Le traditionnel moment de calme
Déméter & Athéna

Je venais d'entrer en Cycle 2. J'avais été accueillie dans le sanctuaire Tamarisc à mon arrivée à l'académie. J'y ai retrouvé beaucoup de personnes que j'appréciais beaucoup à la Garderie, comme Hécate ou Achille, mais surtout Déméter. C'était un plaisir de la revoir et elle était devenue référente. Nous avions pour habitude de prendre un moment de calme toutes les deux pour discuter autour d'un bon thé, de quelques fruits ou d'autres plaisirs gustatifs et de discuter avec plaisir, échangeant sur une quantité de sujets de conversation très vaste... Ce matin là, alors que mon Cycle 2 commençait, j'étais très heureuse de retrouver Déméter. Mais cette fois-ci, le rendez-vous n'était pas seulement amical. Elle m'avait demandé hier soir de venir la voir. La voir et non Nous voir. La nuance était mince, mais elle était là. Je m'étais levée de bonne heure et préparée dans le calme, sans le moindre bruit. Je n'aimais pas déranger mes camarades de chambrée... J'avais pensé à prendre de quoi manger pendant ce qui semblait avoir l'air d'être un entretien. Apporter de la nourriture à la Déesse de l'Agriculture pouvait sembler contre productif au vu de son pouvoir et de sa maîtrise exceptionnelle, mais elle était un peu gourmande et j'aimais beaucoup la voir manger avec plaisir ce que j'apportais lors de nos échanges. Je me rendis dans ses jardins après avoir entendu que certains de mes camarades frappaient déjà sur des mannequins d'entraînement ou faisaient des pompes... Je vis la déesse de dos dans le jardin et la rejoignis, armée de mon petit panier.

— Bonjour, Déméter !

J'étais joyeuse, comme tous les matins. La journée commençait très bien par un délicieux thé qu'elle avait préparé. Elle connaissait très bien mes petits plaisirs. Le thé aux agrumes en faisait bien entendu partie. Des olives vertes, noires et d'autres fruits, rien que pour nous deux. Je lui souriais avec douceur et m'installais à ses côtés, posant le panier à côté du saladier qu'elle dressait souvent entre nous.

— Tu désirais me voir..? J'ai apporté de la feta, une bouteille d'huile d'olive et du pain pita !

Je vis de belles fleurs à côté du saladier. Mon sourire ne se fit pas attendre. Je savais ces fleurs pour moi. Elle me connaissait si bien que j'en étais toujours impressionnée... Je pris une olive noire dénoyautée, la dégustant comme le meilleur des mets que pouvait offrir Olympus. Je me sentais bien, préparée à la conversation qu'elle voulait avoir avec moi. J'étais dans les meilleures dispositions pour apprécier notre échange avec l'odeur des fleurs, le goût de la nourriture et la caresse du vent sur ma peau...

Le traditionnel moment de calme
Déméter & Athéna

Ses félicitations me parvinrent droit au coeur. Déméter n'a jamais tari d'éloges me concernant et ses compliments savaient me toucher. Je pris une olive que je croquais avec élégance en écoutant ma référente. Je lui souriais, inclinant la tête.

— Merci beaucoup, Déméter, je suis très heureuse de progresser au sein des Tamarisc.

Mon premier cycle s'était terminé en beauté. J'étais prête à progresser, à devenir meilleure, à voir mes camarades évoluer avec moi en même temps. Le cycle 2 me tendait les bras et Déméter m'avait déjà accompagnée du mieux qu'elle pouvait pour que je me sente bien. Elle avait réussi avec brio. Je savais qu'elle faisait de son mieux pour ça.

— Tout est parfait, ne t'en fais pas, je me sens bien chez moi dans notre sanctuaire...

Il est vrai que ma perception du courage et d'autres valeurs de mon sanctuaire différaient parfois de mes autres camarades qui étaient particulièrement portés sur l'entraînement et la violence. Je rejettais sans animosité cette approche de ma philosophie. C'était devenu mon crédo au fil du temps. La déesse de la sagesse devait montrer le bon chemin... Mais c'est alors que ma référente me fit une offre étrange...

