Un jeu. Tout ceci n'est qu'un jeu. Mais les règles sont particulières … et les outils du Maître du Jeu, le seigneur de cette narration, ne sont clairement pas les plus simples à appréhender. Les forces occultes, les ombres … L'espace et le temps ? Si la survie leur est permise – sont-ils toujours doté de leur immortalité ? - il faudrait poser certaines questions … Mais il est rare que les Primordiaux répondent à des interrogations concernant les ombres qui habitent l'extérieur du Mur – et les Moires semblent encore bien plus indisposée à une telle curiosité. Mais … il osera. Pourquoi se brider ? À part un refus, que va-t-il risquer ?

Les Ombres agissent. Les Ombres jouent. Et il semble s'arracher à l'ambiance. Un frisson parcours son dos. Alors que la voix d'Argos résonne. Il ne peut pas empêcher un petit sourire – mauvais. « Donne la boîte entière au point où on en est. Les Maux sont efficaces. Je ne t'apprends rien. Mais ça ira … Je suis concentré. Tu me connais. Les jeux. » D'ailleurs, en parlant de son chocolat chaud, il boit une gorgée, mêlant cela aux herbes médicinales de Déméter. La douleur continue de progresser au fil de la descente de cette chaleur dans son gosier. Tout devient compliqué. Tout devient difficile.
Le sourire s'efface aussi rapidement qu'il est venu. Une nouvelle pensée alors que son regard observe les lointaines et proches silhouettes.

Puis. Un regard sur cette sphère qui s'est posée dans le creux de sa main. Les doigts qui se ferment doucement contre. Les lumières qui changent. Alors que la voix résonne. Explique. Un rôle, oui cela il l'avait déjà dit. Maintenant … Penser ? Hm. Quelle la limite d'une pensée ? Pour le moment, aucun visage. Pour éviter toute problématique. Une seule pensée. Cette voix qui résonne. Qui explique.

Un regard. La sphère. « Je vois. Et les conditions d'attribution sont, j'imagine, à la discrétion du Meneur du Jeu et ne peuvent être connues ? » Des rôles … Hériter d'un rôle … celui d'une personne … Donc …  C'est une épée de Damoclès. Soit il hérite d'un rôle qui est innocent de toute trahison – qu'importe ce que cela veut réellement dire – et cela fait perdre une personne du camp recherchant les traîtres … Soit il hérite d'un rôle qui le contraint à devenir un traître. Un désavantage permanent donc.

Il reste innocent, ils sont moins nombreux.
Il devient un traître à la place d'un autre, les innocents sont moins nombreux et les traîtres gagnent un nouveau visage.
Tout cela bien entendu sans prendre en compte les rôles.

« Et une petite fiche des rôles probables, c'est possible ? Non. Bien sûr que non. Tu ne nous gâcherai pas le plaisir de découvrir les règles. Sinon, t'es sûr que tu n'es pas l'Incarnation même du Vice ? Allez … Si tu ne veux pas retourner dans la Boîte dis le. » Bon, forcément, c'est pas ça hein. Mais pas moi qui vais te juger là dessus.

Donc. Le seul avantage d'hériter d'un traître est que le traître disparaît tout de même. Ainsi … il est préférable de chercher une personne capable de l'être. Mais le Voyage se doute que l'esprit d'Argos n'a pas choisi les rôles selon une quelconque personnalité. Il faut espérer d'ailleurs qu'il n'a pas fait cela en laissant le sort décider. Le sort … Le hasard … Mais, qu'importe la distribution des rôles … il est nécessaire de mettre en évidence qu'il existe une logique. C'est
donc la Chance et la Logique qui pourraient être un facteur déterminant … Ses proches … et les leurs … Il faut choisir. Personne ne pourra être sauvé.

Il secoue la tête. Bon. Ce n'est pas la meilleure solution. Mais si Elle est traîtresse, elle sera un vrai problème. Et si elle décide de penser de la même façon … Cela risque d'être amusant, finalement. Le plaisir du jeu … Et dans tous les cas, il apprendra les règles en jouant. Donc … Une pensée. Un nom à faire résonner dans son crâne.

