La plage n'était pas son élément de prédilection, pour beaucoup de raisons. Poséidon arrivait en tête, vu que c'était quasiment chez lui et que la dernière chose dont Arès avait envie, c'était de le croiser. Mais ce n'était pas la seule. De manière générale, il évitait les tenues où il était vulnérable, encore plus depuis les incidents du carnaval de printemps où il s'était retrouvé sans arme et sans armure dans beaucoup trop de combats, et la plage imposait beaucoup trop souvent cette catégorie vestimentaire.

Il avait fait un effort pour Perséphone. Elle était un peu plus adepte que lui de tout ce qui semblait attirer les gens à la plage aujourd'hui, et il avait un peu de mal à la laisser aller seule à des événements de ce genre depuis la dernière fois. Bien sûr, c'était idiot. Ils s'en étaient sortis, au final, et il y avait peu de chances qu'elle coure à nouveau un danger, mais quand même. S'il devait se passer quelque chose, il préférait ne pas la lâcher des yeux.

Donc il était venu avec elle à la plage, et il avait fait le minimum vital pour ne pas complètement détonner. Ça voulait dire pas d'armure, un maillot de bain même s'il n'avait aucune intention de mettre un orteil dans l'eau, et pas grand chose de plus à part une veste à capuche à manches courtes, ouverte pour l'instant. C'était plus fort que lui, il voulait avoir une semblant de tenue complète au cas où il faudrait se battre. La dernière fois qu'on lui avait assuré qu'il n'en aurait pas besoin, le déroulement des événements n'avait pas tardé à lui prouver le contraire. Après ça, il se contenta de suivre le mouvement. Il n'avait pas d'objectif particulier aujourd'hui, donc autant laisser son amie réaliser les siens.



C'était... Artémis..? La perspective lui parut tellement absurde qu'il s'arrêta en fronçant les sourcils. Puis tourna la tête à l'instant où la balle percutait un visage avec un bruit qui avait l'air quand même un peu douloureux. Assez pour rendre Apollon vulgaire, en tout cas. Bon il avait l'air d'aller bien quand même, il avait fait connaissance avec un ballon, pas un boulet de canon. Artémis était plus du côté de la précision que de la force brute. Mais d'habitude, son frère réagissait assez vite pour rattraper avec ses mains, pas avec sa tête.



L'idée qu'il ait pu se prendre la balle en pleine tête paraissait bizarre. C'était en tout cas assez déconcertant pour qu'il ait un petit temps de retard avant de réaliser à qui il parlait. Et surtout dans quelle tenue. Puis, dans la même ligne de réflexion, comprendre pourquoi Artémis avait sorti une phrase pareille en guise de bonjour.
...
Elle n'était pas prête de le lâcher avec ça, hein...

Il se racla la gorge en s'efforçant de garder son regard fixé sur elle, pour éviter de vérifier s'il risquait de réitérer l'expérience de son match de basket contre le dieu des arts. Avec un peu de chance, les deux reprendraient leur partie de beach volley comme si de rien n'était et il n'aurait pas à se poser de questions...

À voir son sourire, il était clair qu'elle l'avait fait exprès. Peut-être pas de percuter son frère avec un ballon, mais au moins de lancer sa petite remarque faussement innocente. Clairement, il aurait dû mieux choisir ses mots quand il avait voulu la retenir le jour du carnaval. Il s'était mis dans une situation crispante. Heureusement, elle ne fit pas d'autre commentaire, trop occupée à gérer les chuchotements des filles qui les observaient. Et qui, visiblement, faisaient partie de celles qui "exagéraient les choses", pour reprendre ses mots. Méchante ? Pour un ballon ? Quand même.

Quant à Apollon, il était... fidèle à lui-même. La soi-disant attaque méchante de sa soeur ne l'avait pas secoué tant que ça, vu qu'il avait rapidement retrouvé son sourire. Et son regard un peu trop visé. Arès eu la soudaine pulsion de refermer sa veste, mais il se retint. De toute façon, Perséphone avait déjà détourné le regard en question en avançant pour s'enquérir de son état. Elle avait toujours eu un don pour s'inquiéter pour les gens, dans certaines situations ce n'était pas plus mal, mais là ce n'était pas vraiment nécessaire.
Il n'allait pas s'en plaindre, cela dit, si ça rendait la situation un peu moins... hm... bizarre.



Une partie, hein... Techniquement, ça n'était pas bien différent de leurs interactions habituelles, il y avait juste deux petites questions en suspens. Un, la dernière fois qu'il avait disputé un match avec Apollon, les choses avaient pris une tournure qu'il avait encore du mal à assimiler et à vraiment appréhender. Deux, ça dépendait aussi de Perséphone, il n'avait pas l'intention de l'embarquer dans un duel contre ces deux-là si elle n'en avait pas envie. Ça restait quand même du sport de haut niveau, elle n'avait peut-être pas envie de mettre ça dans son programme de la journée.



Au volley, il n'y avait pas de contact physique avec l'équipe adverse. Aucun risque que ça finisse comme sur le terrain de basket. Tant qu'il se concentrait sur la balle, tout devrait bien se passer... Son regard se reposa un instant sur Apollon, remonta malgré lui les lignes de ses abdos, et il déglutit avant de détourner les yeux.
Aucun risque, oui, bien sûr.

Perséphone accepta presque sans hésitation, ce qui régla rapidement la question. Il avait donc quelques minutes à peine pour trouver une contenance et la garder. Jouer contre Artémis était une chose - pas évidente, mais il avait l'habitude de l'affronter et il savait compenser en force ce qui lui manquait en précision. Jouer contre Apollon, par contre, entrait dans une autre catégorie, surtout à la plage, et surtout depuis leur match de basket.