— Eh bien je dois bien reconnaître que la proposition est très intéressante et je suis honorée que tu me la fasses.

Je bus mon thé tranquillement. Il était parfaitement infusé et à la bonne température. C'était ainsi que je préférais le boire. Notre petit repas au calme était alors le théâtre d'une conversation officielle. Cette proposition était tout ce qu'il y avait de plus sérieux. Elle n'était pas du genre à plaisanter sur de pareils sujets. Elle désirait que je devienne sa seconde. C'était bien trop d'honneur qu'elle me faisait. Mais quelque chose brûlait en moi. La volonté de bien faire. L'ardent désir d'aider ma référente et amie. Le poids des responsabilités en était galvanisant. Je lui souriais avec détermination.

— Si tu m'estimes capable de remplir cette tache, alors j'accepte ta proposition. Je ne te décevrai pas, Déméter. Merci pour ta confiance...

Elle ne pouvait pas me faire un plus beau cadeau. Elle avait confiance en moi au point de me confier quelques responsabilités. Néanmoins, un facteur demeurait absent dans cette proposition. Ce qu'allait impliquer le fait de devenir seconde... Je souriais franchement, le regard lumineux alors que je pris un morceau de pain imbibé d'huile d'olive pour faire passer mon morceau de feta.

— Que devrai-je faire pour remplir ma fonction, Déméter ? Qu'attends-tu de moi, exactement ?

Le traditionnel moment de calme
Déméter & Athéna

Déméter m'expliqua ses attentes vis-à-vis d'une seconde. Bien sûr, j'avais déjà une vague idée de sa vision des choses concernant l'encadrement des cadets de tout un sanctuaire pour la voir tous les jours, mais elle verbalisa précisément que l'aide d'une personne ne serait pas de refus. J'étais son premier choix et j'en fus honorée. J'inclinais respectueusement la tête avec un doux sourire. Elle n'aurait pu me faire plus plaisir. Les méthodes contraires étaient de mon point de vue nécessaires pour proposer une toute nouvelle façon d'agir. Je lui souriais alors qu'elle prit ma main.

— C'est à la croisée des chemins de chacun que nous pouvons créer ensemble le meilleur sentier pour que tous puissent avancer dans l'harmonie...

J'offris ma perle de sagesse et bus une gorgée de mon thé de ma main libre. C'est alors que Déméter me fit part du délai de réflexion auquel j'avais droit pour ne serait-ce qu'imaginer mon rôle de seconde. Je fermais les yeux un instant et, décidée, je lui répondis. Ce n'était pas dans mes habitudes de traiter une question aussi importante aussi vite. Mais la réflexion était déjà terminée pour moi.

— D'ordinaire, oui. Mais la perspective de pouvoir t'aider me comble de joie et si grâce à cela nous pouvons passer plus de temps ensemble, je serais ravie de pouvoir t'aider, Déméter. J'accepte.

Nous trinquions à cette décision avec une nouvelle tasse de thé et de quoi manger. J'étais heureuse de me sentir utile à ma référente et amie. Mes conseils allaient pouvoir servir, porter leurs fruits. Avec cette position, j'allais avoir le pouvoir d'aider mes camarades... Sa question me fit réfléchir un instant, puis ma réponse vint entre deux gorgées de thé chaud.

— Eh bien, je pense pouvoir être un bon premier contact que les Mythos de premier cycle auront en arrivant dans notre sanctuaire. Je pourrai les conseiller, veiller à ce qu'ils puissent apprendre en paix et désamorcer les conflits qui éclatent, que ce soit entre eux ou avec d'autres Tamarisc plus expérimentés...

Nous étions connus comme étant le sanctuaire le plus belliqueux parmi les cinq. La réputation du sanctuaire des rouges n'était plus à faire. Après tout, nombre des jeux typiques des Tamarisc impliquent de se donner des coups à un moment ou à un autre et où la violence est un comportement souvent mis à l'honneur dans ce genre de sport. Des concours de gifles ou s'amuser à qui cogne le plus fort. Les nouveaux premier cycle n'auraient pas besoin d'arriver dans une atmosphère aussi guerrière. Elle avait du bon, bien entendu. Mais une autre approche était possible...

