Ariane lui prenant la main dans les siennes, Narcisse bu ses paroles en se demandant si finalement, il n’avait pas inquiété son amie. Bon sang, qu’elle était trop gentille, elle allait se faire bouffer dans le futur, c’était sûr, mais Narcisse se promettait de la protéger du mieux qu’il pouvait. Ah, si elle avait un prétendant ce dernier n’aurait qu’à assurer ses arrières. Le Sollerys sera à veiller au grain jusqu’à être sûr et certain que le dit prétendant ne soit pas un danger pour sa meilleure amie. Parfois il s’imaginait accueillir « son genre » dans le noir, assis sur un fauteuil avec un chat sur les jambes et prêt à faire passer un interrogatoire. Ah si jamais Ariane aimait un homme, Narcisse s’assurerait que ce soit une bonne personne pour éviter que sa meilleure amie finisse blessée.

« Soit… mais je crain qu’un jour quelqu’un profite de toi. Je veux que tu fasses attention car les gens peuvent être mauvais… Si ça n’avait pas été le cas, n’aurait pas le coup de poing facile… »

Enfin, il l’avait surtout en Cycle 1 lorsqu’il fallait défendre les autres et se défendre lui-même. Par accident il avait même tapé une référente auprès de qui il s’était excusé à maintes reprises. En y réfléchissant, peut-être qu’il avait un sale caractère… Souvent on lui reprochait d’être « narcissique », mais si être « narcissique » était synonyme d’être proche de la perfection, il plaidait coupable. Par contre, c’était étrange comme ce mot et le nom de certaines fleurs ressemblaient au sien… Le Sollerys récupéra délicatement ses mains.

« Mais pour le moment, vois ta petite bouille. »

Il lui montra du doigt le miroir qu’il lui avait donné avec un petit sourire, impatient de la voir aimer le résultat car, après tout, qui pourrait y détester ?

« On pourra ensuite s’installer tranquillement à la salle commune si tu veux. Il fera sans doute plus frais. »

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Narcisse sourit à la jeune demoiselle. Elle pensait qu’il y avait du bon en tout le monde, alors il ne pouvait que la laisser y croire. Même lui était naïf, néanmoins il était conscient qu’il y avait du danger de partout. Si elle voulait croire en un monde parfait, alors il la laisserait y croire, quitte à devoir se sacrifier pour taper des postérieurs afin de la protéger.

« Mais fais attention à ce que les gens ne s’appuient pas trop sur toi, sinon ton épaule sera trop lourde. »

Il secoua légèrement la tête.

« Je te rassure ; je m’occupe de tout ça. Puis c’est surtout toi qui l’a mérité : c’est toi qui t’es fait peinturé le visage non ? »

Bon, pas tant que ça, mais quand même. Il la regarda admirer son reflet dans le miroir avant de sourire de plus belle. Elle était heureuse et si elle était heureuse, alors il ne pouvait qu’être heureux.

« Pas la peine de me remercier, je suis récompensé avec ton sourire. Et crois-moi, ça vaut bien tout l’or du monde ! »

Néanmoins, il espérait qu’aucune nymphe ait pu l’entendre, sinon quoi il craignait une jalousie de ces somptueuses créatures. Il continua à ranger ses affaires avant d’opiner la tête.

« Oui, retire le bandeau. C’était juste pour maintenir tes cheveux le temps du maquillage. »

Il garda les affaires qu’il avait utilisé ; il allait pouvoir les donner à Ariane afin qu’elle puisse se mettre en beauté chaque fois qu’elle le désirait. L’entendant le complimenter, Narcisse sentit ses chevilles gonfler de nouveau avant de se tourner vers elle.

« Je t’en remercie énormément. C’est vrai que je me débrouille pas mal. »

Et par « pas mal » il supposait qu’il était excellent dans ce domaine. Oui, il ne fallait pas lui demander d’être un minimum humble. Il se pencha pour lui rendre l’étreinte, ému par ses paroles.