Tung.
Il fut tiré de ses pensées par le bruit du ballon qui percutait la tête d'un autre élève. Oui, il y avait ça, aussi. Perséphone n'était pas à proprement parler une sportive. C'était une Sollerys, qui passait autant de temps à rêvasser et à profiter des moments calmes qu'une Lobellus. Sn lieu de prédilection, c'étaient les jardins de printemps, pas les terrains de sport. Alors que leurs adversaires était une Tamarisc, et quelqu'un qui n'avait rien à leur envier côté temps d'entraînement. Il tapita doucement l'épaule de la déesse.



Il sourit. La "victime" devait s'estimer heureuse d'avoir reçu une balle maladroite de Perséphone. C'était la personne la personne la moins susceptible de faire mal sur ce terrain.



Arès grimaça. Est-ce qu'il avait vraiment cru qu'il s'épargnerait ce genre de commentaire ? Pas vraiment. C'était un match amical sur la plage, et il avait mal à imaginer Apollon prendre ce genre de choses assez au sérieux pour être à 100% concentré dessus. Résistant encore une fois à la pulsion de refermer sa veste, Arès se contenta de lever les yeux au ciel pour s'efforcer de faire abstraction du reste.



S'il avait eu un peu plus de sérénité à ajouter à la situation, il aurait ajouté un "moi", mais l'idée ne lui traversa pas l'esprit. Au lieu de ça, il remarqua du coin de l'oeil qu'Artémis avait fini de s'occuper du pseudo-blessé et était revenue, prête à jouer. Une bonne diversion pour ôter cette conversation de sa mémoire.

... Bon, il n'était visiblement pas assez concentré pour rattraper le service d'Artémis. Ou bien - tout aussi vraisemblable - elle avait visé à la perfection pour qu'ils n'aient aucune chance d'arriver assez vite. Il soupira, récupéra le ballon qui roulait dans le sable pour le laisser à portée de main de Perséphone si elle voulait retenter un service.



Techniquement, elle l'avait fait, mais c'était avec un peu de mauvaise foi de temps en temps qu'on gardait l'orgueil intact.

Retrouver sa conversation n'était pas aussi facile qu'il l'aurait voulu. Même si le but était clairement de le perturber, au moins que même Artémis l'avait relevé, il avait du mal à chasser le petit commentaire d'Apollon – et sa façon de le regarder – de ses pensées. C'était d'autant plus frustrant que les mots eux-mêmes le troublaient moins que la manière dont il les prononçait, avec tous les sous-entendus qu'il pouvait percevoir dans sa voix.

Perséphone aussi semblait perdue dans ses pensées. Il la vit rougir et secouer la tête comme pour s'ôter quelque chose de l'esprit et il fronça légèrement les sourcils. Sa tentative de détourner l'attention était un peu maladroite ; cependant, il n'avait pas trop envie de l'embêter – elle subissait déjà assez avec les rumeurs qui courraient un peu partout – alors il se contenta de hocher la tête. Le fait que personne ne relève son excuse maladroite sembla avoir un effet positif sur sa confiance, car son service était parfait. Manquant un peu de force, peut-être, mais il aurait pu dire ça de tout le monde donc il n'était pas franchement objectif.

La balle atterrit entre les mains d'Apollon, qui la passa tranquillement à Artémis. Bon, c'était peut-être le moment d'arrêter de se perdre dans sa tête. Rater un smash parce qu'il pensait à autre chose passait encore ; en rater deux, beaucoup moins. Il avait trop d'orgueil pour se laisser battre juste parce qu'il avait du mal à garder les yeux fixés sur le ballon. Il détacha, un peu trop difficilement, son regard du dieu des arts pour le reporter sur sa sœur. Elle visait à la perfection, comme d'habitude. Même s'il avait cette fois eu le réflexe de bouger assez vite pour rattraper le tir, elle avait envoyé sa balle pile entre eux et il eut une fraction de seconde d'hésitation de peur de percuter Perséphone. Fraction de seconde qui fut suffisante pour que le ballon atterrisse dans le sable.

Arès soupira. Bon. Deux points, c'était largement suffisant. Il avait l'habitude de jouer contre Artémis – au ping-pong, mais ça restait la même idée – et même si les sports d'équipe n'étaient pas son point fort, il n'avait pas envie de perdre aussi facilement contre elle. Cette fois, ce fut lui qui récupéra la balle. Un service dans ce genre de sport était autant une attaque qu'un smash comme celui d'Artémis. Sauf que c'était une attaque qui se faisait seul. Donc il n'avait pas à avoir peur de blesser Perséphone au passage, surtout qu'elle n'était pas du tout dans sa trajectoire.

Il ferma les yeux une seconde, faisant tourner la balle entre ses mains le temps de se concentrer. Il n'avait aucune intention de rater ce tir, ça aurait été un peu trop violent pour son orgueil. Distraction mise à part, c'était surtout le risque de tirer trop loin à cause de sa force – et de sa précision relative – qui pouvait poser problème. Forcément, son service n'avait pas du tout la grâce de celui de Perséphone. C'était un Tamarisc jusqu'au bout des ongles, il tira avec la brutalité qui caractérisait la plupart de ses actions. Le genre de balle qui faisait bien mal aux bras à la réception.
Mais bon, le but était justement qu'ils ne la rattrapent pas.