— Si tu me le permets, je pourrais aussi les encadrer pendant leurs entraînements ou pourquoi pas organiser la création de divers clubs, par exemple ? Enfin... Ce ne sont que des hypothèses, des idées. Au bout du compte, c'est ta décision qui importe...

Qui sait ? Peut-être que les nouveaux allaient comprendre que la guerre pouvait aussi se gagner sans effusion de sang. Peut-être qu'ils pourraient même, avec leurs découvertes nouvelles interagir avec les anciens de notre sanctuaire et transmettre eux aussi, à leur manière, une perle de sagesse ? J'espérais qu'un jour, un autre Tamarisc veuille jouer aux échecs ou tout autre jeu de stratégie avec moi et qui ne brûle pas d'envie de fracasser la surface de jeu au bout de cinq minutes... Je pris une olive que je dégustais du bout des doigts. Déméter était vraiment la meilleure en la matière...

Le traditionnel moment de calme
Déméter & Athéna

J'inclinais la tête respectueusement après avoir écouté l'approbation de ma référente. Mes idées, mes propositions semblaient déjà la séduire. J'étais satisfaite que ma sagesse puisse servir à rendre le sanctuaire encore plus agréable à vivre qu'il ne l'était déjà avant que je ne devienne seconde de Déméter. Je peinais encore à le croire. Il s'agissait encore pour moi d'un rêve éveillé. Je la remerciais d'un geste de la tête lorsqu'elle me servit une nouvelle coupe de thé avant de me répondre. Elle avait parfaitement compris mon idée, mon projet concernant les nouveaux Tamarisc à leur arrivée dans leur nouvelle famille. Je souriais et repris une gorgée de ce nouveau thé tout aussi succulent que le premier.

— Exactement. Ils prendront leurs marques entre de bonnes mains et s'ils ont peur de voir quelqu'un qui semble au premier abord moins avenant que moi, je serai toujours là pour servir d'intermédiaire, de médiatrice...

Ma suggestion concernant les clubs était bien vite arrivée à la connaissance de Déméter. Là encore, elle semblait séduite par mes projets, comme si j'avais passé des nuits entières à travailler sur une liste de points que je pouvais proposer le jour où j'aurai l'opportunité de contribuer à l'évolution de notre sanctuaire. Il n'en fut rien. Les idées fusaient ainsi comme une pluie battante. Déméter avait rebondi sur mes idées de clubs et elle avait même mentionné la possibilité que je puisse en présider un. L'idée me fit beaucoup sourire et je hochais respectueusement la tête, honorée. Je n'avais pas pensé à l'idée de diriger une assemblée, mais elle me séduisait beaucoup... Je répondis alors à sa contre proposition.

— J'en serais ravie. Je suis même certaine que les Tamarisc les plus expérimentés pourraient avoir beaucoup de choses à transmettre à leurs nouveaux camarades fraîchement sortis de la Garderie... Qui sait ? Peut-être que servir d'enseignant par moments pourrait les aider à être plus en confiance envers eux-mêmes, les rendrait plus responsables et chacun pourrait échanger, apporter sa pierre à notre édifice commun... Je pourrai demander à Hippolyte ce qu'elle en pense, je suis sûre qu'elle regorgerait d'idées, elle aussi !

Je restais néanmoins modeste. Si l'on me confiait la tache de diriger un club, je me devais de faire part à ma référente que nombre de mes camarades avaient eux aussi beaucoup à apporter à nos futurs étudiants du sanctuaire écarlate. Les anciens qui pourraient partager leur savoir pourraient intégrer facilement les intéressés dans la discipline qu'ils auraient choisie. Une relation qui serait bonne pour tout le monde. Nous allions rendre le sanctuaire Tamarisc harmonieux, avec tous ses membres unis où la bienveillance serait un mot d'ordre... Je soupirais de bonheur à cette pensée. Ma sagesse était utile et serait utilisée pour le bien de tous. J'en étais infiniment heureuse... C'est alors qu'après avoir englouti les olives, Déméter fit pousser dans un pot sculpté probablement par elle-même un petit olivier semblant déjà donner des fruits. Des olives vertes comme des noires qui me semblaient d'ailleurs être d'une espèce botanique différente. Déméter a toujours été une artiste dans le domaine de l'agriculture. C'était sa spécialité, elle était même imbattable. Elle me le tendit, me faisant comprendre qu'il s'agissait d'un cadeau. Mon regard s'illumina.