« Et moi donc. Qu’est-ce que je devrais dire ? »

Il lui caressa doucement les cheveux avant de prendre les cosmétiques qu’il souhaitait lui donner.

« Tiens, prends ça. Quitte à ce que tu retournes pour un bref moment à ton sanctuaire, autant que tu puisses les emmener pour les ranger. »

Il lui mit dans les mains.

« Je t’en referai, promis. »

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« Il n’y en a pas tellement. Enfin, tu vois bien tout ce que j’ai en cosmétique. »

Il y avait des palettes de maquillages, des fioles, des rouges-à-lèvres, des tubes par-ci par-là… Autrement dit, il ne manquait de rien. Ses produits, s’il les faisait, c’était essentiellement pour les autres car il se maquillait que les yeux. Le reste était pour ses camarades et amis.

« Il n’y a pas de quoi me remercier. Si ça te fait plaisir, alors ça me fait plaisir. D'accord ? Allez, va ranger tout ça dans ta chambre et fais attention sur la route. »

Il sourit en la regardant filer, espérant qu’elle n’allait pas se casser la tronche. Enfin, elle avait l’habitude, mais ce n’était pas une raison pour se ficher de ça. Enfin soit, lui-même était maladroit, plus dans les mots qu’à faire des chutes improbables mais il y en avait parfois qui méritaient d’être marquées dans un registre. Il fallait dire qu’il avait la fâcheuse manie de faire ses mondes-reflets via des vitres ou des miroirs ; lorsqu’il sortait de son petit monde alors que quelqu’un avait déplacé la surface, il tombait. Il avait chuté depuis le premier étage, il était resté longtemps alité. Il espérait ne plus jamais revivre ça.

Ariane partant, Narcisse s’empressa aussitôt de tout ranger. Certes son amie lui avait demandé de l’attendre, mais ce n’était pas pour autant qu’il allait obéir. Oh que non, il avait invité son amie à venir se faire maquiller, alors il devait assumer la suite. Puis ce n’était pas compliqué ; quelques babioles à ranger dans le tiroir, quelques trucs à mettre au sale… Non, tout était rangé alors que la jeune Ipoméa s’était absentée à peine cinq minutes. Il en profita pour se regarder dans le miroir et vérifier son maquillage, toujours impeccable. Il effectuait un travail de maître, il devait l’admettre. Peut-être réussirait-il un jour à vendre ses cosmétiques. Peut-être devait-il voir si ses créations étaient résistantes à l’eau. Il en avait certaines, mais malheureusement elles finissaient toujours par couler après quelques brasses dans l’océan. Il laissa échapper un soupir. Un jour il réussirait cet exploit.

Ariane revint et elle tomba. Narcisse se redressa pour l’aider à se relever en espérant qu’elle n’ait rien.

« Tu ne t’es pas fait mal ? »

Visiblement non. Elle tendit un petit paquet que le jeune homme accepta volontiers avant de l’ouvrir.

« Oh merci ma petite Ary~ »

Des lingettes pour le visage en tissu, quelque chose d’agréable contrairement à ce qu’il utilisait régulièrement. En plus, elle avait pris soin de broder un « N ». Que c’était adorable de sa part. Il vint lui faire un câlin en faisant attention à ne pas lui abîmer le maquillage, tout heureux.

« Merci énormément, j’en prendrai grand soin, je te le promets ! »

Il rangea les lingettes dans le tiroir de sa coiffeuse, bien heureux, avant de retourner auprès de sa meilleure amie, de bien bonne humeur. Il alla lui pincer doucement les joues.

« Tu sais que tu es adorable ? C’est vraiment gentil ! En plus ça se voit que c’est de la grande qualité ! »

Il se redressa pour prendre les gâteaux qu’elle lui avait fait, puis alla lui proposer son bras, souriant.

