Il avait trop d'énergie, aujourd'hui. Ça lui arrivait souvent, c'était même en grande partie la raison pour laquelle il montait aussi vite dans les tours quand il était en colère, mais pour une fois il n'avait croisé personne qui lui donne envie de canaliser cette énergie dans un coup de poing à l'estomac. Il s'était donc rabattu sur les mannequins d'entraînement du gymnase général à défaut de pouvoir réserver une salle privée. De toute façon la dernière fois qu'il l'avait fait...
Hmpf. Pas le moment de penser à ça.

Il frappa un peu plus fort dans le mannequin comme si ça suffisait à se sortir la pensée de la tête. La plupart du temps, ça fonctionnait. Bon, en fait ça n'avait pas trop fonctionné depuis le carnaval de printemps. Les événements de la grotte avaient réussi un instant à garder ceux du bal à l'écart de son esprit, mais c'était vite revenu. Les questions d'Artémis beaucoup trop bien calibrées. La facilité avec laquelle Apollon avait réussi à le convaincre d'abandonner son arme, de venir avec lui et Artémis au bal, de se calmer alors qu'il rêvait de détruire le crâne d'un abruti à coups de poing. La sensation de ses mains sur ses épaules, de son regard qui le détaillait beaucoup trop à son goût dans cette tenue... Il l'avait fait perdre un duel de force juste en s'approchant d'un peu trop près...
Le plus agaçant là-dedans était peut-être que parfois, ces sensations lui manquaient.

Arès secoua la tête pour se défouler un peu plus sur ce pauvre pantin d'entraînement. Pas mal de gens commençaient doucement à déserter le gymnase pour retourner en cours ou dans leur panthéon, mais il n'y prêta pas attention. Il était tellement concentré pour ne penser qu'à frapper et surtout rien d'autre qu'il sursauta en entendant la voix d'Aphrodite. Super, elle choisissait vraiment mal son timing, pour changer.



Il avait déjà assez de choses qui tournaient sous son crâne sans y rajouter la semi-nudité d'Aphrodite en plus. Parce que oui, elle était en culotte, il comptait ça comme étant à moitié à poil. C'était une manie, décidément, dans cette ville.

Il tressaillit quand elle s'approcha encore plus. C'était différent de... du reste, mais ça restait une proximité avec laquelle il n'était pas à l'aise, surtout dans la tenue qu'elle portait. Sérieusement... Elle ne pouvait pas juste porter un pantalon ou une jupe, comme tout le monde, au lieu de se trimballer comme ça ? La plupart du temps, il réussissait à la rembarrer facilement, mais il avait un peu de mal à collecter ses pensées, en ce moment.



Le mot le fit grimacer lui-même. Deux personnes qui s'amusaient à jouer avec lui, c'étaient déjà deux de trop. En revanche... les deux auraient dû avoir le même effet, pourtant se dire qu'Aphrodite ne faisait que jouer avec lui ne lui faisait rien, à part le souler un peu. Peut-être parce qu'elle le faisait moins souvent.
Oui, c'était sans doute quelque chose comme ça.

Il n'était pas d'humeur. Pas d'humeur à avoir encore quelqu'un sur le dos ni à faire autre chose que de taper sur son mannequin d'entraînement. Il soupira.



Il n'avait pas envie de jouer sur les mots. Elle était venue pour s'amuser et ça ne le tentait pas, quelle que soit la façon dont elle avait convenu de le faire. Il n'avait pas envie d'avoir affaire à ses taquineries, déjà, pour commencer. Elle s'amusait à le draguer beaucoup trop souvent à son goût. Sérieusement, il y avait un moyen d'annuler l'abonnement, ou pas ? Parce qu'il s'en passerait bien. D'autant plus qu'il en avait visiblement deux en même temps...



Là, c'était un peu mieux, déjà. En théorie, canaliser la colère lui permettait de rester à peu près cohérent quand il s'adressait à elle. Enfin, la plupart du temps ; ça n'incluait pas le petit murmure à son oreille et la caresse sur sa nuque. Il serra les dents, et les poings, et il aurait probablement fait de même avec les paupières s'il n'avait pas eu peur qu'elle en profite pour lui sauter dessus.



Essayer de ne pas se laisser perturber, tu parles. Il aurait aimé pouvoir affirmer qu'elle n'avait aucun effet sur lui mais bon, ça restait Aphrodite. Elle était belle, elle le saait, elle en jouait. Comme quelqu'un d'autre de sa connaissance. Du coup, autre question : est-ce qu'il avait vraiment besoin que les deux plus belles divinités d'Olympus décident toutes les deux de lui courir après ?



Combien y avait-il de manières différentes de dire "fous-moi la paix et trouve-toi quelqu'un d'autre", exactement ?