— Oh, Déméter, il est si beau...

Je le pris à deux mains, admirant sa forme si particulière. Il me semblait avoir une forme unique. Les olives me semblaient être à parfaite maturité alors que l'arbre en lui-même m'avait l'air si jeune... J'allais pouvoir le mettre sur ma table de chevet pour l'admirer chaque matin. Ce qu'il représentait pour moi était inestimable, comme le lien qui m'unissait à ma référente et amie... Je pris la parole après avoir doucement posé sur le côté mon cadeau.

— Je te remercie infiniment pour ce beau présent. Il m'est aussi précieux que la confiance que tu as en moi, j'en prendrai soin comme s'il en était la représentation matérielle. Me permets-tu de te prendre dans mes bras pour te remercier comme il se doit ?

Je lui tendis les bras avec un grand sourire heureux. Elle ne m'avait jamais fait plus plaisir qu'à cet instant précis. Pour elle, je n'étais plus seulement une amie. J'étais devenue bien plus...

Le traditionnel moment de calme
Déméter & Athéna

Son cadeau m'avait fait infiniment plaisir. Malgré le fait que je possédais déjà un olivier rien qu'à moi au sanctuaire Tamarisc, Déméter avait fait en sorte à ce que j'en possède également un petit dans ma chambre. Il allait pouvoir parfaitement rentrer et être une décoration pour mon ambiance propice à la méditation. C'est alors qu'elle accepta une embrassade avec moi. Je la serrais contre moi avec douceur. Je la savais peu tactile, mais nos échanges étaient particuliers, uniques. Si elle avait voulu éviter les contacts, je me serais abstenue de lui faire ce geste d'affection. Mais je voulais avant tout lui demander son consentement. Son regard fuyait quelque peu lorsque notre contact avait pris fin. J'étais malgré tout touchée qu'elle ait accepté. D'un sourire sincère et d'un geste de la main, je la rassurais. Je n'étais pas offensée le moins du monde.

— Bien sûr que je tiens à toi, Déméter, enfin. Tu es une amie qui m'est très chère... Je n'aurais jamais fait quelque chose qui t'aurait déplu.

Nous dégustions quelques victuailles. Encore. Elle était une véritable gloutonne dans l'âme, elle adorait manger et j'appréciais beaucoup manger en sa compagnie. Si j'étais moins portée sur la fourchette qu'elle, elle me donnait cependant les meilleurs conseils, les meilleures recettes, les meilleures idées pour déguster ce qu'on faisait de mieux dans tout Olympus. Je me levais lorsqu'elle me demanda une faveur. Ma première mission en tant que seconde. Cette mission concernait les clubs et les étudiants pouvant être intéressés. Je devais faire une enquête de terrain. Qui serait intéressé et par quoi. J'acquiesçais à mon amie.

— Avec grand plaisir. Je suis à l'initiative de ce projet, je peux parfaitement glaner ces informations auprès de nos camarades...

J'avais déjà vu nombre de Tamarisc pratiquer un nombre incalculable de sports et de compétition, que ce soit en solo ou en équipe. Pour le tir à l'arc, j'avais déjà une personne toute trouvée pour le présider si le projet venait à l'intéresser... Beaucoup étaient de grands amateurs de combats, à mains nues ou non et je commençais mentalement à tous les lister. Aimeraient-ils cette idée si elle venait de moi ? Je l'ignorais. Je poursuivis alors ma réflexion.

— Je vais avoir quelques difficultés pour interroger Deimos au vu de son pouvoir qui m'empêche de le regarder dans les yeux, mais... Je veux bien essayer. C'est pour le sanctuaire.