« Tu viens en salle commune, qu’on se fasse un petit goûter rafraîchissant ? »

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Un sourire aux lèvres, Narcisse accompagnait son amie dans les couloirs de son sanctuaire afin de l’emmener jusqu’à la salle commune. Malheureusement, l’air de sa bonne humeur s’effaça aussitôt qu’il ferma la porte à clé pour remarquer quelques camarades. Avec leurs têtes d’ahuris, ils ne cessaient de poser leurs regards sur Ariane. La trouvaient-ils trop simple pour eux ? Peut-être fallait-il ressembler à un perroquet avec des tonnes d’accessoires et de peinture faciale juste pour avoir l’air chic ? Ils avaient l’air de peintures ratées que les Impoméa auraient jetés dans les ordures après avoir estimer qu’il y avait des modes à suivre, y compris dans l’art. Personne n’avait le droit de regarder aussi mal la petite Ariane.

« Déchets… » murmura-t-il doucement à leur égard avant de regarder sa meilleure amie avec une bien meilleure mine. « Va pour quelque chose de frais alors ! »

Enfin arrivés à destination, voilà que la petite Ary le lâcha pour se préparer à lui apporter sa boisson. Il fit la moue, hésitant. Il n’avait pas envie qu’elle ait un jour l’impression qu’il l’utilisait alors qu’il était réellement attaché à elle. Hélas, il n’eut pas le temps de rouspéter qu’il se fit asseoir comme une personne âgée dans le fauteuil. Mal à l’aise et n’ayant pas envie de décevoir sa meilleure amie, Narcisse décida pour cette fois de laisser passer la chose.

« D’accord, j’accepte la punition. Mais fais attention à toi, d’accord ? »

Et il ne parlait pas forcément d’une quelconque chute mais plutôt des paroles acerbes de certains énergumènes. Il les tenait à l’œil. Hélas, les jalousies, les moqueries et les besoins de conflits de certains étaient légion. C’était peut-être pour cette raison qu’il préférait rester seul dans cette maison en compagnie seulement de sa perfection qu’il peaufinait à chaque fois pour rendre la barre encore plus haute pour ces messieurs. Rares étaient les hommes autorisés à se promener en sa présence ; il en était autrement pour ces mesdames qu’il respectait énormément. Alors qu’il pensait que tout irait bien pour sa chère ami, les oreilles du Sollerys commencèrent à bourdonner. Est-ce qu’il entendait bien ? Des gens, oh que non, même pas des gens, des chiens, des corniauds même, osaient s’en prendre à sa petite Ary ? Que c’était risqué, il ne fallait pas oublier que Narcisse se mettait facilement en colère. Il fallait rester tranquille. Oui. C’est pour ça qu’il se leva et se dirigea vers le trio qui avait osé critiquer la petite brune.

« Etrange, je me disais que ces voix croissantes ne m’étaient pas inconnues. »

Il s’installa sur l’accotoir du fauteuil d’un gars qu’il avait à plusieurs reprises recadré, un gars qui s’en prenait facilement aux premiers cycles.

« Mettons-nous d’accord. Elle n’est pas conne, mais par contre, toi… »

Il lui agrippa la tête pour bien appuyer sur les joues et approcher son visage du sien. S’il n’avait pas été Sollerys, Narcisse aurait été Tamarisc. Se battre n’était pas un problème. La beauté n’était pas que physique, elle était aussi intérieure, et quel être parfait n’irait pas protéger son amie ?

« …toi, tu vas apprendre à rester à ta place avec tes bouffons de compagnie. J’ignore comment tu as réussi à être dans ce sanctuaire, mais plus le temps passe et plus je suis persuadé qu’Héra a eu pitié pour vous et vous a accepté car personne ne voulait de vous. Alors quand on ressemble à un gibier mort depuis des années et sur lequel des tonnes de vers ont pullulés pour s’arracher sa chair… »

L’un de ses compagnons allait dire quelque chose, mais Narcisse le fit taire d’un mouvement de la main, continuant toujours à toiser cet énergumène.

