je me suis cogné contre le mur. Le second, bien plus important, est un immense sentiment de soulagement. Enfin. Je l’attendais depuis si longtemps. Je passe mes bras dans son cou et attrape ses cheveux d’une main pour le garder contre moi, répondant à son baiser avec toute la passion qui m’anime à son égard. Je colle mon corps contre le sien s’il est possible de nous rapprocher encore plus. J’espère qu’il n’a pas prévu de partir suite à cela parce que je ne compte pas le lâcher. Plus jamais.

Comme si le monde autour de moi avait disparu, je n’entends absolument pas ce qu’il se passe. Mes pensées sont toutes concentrées sur la sensation des lèvres d’Arès contre les miennes. Mais, quand il finit par se détacher de moi, le visage préoccupé, je suis bien obligé de retrouver la réalité.

Je prends la clef qu’il me donne, le souffle trop court pour pouvoir dire quoi que ce soit, le reste de mes larmes encore présent sur mon visage. Je le vois à peine se diriger vers Dionysos et Perséphone, entend à peine leurs voix et celles des malheureux qui subissent le pouvoir de la déesse du printemps. Bien que je n’ai aucunement conscience de l’existence de cette partie de son pouvoir, je ne suis pas surpris. En fait, mon esprit est trop choqué, trop obnubilé par ce qu’il vient de se passer, pour pouvoir se concentrer sur autre chose.

Qu’est-ce que je fais ? Est-ce que je dois me rendre dans la chambre d’Arès comme il semble me l’avoir demandé ? Ou est-ce que je reste ici pour les soutenir ? Mais est-ce que je peux vraiment avoir une quelconque utilité dans mon état ? Je ne crois pas. En fait, actuellement, je ne peux penser qu’à une seule chose : l’envie irrépressible de continuer ce que nous avons commencé. Je veux continuer d’embrasser Arès mais, actuellement, ce n’est plus possible. Alors si je ne peux pas rester avec lui ou être utile à d’autres, autant que je m’en aille d’ici.

— Ça va Apollon ? Il ne t’a pas fait mal ? Quelle brute celui-là !

Je réussi, tant bien que mal, à comprendre qu’on s’adresse à moi et tourne la tête vers l’élève qui me parle, entourée de deux autres filles. Toutes plus outrées les unes que les autres.

— Mais il se prend pour qui lui ? Vous croyez qu’il pense vraiment qu’Apollon l’aime ? Il est vraiment idiot.
— C’est clair, s’il pense qu’il va pouvoir l’avoir pour lui tout seul, il se met le doigt dans l’œil.

J’aimerai m’énerver, crier un bon coup pour mettre les choses au clair, mais ce n’est pas ma méthode. Et je n’en ai, de toute façon, pas l’énergie. Je me contente de serrer le poing sur la clef et de sourire aux trois pestes.

— Désolée les filles, je suis pressé. Mais vous pouvez peut-être faire quelque chose pour moi.

Les trois idiotes me regardent avec des étoiles dans les yeux, n’attendant qu’une chose, que je continue ma phrase.

— Arès ne va certainement pas réussir à s’occuper de Perséphone seul. Et si vous alliez l’aider ? Je suis certain que Perséphone a grandement besoin de contact physique de camarades Sollerys.

Sur ce, je ne fais plus attention ni à leur présence, ni à leurs potentielles actions et quitte le sanctuaire Helyantos, en direction du sanctuaire Tamarisc.