Je n'avais jamais réussi à croiser son regard sans être terrifiée. Mais nous n'y pouvions rien. C'était de la faute de son pouvoir auquel j'étais très sensible malgré moi. Mais il fallait que j'essaie de parler à Deimos. Ne serait-ce que pour l'impliquer dans la vie au sanctuaire. Après tout, même si je n'avais encore jamais réussi à connaître moi-même la couleur de ses yeux et malgré son caractère, je ne le détestais pas, n'attendant qu'une seule chose, c'était qu'il fasse un pas vers moi. Je ne haïssais personne. Je voulais impliquer tout le monde...

— Merci pour ta confiance, Déméter, j'en suis très honorée...

Je m'inclinais une nouvelle fois, tenant mon olivier contre moi. J'avais pour intuition que ses petites olives allaient rapidement être dégustées et qu'il allait être un de mes plus fidèles amis pour ma méditation quotidienne... Elle avait fait un magnifique travail.

Le traditionnel moment de calme
Déméter & Athéna

Mon projet de clubs impliquait de m'entretenir avec mes autres camarades Tamarisc afin de savoir ce qu'ils aimeraient voir fleurir comme activités... Cela impliquait de fait, de n'omettre personne. Déméter me proposa d'aller s'entretenir elle-même avec le seul de mes camarades que je ne pouvais regarder dans les yeux... À savoir Deimos. Ma colonne vertébrale se raidit un peu à la mention du nom du dieu de la terreur. Je lui fis un non de la tête, l'arrêtant de la main. C'était à moi de le faire...

— Je vais lui demander, c'est la mission que tu m'as confiée et il s'agissait de mon idée, alors je la vais la mener à bien coûte que coûte.

Et qui sait ? Peut-être que cette entrevue allait me permettre de réussir à interagir avec lui sainement ? Peut-être qu'en se sachant écouté, que son avis nous intéresse, notre relation allait s'améliorer ? J'avais bon espoir de contenter mes camarades avec mes idées, ma bienveillance, mon écoute... Cependant, je vis ma référente d'un tout autre oeil. Elle semblait presque... Éteinte. Elle s'excusa. Je posais ma main sur son bras, avec une grande douceur et lui souriais avec tendresse, non sans une certaine inquiétude.

— Mais Déméter..? Tu sembles ailleurs, es-tu sûre que tout va bien ? Tu n'as pas à t'excuser, enfin...

Ma main caressa son bras pour lui apporter soutien, chaleur et appui. Nous étions amies depuis la Garderie, même si nous n'étions pas toujours ensemble. Nos moments de partage étaient de réels plaisirs. J'appréciais que l'on passe du temps ensemble. À jouer, réfléchir, lire, discuter ensemble. Mais elle passait beaucoup de temps seule. La Garderie n'avait pas toujours été une source de bonheur pour elle et j'en avais bien conscience. Sa solitude se ressentait même encore aujourd'hui... Elle me proposa de faire encore quelque chose avant le dîner de ce soir. Sans même retirer ma main de son bras, je lui répondis tendrement.

— Et si nous discutions entre amies, toi et moi ? Nous pourrions même dîner ensemble, si tu le veux !

Elle n'allait pas me mentir. Je la savais honnête. Mais ses pensées avaient l'air obscurcies par quelque chose. Mon instinct me dicta d'être là pour mon amie. J'allais agir. Hors de question de la laisser seule, emprisonnée dans ses hantises... Ma main descendit jusqu'à son poignet, puis jusqu'à sa main dont je caressais le dos.

— Je sens que la brume occupe tes pensées, mon amie, tu sembles soucieuse... Désires-tu m'en parler ?

Je n'étais qu'en second cycle, mais j'avais déjà la sagesse nécessaire pour conseiller n'importe qui. Mon concept était là et je savais qu'il pouvait lui être utile. Je ne pouvais pas aller contre sa volonté de ne pas m'en parler et la possibilité qu'elle décide de rester muette n'était pas à exclure. Mais mon devoir de déesse de la sagesse, de seconde, de consoeur et d'amie me dicta d'être là pour elle. Et j'allais le faire...