« D’ailleurs, même un ver ne voudrait pas de toi tellement tu es exécrable. Parlez encore tes potes et toi en mal de mon amie et crois-moi qu’il ne me dérangera pas de vous arracher à vos chambres pour vous offrir en sacrifices aux poissons. Quoique. Même à un requin je ne lui souhaiterai pas de vous avoir dans l’estomac. On trouvera un truc comme vous arracher les yeux et vous les faire porter en bijoux. Ça vous va ? »

Il avait appuyé assez fort pour que le sollerys ait une marque sur le visage. Après avoir mis un blanc malaisant car on s’attendait à une bagarre, Narcisse s’approcha de nouveau de son ami pour la prendre par l’épaule en jetant un regard hautain.

« Allons nous mettre quelque part d’autres, ils ne méritent pas que nous élevions le niveau de la pièce grâce à notre présence. Laissons-les entre idiots qui arrivent à rire d’une chute. »

Il commença à avancer avec elle.

« Je leur apporterai des livres pour enfants sur le retour, ils apprendront à être adultes peut-être. »

Il y avait des bancs juste devant le sanctuaire, prendre l’air leur fera grand bien. Il ignora évidemment les insultes à son égard.

« Ignore les crapauds ; allons nous asseoir dans un endroit plus tranquille. Devant le sanctuaire, ça te va ? C’est mieux fréquenté à cette heure-ci, on n’aura pas la deuxième garderie pour nous embêter. »

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Il était hautain. Il était horrible. Il était même abominable. Il devait également se service de cette pauvre petite Ipoméa qu’il traînait comme un animal de compagnie. Il n’avait pas d’âme. Oh que oui, il les entendait bien ces insultes et ces accusations. Un souhait également ; celui que quelqu’un lui apprenne les bonnes manières en le tabassant, en lui arrachant son joli petit minois. C’était habituel, il ne pouvait rien faire de plus. Il laissa échapper un soupir. Quel dommage pour eux, il allait tout simplement les ignorer plutôt qu’à répondre à leurs provocations. Evidemment, Ariane semblait mal à l’aise. La pauvre ne devait pas avoir l’habitude de l’ambiance du sanctuaire. La beauté ne rimait pas avec la sympathie et il y avait beaucoup de compétitions entre certains Sollerys. Ça avait été compliqué pour lui d’entrer dans ce sanctuaire en premier cycle en supposant qu’il était une fraude parmi tout ces élèves plus grands et plus beaux que lui, s’étant mangé beaucoup de remarques, pensant être une fraude. Il se souvenait avoir supposé demander à Déméter de le prendre dans son sanctuaire en ne comprenant pas pourquoi il était dans celui d’Héra à cause des critiques des plus âgés, mais heureusement qu’il était tombé sur un groupe qui l’avait aidé à accepter son physique, à comprendre qu’il était beau voire parfait. Si bien même il avait brisé son amitié à cause de ces fréquentations qu’il ne se rendait pas compte être toxiques, Narcisse continuait à respecter la promesse faite avec Momos : que chacun aura à veiller sur les premiers cycles afin de leur empêcher de souffrir autant qu’ils en avaient souffert.

Il adressa un fin sourire à sa meilleure amie.

« Je te rassure, leurs insultes ne m’atteignent pas. Ils sont juste jaloux qu’un lion ne s’associe pas avec des cafards. »

Enfin à l’extérieur, Narcisse suivit du regard Ariane pour s’asseoir sur le banc avec elle. Il prit la boisson, la remerciant.

« Tu n’as pas à t’excuser, Ary. Je doute qu’Héra souhaite me faire dégager de ce sanctuaire à cause de cet incident. Je pense que si elle en a vent, elle accepterait de m’écouter et comprendrait que c’est parce qu’ils ont manqué de respect envers ma meilleure amie. Puis, à part recadrer ce type et marquer de mes doigts son visage en proliférant quelques menaces, qu’est-ce que j’ai pu faire de mal ? Tu as bien entendu ce qu’ils ont raconté par la suite ? C’est plus violent que ce j’ai bien pu dire. »

Il afficha un fin sourire, souhaitant la rassurer.