Dionysos n'était pas un Traître. Son rôle lui permettait de jouer jusqu'à trois rôles, un à la fois. En a-t-il utilisé un … ? Si oui, cela avait-il un véritable lien avec les pronostics réalisés ? La vérité est que cela ne prouve aucunement la fiabilité de ces différentes valeurs chiffrées. Le Dieu du Vin a joué une forme du jeu : il a envoyé une vérité. Beaucoup s'y sont accrochés, d'autres voudront faire de même, c'est là la stratégie mise en place par Hippolyte. « Mauvaise stratégie … » C'est la vérité qui traverse les lèvres du Voyage. Car rien de tout ceci n'est simple. N'est évident.

S'il a utilisé un pouvoir, la base informationnelle ayant données ces valeurs n'est sans doute pas pleinement juste. Oh. Sans doute qu'il y a des vérités. Mais c'est la base d'un jeu de discorde : le mensonge et la vérité se mêlent. Ils deviennent l'un et l'autre des amants étroitement liés. Leurs essences se mêlent, pour former un agglomérat de faits, de suspicions et de fictions. Rôle hein. Le terme est logique. Ce sont des rôles. C'est un jeu de rôle. De comédie. D'improvisation.
Si Dionysos n'a pas utilisé un pouvoir, au contraire, alors il est fort possible que ses statistiques soient simplement nées d'un besoin d'aiguiller le jeu. Après tout … il est celui qui a augmenté l'alcoolémie par deux fois. Quel était le mal prononcé par Athéna concernant Pandore … Le Vice. Oui. Le Vice. Un allié touché par cette malédiction … Difficile de savoir quel rythme la partie aurait pris.

Dans les deux cas, une autre réalité se mêlait à tout cela : il n'avait pas partagé les raisons de ses statistiques. Quelles informations possédait il pour considérer Amphitrite comme à 100% Traîtresse et inversement pourquoi lui, le Voyage, était à 0% ? Pourquoi 30% pour Apollon et Artémis … ? Si le Vice a parlé, alors il n'y avait guère de raisons derrière ces choix. Si c'était un pouvoir … Non. Ce n'est pas une bonne idée de suivre des statistiques invérifiables.

Un instant, il fait entendre un long soupir. « J'attends toujours les cachets dans ma boisson chaude hein. » Un petit rire, un peu froid. Car la douleur augmente. Combien de temps va-t-il pouvoir rester ainsi ? Combien de tour pourra-t-il réfléchir à la situation ? Pour le moment, il a encore cette étincelle … Ce besoin de gagner. Pas seulement pour son propre ego. Pour son ami. Télémaque. Pour les autres, aussi. Il ne peut imaginer l'inquiétude de Luciole face à la disparition d'Arès …

Il mange. Soupir. C'est douloureux. Comme le fait de boire. Mais il le fait quand même. Pour éviter de se laisser à l'inaction. Se forcer à faire quelque chose, c'est un peu se débattre. Se débattre est douloureux, fatiguant, bien entendu. Mais se laisser aller à cette douleur et à cette fatigue déjà fort présente … C'est le meilleur moyen de sombrer et de perdre le fil. De la situation, mais aussi des discussions.
Les esprits sont échauffés. Ils se sont attrapés à la gorge assez rapidement. Les maux invitent à des réactions particulières. La Colère de Momos progressera à nouveau … La Maladie et la Famine de certains vont continuer d'agir. Et cette règle est pour tout le monde.

Maintenant il va falloir agir plus directement … Une première idée dans l'esprit. Une étrange erreur de compréhension d'une participante. Cela sera son prochain axe. Est-ce le mal de la boîte … où est-ce un moyen de jouer avec l'esprit de ses victimes … ?

Cette fois. Le choix devra être plus sage.

Nouvelle journée. Nouveau vote. Puis nouvelle nuit. La sœur de cœur de Luciole a été récupérée par les Ombres. Et, là encore, elle ne faisait pas partie des élus d'Argos. Que deviennent ceux qui sombrent ? Que deviennent ceux qui finissent dans ce domaine inconnu … ? Non. Pas uniquement. Quelle est la différence entre cet environnement et le précédent. Plusieurs fois, il a pu utiliser ses portails, malgré la présence des ombres qui définissaient le sentier et les zones des épreuves. Pourtant, ici … la Chasse n'a pu utiliser ses pouvoirs – ou plutôt, ceux-ci se montrés incontrôlables.