Le traditionnel moment de calme
Déméter & Athéna

Ma proposition de dîner ensemble ne resta pas sans réponse. Elle était même, à mon avis, très attendue. Elle me souriait avec une certaine tendresse et je lui rendis son regard bienveillant. Ma proposition se fit même compléter par la sienne. Dîner ensemble, oui. Mais dans sa chambre. Il ne m'en fallait pas plus pour pousser un petit rire plein de bonheur.

— Avec grand plaisir, Déméter.

Néanmoins, je sentis que quelque chose n'allait pas. On ne me cachait pas longtemps ce genre de chose. Je savais les ressentir, comme une sorte d'instinct. J'imagine qu'il s'agissait juste d'empathie ou parce que j'étais une des rares personnes Tamarisc à en être pleinement dotée, mais ma main se raidit en sentant la sienne faire de même. Je n'allais pas lui imposer un contact physique plus long. Je voulais simplement lui montrer que j'étais là. Je mis mes mains dans mon dos, comme pour lui dire que je lui laissais son espace. Je savais que ma référente était en proie à quelques doutes. Nous avions souvent eu des conversations de ce genre. Mais cette fois-ci, elle me laissa en dehors de ses réflexions. Je hochais la tête, l'air compréhensive avant de répondre avec douceur.

— Très bien... Mais n'oublie pas qu'avoir un avis extérieur est toujours bon à prendre si jamais tu es aux prises avec une situation complexe. Surtout avec toi-même...

Déméter était comme ça. Elle ne voulait pas m'inquiéter et je le savais. Depuis même assez longtemps pour rassembler une trace écrite d'une grande partie de nos échanges dans un livre. J'avais une très bonne mémoire pour retranscrire ce que nous nous étions dit durant tant de temps depuis la Garderie. Je lui avais offert à chaque saison quelques feuillets supplémentaires contenant toutes nos conversations, puis plus tard nos lettres contenant mes perles de sagesse pour elle. J'avais l'intuition qu'elle ne me racontait pas toutes ses introspections et j'avais en conséquence ajouté un cavalier ou deux dans ce jeu d'échecs qu'elle jouait contre elle-même, en signe que même si elle était seule, elle pourrait toujours compter sur quelqu'un. Moi. C'est alors qu'elle me demanda de la retrouver au crépuscule. J'avais le temps d'agir... J'acceptais volontiers sa demande et la quittais pour qu'elle puisse se préparer.

— Très bien. Alors à tout à l'heure, mon amie.

Je tournais les talons, emportant avec moi mon merveilleux olivier miniature. Je la remerciais encore du regard et d'un signe de tête avant de me rendre dans ma chambre pour le faire trôner sur ma table de chevet. Hippolyte m'avait d'ailleurs vue avec un très grand sourire... Mais tout n'était pas terminé. Je réservais encore quelques surprises à Déméter. Oh oui... Je me rendis à la cafétéria, prenant quelques victuailles pour notre repas. Je revins alors au crépuscule devant la chambre de Déméter, armée d'un grand sac en toile ainsi que de mon matériel d'écriture. Nos regards se croisèrent... Puis je pris la parole la première.

— J'ai pris la liberté d'apporter avec moi des fromages et des tartes aux fruits. Je sais que tu les adores...

Tout ce qu'elle adore, je l'avais pris et en quantités. Je la savais gourmande. La feta, la mozzarella, tous ces fromages frais, tout était si parfait... Je savais qu'elle mangeait ses boules de fromage comme n'importe qui mangerait une pomme et même à l'époque de la Garderie, j'en riais. C'était si inattendu... J'avais pris l'habitude de la couper en fines tranches pour les déguster avec des tomates et un filet d'huile d'olive, mais un jour, je m'étais promis que j'allais essayer de les manger comme elle. Puis les tartes aux fruits... Fraises, framboises, pêches, abricots, pommes, citron avec de la meringue brûlée sur le dessus... Je savais que notre repas allait être un moment de calme comme nous avions l'habitude d'apprécier ensemble...