« Et puis, crois-moi que si jamais Héra me virait, je suis sûr et certain que d’autres sanctuaires me souhaiteraient. Je serais un bon Tamarisc et Poséidon pourrait apprécier mes talents artistiques. Quel que soit le sanctuaire dans lequel je pourrais être, je serais toujours aussi beau et parfait. »

Est-ce qu’il s’envoyait des fleurs ? Oui, et le vase qui allait avec.

« Et puis, je préfère défendre ma petite Ary que rester là à ne rien faire. Je refuse que quelqu’un te fasse du mal et je te jure que jamais, ô grand jamais, je ne laisserai quelqu’un t’insulter ou te frapper. »

La main d’Ariane sur son épaule, Narcisse commença à se calmer. Il fallait arrêter de se mettre en colère, sinon la pauvre allait encore plus culpabiliser. Mais ses paroles lui pinçaient le cœur.

« Je m’en contrefiche de tomber sur des personnes violentes. Je me suis déjà battu, notamment en premier cycle. Je pense que maintenant que j’ai grandi, j’ai encore peur de frapper quelques idiots. C’est surtout moi qui devrais m’inquiéter que tu n’aies plus envie d’un problème comme moi. »

C’était bien lui qui défendait Momos et les autres camarades de premier cycle contre les « grands ». Il en avait mangé des châtaignes, mais il en avait bien rendu par la suite. Voyant Ariane ouvrir sa boisson, le Sollerys l’imita pour trinquer avec un sourire.

« Et surtout, à notre belle amitié ! »

Il cogna doucement sa boisson contre la sienne avant de commencer à boire. Qu’est-ce qu’une boisson fraîche faisait grand bien. Cela le rendit de bien bonne humeur. Autant partir sur une conversation plus joyeuse.

« Et sinon, avec ce petit maquillage, prête à attirer la gent masculine avec un maquillage qui te met en valeur ? »

Autant la taquiner un peu.

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Quelque chose n’allait pas et ça, Narcisse ne le sentit pas tout d’abord, continuant à siroter sa boisson comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

« Tu veux rester célibataire ? Bonne idée. Les études d’abord, c’est le plus important ! »

Puis au moins, elle sera plus tard en couple avec quelqu’un de mature et qui saura vraiment ce qu’il souhaitait. C’était ce qu’attendait un peu Narcisse. S’il enchaînait les petits crush et se refusait aux autres, il préférait largement attendre le bon moment pour accepter d’être le mari d’un homme ou d’une femme. Une main sur son bras, le jeune homme tourna sa tête vers son amie. Là il comprit enfin que quelque chose perturbait son amie.

« Pose-moi toutes les questions que tu veux. »

Un homme la captivait ? Avait-elle besoin de conseils ? Non, il s’agissait de problèmes d’ordre émotionnelle… et les siens. Ah. Narcisse aimait beaucoup parler de lui, mais pas vraiment de son passé, surtout ce qu’il s’était passé avec Momos. Il pensait qu’il avait peut-être été trop dur avec lui, mais c’était pour le bien de tous.

« C’est vrai que j’étais son protecteur mais, je suppose que c’était le mieux pour nous de cesser de nous fréquenter. Nous étions trop différents. Il m’aurait créé encore plus d’ennuis… »