Trésor... Hmpf. Est-ce qu'il était vraiment obligé de rester là à la supporter ? Elle avait juste l'air déterminée à le faire tourner en bourrique et ça lui tapait déjà sur les nerfs. Tant qu'à faire, si elle pouvait s'éloigner de quelques centimètres... mètres... kilomètres, bref, s'éloigner loin, au lieu de lui murmurer à l'oreille comme ça. Ça n'aurait pas dû être difficile de la dégager et de reprendre sa journée normalement, il était prêt à parier qu'une pichenette suffirait.

Il se crispa en sentant ses lèvres sur son coup et recula d'un pas vif, comme si elle l'avait brûlé. Bordel. Apollon avait au moins eu le mérite de lui épargner ce genre de trucs... Et ce n'était toujours pas le moment de penser à lui. Ça commençait à profondément le souler. Avoir ce genre de souvenir qui remontait à la surface pendant qu'Aphrodite s'amusait à le draguer n'était pas franchement une idée lumineuse...



Tiens, c'était une idée, ça. Au moins il était à peu près sûr qu'elle arrêterait de lui courir après si elle n'avait plus de jambes pour le faire. Bon, il se ferait incendier par Hestia - Et Déméter, et Héra, et Perséphone - mais il commençait à se dire que ça vaudrait peut-être la peine s'il pouvait s'épargner ses sarcasmes et ses petites provocations.



Tant que le quelqu'un d'autre en question n'était pas lui, tout irait bien. D'autant qu'elle n'était peut-être pas "déesse de la baston" mais lui, si. Et il ne se faisait pas prier pour afficher sa préférence entre les deux. Combattre était beaucoup plus simple que toutes ces conneries.

Évidemment que son mouvement de recul la fit marrer. C'est à ce genre de choses qu'elle s'amusait : essayer de troubler les gens et jubiler quand elle réussissait à susciter une réaction, quelle qu'elle soit. Même si c'était du rejet, ou de la fuite, ou n'importe quoi du même genre. D'un autre côté, assimiler ça à de la fuite lui laissait un coup amer dans la gorge. C'était un concept qu'il avait tendance à ne pas aimer côtoyer de trop près. Mais est-ce que c'était le même genre de fuite et de lâcheté que de vouloir se tenir à l'écart, au moins physiquement, des gens qui ne voyaient en lui qu'un jeu parmi d'autres ?



Ça devenait bien tentant. Au fond, rien ne l'empêchait de régler tous ses problèmes par la violence, si ? Il était connu pour ça, c'était a priori son rôle, en plus. Et s'il rechignait bien malgré lui à faire du mal à Apollon, il n'estimait pas avoir les mêmes réserves avec Aphrodite. Si elle le cherchait trop, il n'hésiterait pas autant.



Il n'avait pas besoin d'une partenaire pas foutue de faire la différence entre une tenue de sport et des sous-vêtements, déjà, pour commencer, et il n'avait certainement pas envie d'un massage. Pas d'elle. Ni de personne. Surtout pas...
Bref. Il n'avait pas envie qu'elle le touche.

Enfin... c'était plus facile à penser qu'à affirmer. C'était le souci avec elle : elle avait largement de quoi plaire, et elle le savait très bien. Et elle lui tournait autour depuis longtemps, aussi, même s'il avait du mal à comprendre pourquoi. En fait, il avait du mal à comprendre pourquoi qui que ce soit pouvait décider de faire une chose pareille. L'image d'Apollon s'invita - encore - sous ses paupières ; il la chassa en secouant la tête.



Sa voix s'était calmée malgré lui. Il n'était plus en train de lui hurler dessus et il avait cessé d'éviter autant que possible de la regarder ou de croiser son regard. Tout aurait été nettement plus simple si elle n'avait pas été belle. Mais bon, c'était comme lui demander à lui de ne pas être fort...

Elle n'avait vraiment pas envie de lui foutre la paix, décidément... Peut-être qu'il devrait vraiment lui péter le bras pour qu'elle arrête. Ou sinon, plus simple, juste se barrer et la laisser toute seule ici. Ce qui aurait été plus simple si elle n'avait pas eu cet effet sur lui. Il avait du mal à décrocher son regard d'elle depuis quelques minutes et il ne comprenait pas trop pourquoi, mais ça le faisait un peu grincer des dents.



S'amuser à ses dépends ou pas, ça ne changeait rien. Il voulait juste être tranquille et s'entraîner, à la base. Se changer les idées, ce genre de choses. Alors effectivement, ce qu'elle proposait changeait aussi les idées mais non. Ce n'était pas une méthode qui l'intéressait. Taper des choses fonctionnait très bien, pourquoi changer de tactique ?

Elle se fichait ouvertement de ce qu'il pensait, en tout cas, car il sentit ses bras passer autour de lui après qu'elle l'eut contourné. Il frémit. Elle était trop près. Il n'avait pas envie de se demander comment elle avait fait pour mettre sa tête sur son épaule avec leur différence de taille, et il n'avait pas envie d'entendre le chuchotement à son oreille. Surtout comme ça. Premièrement, ça lui rappelait prévisément le souvenir auquel il essayait de ne pas penser. Deuxièmement, il avait la sensation qu'elle était un peu trop proche d'atteindre son but.