Ses fréquentations lui avaient présentés le problème. Des Sollerys plus expérimentés que lui qui avaient réussi à tirer vers eux un bel enfant bien niais afin de le façonner à leur image, assez docile afin qu’il soit leur marionnette. Des personnes toxiques qui avaient décidé qu’un Sollerys aussi prometteur serait leur trophée, qu’ils pourraient venter d’avoir su élever un héros aussi beau, aussi doué. Il ignorait également qu’ils avaient quelques rancunes envers le dieu de la raillerie tout contre lui et qu’il avait offert malgré lui ce qu’ils souhaitaient ; un pantin et un dieu brisé. Pour combien de temps ? Narcisse avait grandi, il avait mûri d’une certaine manière et il avait su qu’il était allé trop loin. Il avait réussi à écarter quelques-uns de ses amis toxiques qui l’avaient insulté d’ingrat, pensant qu’ils ne méritaient pas rester à ses côtés. Ils avaient trop mal parlé des autres. Ils n’avaient vu que la beauté et la naïveté du demi-dieu. Ils ne pensaient pas qu’il aurait un aussi mauvais caractère en grandissant. Les autres essayaient toujours de le manipuler et parfois y arrivait, mais Narcisse était à présent trop grand pour se laisser avoir aussi facilement. Il restait serviable, niais et parfois idiot, mais il comprenait qu’il n’était pas la chose des autres. Non.

« Disons qu’il valait mieux qu’on se sépare le plus tôt possible. Tu sais, j’ai compris que j’étais beau quand les autres sont venus me voir en cycle 1. J’ai appris beaucoup de choses grâce à eux, que j’ai pu enseigner à Momos pour ses pantins. Je me souviens qu’une fois j’ai réussi à nous déguiser en filles pour l’amusement. »

Cela le dérangeait. Il était vraiment trop sensible.

« On m’a ouvert les yeux. Momos était destiné à être un dieu détesté. Il créait beaucoup d’ennuis, un véritable Helyantos. Moi je suis un Sollerys. Par conséquent je dois briller. Il avait déjà à l’époque quelques doutes concernant lui-même. Souvent il me demandait si un jour ou l’autre il serait un véritable dieu, s’il sera aimé des autres. »

Il balança un peu sa tête sur les côtés, mal à l’aise.

« Et comme j’ai vu les autres comment ils étaient avec les autres maisons, j’ai compris que malheureusement je ne ferais que l’éclipser par ma présence. Pour ça que j’ai préféré rompre notre amitié. Il était mal vu, les gens venaient me voir pour lui parler à lui, et encore ils lui parlaient peu. Mais j’ai cassé l’un des cadeaux qu’il m’a faits. J’ai gardé l’autre, je le porte depuis, mais je me demande s’il m’en veut énormément… »

Il reprit un fin sourire. Toujours optimiste, il se tourna vers Ariane.

« Mais il est fort, et j’ai vu qu’il avait réussi à contrôler son pouvoir. Puis maintenant, je le vois traîner avec d’autres personnes. Il discute beaucoup avec les gens ! »

S’il savait que c’était parce que Momos allait chercher désespérément de lui-même de la compagnie en allant taquiner, faire quelques blagues, forcer des Lobellus à lui donner des noms de livres, etc. Narcisse ne voyait que le beau côté des choses.

« Donc il s’est fait pleins d’amis, des gens comme lui certainement. »

Ou certainement pas, puisque les protégés d’Hadès le fuyaient comme la peste pour la plupart.

« Je me dis que j’ai bien fait d’être dur avec lui. C’est en l’étant avec nous-même qu’on devient meilleur et qu’on frôle ou atteint la perfection. »

Chose qu’il s’était ancré dans la tête et à laquelle il croyait dur comme fer. Il passa un doigt sous son œil, pensant qu’il allait presque lâcher une petite larme. Qu’il était vraiment sensible, c’était fou.

« C’est ça que tu te demandais ? Pourquoi j’ai cessé être ami avec lui ? »

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Ariane avait écouté, silencieuse, l’histoire de Narcisse. Ce dernier se doutait qu’il n’avait pas été des plus sympathiques avec Momos, néanmoins il restait persuadé que le dieu de la raillerie allait bien. Mais son amie, elle, pleurait. Est-ce qu’elle avait été émue de l’histoire ? Sans aucun doute. C’était bien la première fois que le héros parlait de ce qu’il s’était passé entre l’Helyantos et lui. Sa tête contre le corps d’Ariane, il se braqua un peu en l’entendant s’excuser. Pourquoi demandait-elle pardon ? car elle le prenait dans ses bras ? Pour rien au monde le Sollerys lui en aurait voulu ; et pour rien au monde il lui en voudrait pour quoique ce soit. Il avait une confiance aveugle envers l’Ipoméa qu’il avait été heureux de retrouver lorsqu’elle avait quitté la garderie.

« M’aider à lui reparler ? »

Pourquoi donc ? Ils étaient mieux séparés, il en était persuadé. Il l’entendit à présent s’excuser pour le maquillage.

« Ce n’est rien, c’est surtout pour toi que je m’inquiète. Ça me fait de la peine de te voir dans cet état. »

Et il était même à deux doigts de pleurer plus pour elle que pour lui. La pauvre méritait d’être heureuse et voilà qu’il la faisait larmoyer. Quel être horrible il faisait ! Il ferait tout pour lui redonner le sourire, il se le jurait. Narcisse écouta de nouveau sa meilleure amie. Souhaitait-elle vraiment renouer contact entre l’Helyantos et lui ? Une mauvaise idée selon lui. Il la regarda se mettre à genou devant lui, laissant ses mains dans les siennes. Ariane voulait l’aider, il en était ému au point d’en rougir, mais il n’avait aucune envie de lui créer des problèmes.

« Ary… Je t’en remercie de ton aide, mais à présent je pense que nous devons tourner une page lui et moi… »

Il afficha un fin sourire, penchant sa tête sur le côté. Tout ce qu’il souhaitait, c’était à chacun son bonheur.

« Momos est rancunier, je doute qu’il soit prêt à m’écouter, encore moins à me pardonner. Je sais que c’est une cicatrice que chacun de nous doit apprendre à fermer, d’autant plus que tôt ou tard nous aurions dû nous séparer l’un de l’autre. Il aura des responsabilités qui sont imposés à un dieu, tandis que nous, nous serons dans un monde à part. »

Il prit une grande inspiration pour essayer de contenir ses émotions. Un être aussi parfait que lui n’avait pas le droit de pleurer, encore moins en public. Il récupéra une main pour caresser affectueusement la tête de sa meilleure amie. La voir dans cet état lui fendait le cœur.

« Je te remercie néanmoins de l’attention que tu nous portes. Hélas, j’ai beau être optimiste et croire que tout ira toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes, je suis conscient que certaines personnes ne seront jamais plus que des connaissances tôt ou tard. Tu sais, nous sommes immortels… Un jour on rencontre quelqu’un, on devient ami avec lui. On rit, on chante, on danse. On renforce notre amitié en passant du moment avec lui. On lui partage nos sentiments et il nous partage les siens. On s’entraide, on se moque l’un de l’autre gentiment. Mais le temps passe. On change, on devient différents. Nos avis divergent, nos goûts ne sont plus les mêmes. Avec un peu de chance, nous restons amis malgré tout ; avec moins de chances, on finit par s’éloigner de l’autre. Parfois doucement pour que la douleur passe, parfois soudainement pour qu’on puisse pleurer, mais dans les deux cas, ça fend le cœur, la blessure sera toujours là, elle sera toujours présente et elle vivra à jamais dans la poitrine de chacun. »

Son discours lui faisait mal, mais il s’efforçait à sourire.

« Il y aura peut-être du déni. Il y aura peut-être un peu de colère qui surgira. Rompre une amitié équivaut à subir un deuil, nous passons par chacune de ces phases, mais c’est ce qui nous rend encore plus forts, qui nous rend plus matures, qui nous rend meilleurs dans les amitiés que nous vivrons plus tard. On sera toujours nostalgiques en repensant à ces bons moments inoubliables, en ressassant ces moments de fous rire, en répétant aux autres combien on avait été heureux. On aura aussi ces fois où on se souviendra des moments sombres de notre amitié, qu’on criera aux autres comment l’autre avait été affreux, toutes ses trahisons. »

Il lui caressa la joue, gardant toujours son fin sourire.