Oui, il était préoccupé et oui, il aurait aimé penser à autre chose, mais il n'avait pas besoin d'elle pour ça. Au contraire, même, depuis qu'elle était arrivée, elle ne faisait que lui remettre ces idées en tête. Il voulait lui dire de le lâcher, mais une part de lui n'en avait pas envie... et cette part prenait un peu trop le dessus.

Elle l'imitait, en plus. Il avait du mal à déterminer ce qui l'empêchait de lui coller son poing en pleine figure et d'en finir là-dessus. Ça serait finalement beaucoup plus simple, et surtout elle l'avait franchement mérité. Pourtant, quelque chose le retenait, et les bras qu'elle passa autour de lui n'arrangèrent pas cet effet. Trop proche. Beaucoup trop. Et elle n'avait pas l'air décidée à se taire. Au contraire, elle sembla considérer sa phrase comme un signe d'en rajouter une couche. Ça pour être bornée, elle l'était. Et lui, ça ne l'arrangeait pas du tout.

Il sentit un nouveau frisson le parcourir, sans savoir s'il était venu avant ou après le contact des lèvres d'Aphrodite contre sa nuque. La sensation persista, s'accrocha sur sa peau, lancinante, beaucoup plus tentante qu'elle n'aurait pu l'être en temps normal. Une part de lucidité dans son esprit lui soufflait que ce n'était pas normal, mais il avait du mal à l'écouter. La voix d'Aphrodite couvrait celles de son esprit.



Sauf que son non n'avait pas du tout la conviction de ses précédentes répliques. Parce qu'il n'arrivait pas à se défaire du frisson sous sa peau ; parce que son sourire et sa voix s'infiltraient plus loin que ses simples sens. Elle était hypnotisante. Un peu trop, sûrement, en tout cas plus que d'habitude. En temps normal, il était facilement capable de la rejeter froidement. Même au début de leur conversation, il y arrivait plutôt bien. Mais là...



Est-ce qu'il avait envie qu'elle parte, finalement ? Ça coûterait quoi, de penser à autre chose pendant un moment ? Juste un peu, le temps de chasser de sa conscience une certaine voix, un certain regard, un certain sourire. Redevenir comme avant.
Vider son esprit...
Pourquoi pas, après tout.

Aphrodite avait comme insupportable défaut d'être tenace et bornée. Oui, comme lui, mais c'était différent, son coté buté à elle était principalement contre lui et ça lui tapait sur les nerfs. Enfin, en temps normal, disons. Là, il sentait une part de sa résistance faiblir. Pas parce qu'elle l'aurait eu à l'usure, non, c'était le fait qu'Apollon ne voulait pas lui sortir de la tête et que la proposition qu'elle faisait de se vider l'esprit commençait à être de plus en plus tentante. C'était un peu idiot, finalement, de troquer un jeu pour un autre, mais... c'était différent. Il n'aurait pas su dire exactement en quoi ; céder à Aphrodite lui paraissait juste moins problématique. Peut-être parce qu'il n'y avait jamais eu quoi que ce soit entre eux que ce jeu qu'elle s'obstinait à jouer, alors qu'avec Apollon, la dynamique avait changé du jour au lendemain.
Bref, se vider la tête semblait une perspective engageante, finalement.

Ce fut la pensée qui lui traversa l'esprit quand elle vint poser sa main contre sa joue avec une énième réplique à laquelle, cette fois, il ne donna pas de réponse. Aphrodite lui plaisait, c'était indéniable – elle était un peu conçue pour plaire – mais est-ce qu'il avait envie qu'elle reste pour autant.. ?

Elle n'avait en tout cas pas l'intention de lui laisser le temps de réfléchir. Elle se dressa sur la pointe des pieds pour l'embrasser et il frissonna, posant par réflexe une main derrière sa nuque comme pour la retenir, même s'il n'essaya finalement pas de l'empêcher de reculer. Un peu trop troublé pour pouvoir penser, il se laissa entraîner contredisant de lui-même toutes les fois où il lui avait dit non. Il avait beau essayer de penser, il n'arrivait pas à trouver une raison valable de refuser. La porte du placard se referma sur eux et elle n'attendit pas longtemps pour se rapprocher de lui.

Il laissa échapper un soupir tremblant quand elle vint poser ses mains sur sa peau, sans chercher à la repousser pour autant. Elle lui offrait une échappatoire parfaite pour arrêter de réfléchir, pour chasser l'image qui, depuis qu'elle l'avait touché, obnubilait son esprit.



Ça ne l'empêcha pas de relever son visage d'une main et de se pencher pour l'embrasser, plaçant l'autre dans le bas de son dos pour l'attirer contre lui. Le geste fut suffisant pour lui rappeler qu'elle était déjà à moitié nue. Il frémit, descendit sa main pour avoir une meilleure prise, plongea ses lèvres dans son cou. Il la repoussait depuis si longtemps, et c'était pourtant si facile de lui céder...