« Plus sera longue l’amitié et plus on souffrira de cette rupture. Tôt ou tard, Momos et moi nous aurions plus souffert dans cette histoire. Il doit avoir des regrets, comme moi j’en ai énormément. Mais je me dis que cette amitié devait cesser. J’ai déjà songé un jour à le revoir, lui adresser de nouveau la parole. Nous arrivons juste à nous saluer. Il ne souhaite pas franchir le pas, et moi également. Redevenir tous les deux amis, c’est souhaiter remuer le couteau dans la plaie. Rien ne pourra redevenir comme avant, nous regretterons d’avoir voulu devenir ami. »

Il allait vraiment commencer à pleurer ; elle pleurait donc il pleurait, et s’il pleurait elle pleurait. Deux âmes sensibles qui avaient réussi à devenir amis pour pleurer ensemble.

« Mais je te remercie d’avoir voulu nous aider. Peut-être que parfois, j’en laisse quelques larmes… mais faut pas retenir nos larmes, faut laisser aller notre chagrin… Tu sais, petit à petit, c’est une page qui se tourne et ça ne fera que du bien… Alors sèche ces petites larmes, d’accord ? »

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Une pointe noire dans son cœur ? Narcisse ne comprenait pas trop ; Ariana tentait-elle de lui faire comprendre que cette histoire avec Momos allait toujours le tirailler d’une façon ou d’une autre ? Il retint un soupir : hélas il allait avoir beaucoup de questions auxquelles il devra répondre. Regardant son amie s’asseoir de nouveau à côté d’elle, il opina de la tête.

« Oui, ce sont eux. Enfin, pour la plupart, je les ai abandonnés, ils n’étaient clairement pas dignes de rester auprès de moi. Ils sont devenus jaloux lorsque j’ai grandi et que je suis passé plus rapidement qu’eux en second cycle puis en troisième. Ils ont tenté à maintes reprises de me faire du tort. Heureusement que je me suis vite débarrassé de ces mauvaises graines. »

Pas assez rapidement, malheureusement. Ils lui avaient déjà causé le pire mal possible ; celui d’en faire un monstre vaniteux qui voulait à tout point devenir la perfection. S’il avait fait beaucoup de ménage autour de lui lorsqu’il eut atteint le second cycle, il avait commencé à se priver de bien des choses, à revoir sa façon de vivre, son alimentation, ses loisirs… Certes il était beau, certes il était doué dans bien des domaines, mais à quel prix ? Celui d’être vu comme un bâtard, prisonnier d’une image qu’on lui donnait, esclave d’une image qu’il voulait se donner. Les gens ne le voyaient que comme un Sollerys qui ne comptait que sur sa beauté, personne ne tentait de briser cette carapace et d’apprendre à le connaître. Par conséquent, il se montrait facilement manipulable lorsqu’on comprenait qu’il avait autre chose à donner… et si bien que d’autres en profitaient pour lui demander plusieurs services.

« Je me demande s’ils étaient réellement méchants. Peut-être qu’ils avaient eux aussi un peu de mal à s’exprimer… Mais il est vrai qu’hélas, nous n’étions pas du même monde et que nous aurions fini un jour ou un autre par nous séparer l’un de l’autre. »

Il la laissa lui prendre sa main puis se braqua. Momos ? Cette même pointe au cœur ? Il fit la grimace. C’était triste, certes, mais lui aussi devra commencer à se soigner de cette blessure émotionnelle. Ariane proposant de regarder son fil, Narcisse hésita. Il n’avait pas trop envie, mais il comprenait l’envie de son amie qui ne souhaitait qu’une chose ; l’aider. Y refuser serait lui faire du mal et la pauvre voulait sûre que deux amis se rabibochent. Il prit une grande inspiration. Non, il n’avait pas trop envie, mais pour quelqu’un qui était toujours à ses côtés il ne pouvait rien refuser.

« Soit… Je t’en prie… Tu peux y aller… »

Il sourit, légèrement mal à l’aise.

« Si ça peut te faire plaisir. »