Un silence. Une réflexion. Que se passerait-il s'il tentait de préparer une déchirure spatiale au moment où les ombres venaient chercher la prochaine victime de cette nuit … ?
Il observe le ciel. L'obscurité … Réelle ou fictive … ? Ses muscles bougent. Il pousse sur ses jambes, difficilement. Pour se redresser. Passer sa main dans l'air ambiant. Comme pour ressentir chaque aspect du tissu de l'espace. Une légère grimace. Non. Il n'utilise même pas sa magie spatiale …

Regard, en direction d'Hippolyte. Puis en direction d'Hébé. L'une comme l'autre pourraient être les élues. Peut-être même les deux en même temps … Bien entendu, il y a une autre possibilité … Un sourire sur ses lèvres. Malgré la douleur.
Tête qui bascule à nouveau en arrière. « Tu serais bien capable de faire ça … Après tout, ce n'est qu'un jeu … » Mais nous ne savons pas ce qui se passe de l'autre côté des ombres. Les Terres Désolées sont naturellement étranges. Peuvent-ils perdre leur immortalité ? Peuvent-ils perdre leurs pouvoirs au fil de leur éloignement avec le cœur de leur vie, cette Académie qui compose leur monde depuis la Garderie.

À cette pensée, il observe autour de lui.
Il n'a jamais été aussi loin. Que fait le Gardien ? Un grognement d'agacement. « Arrête de remuer la queue et dépêche toi. Si nous finissons tous dans les ombres … » Il se laisse tomber. Regarde en direction du rondin où se trouvait Amphitrite. Puis Luciole. Puis Momos. Dionysos … Déméter … Athéna … Et chaque visage de ce jeu. Puis. Les autres. Perséphone … Achille … Pandore … Télémaque …
Sa main attrape une petite pierre proche. Garde les yeux fermés à nouveau. Brutalement, il envoie la pierre en direction du feu. Acte de colère ? Ou simple vérification de quelque chose ? Difficile de dire.

Un soupir. Il doit faire un choix.
Hébé ou Hippolyte … Si sa théorie est juste et qu'il y a bien un Traître, alors Hébé ne le visera pas – sauf si elle est poussée par une quelconque aura à le faire. Qui sait ce que ces ombres peuvent faire … ? C'est la fin du jeu. S'il était à la place d'Argos ? Il aurait gardé un joker dans sa manche. Pas une triche, non. Mais un moyen de rappeler que les règles sont des mots. À interpréter. À comprendre. Il mène le jeu. Il a sa propre grille de jeu. « Toi aussi. Tu as ton rôle et tes pouvoirs. » Un soupir.

Hébé est la Traîtresse ? Elle attaquera sans doute Hippolyte et se retrouvera seule avec Hermès. L'autre possibilité est qu'elle l'attaque lui … et s'il utilise son pouvoir contre elle … elle ne fera qu'une seule chose : se pousser elle-même dans les ombres. Après tout, Tyché a sans doute participé au vote contre lui et a fini par devenir la proie de ses propres capacités.
Hippolyte est la Traîtresse ? Elle visera l'un ou l'autre. S'il sacrifie Hébé – qui, dans cette vision, est celle qui a donné les deux voies contre Artémis, alors il se retrouvera face à elle. Mais que fera alors le maître du jeu ? Va-t-il les pousser à aller jusqu'au bout, jusqu'à une dernière nuit ?

Dans le cas où le jeu continue. Dans le cas où une nouvelle nuit arrive … Il a la possibilité de gagner.

Machinalement, sa main s'est glissée dans son sac. Pour y sortir un paquet de cartes. Pour le mélanger. Jouer de sa dextérité sur chaque cartes. Les battre. Les faire danser. Et son regard, lui. Fixe le feu. Il ne fixe plus les deux joueuses. Il doit trouver. Il doit choisir.

Les lèvres bougent. Rapidement. Mais sans un son.
Hébé Traîtresse – Hippolyte est la Porteuse des Deux Votes.
Hippolyte Traîtresse – Hébé est la Porteuse des Deux Votes.

Mais tout ceci ne tient que par une seule théorie : voter deux fois est un pouvoir appartenant à quelqu'un de son propre camp et non à un camp opposé. L'équilibre du jeu … Les Traîtres ont la capacité de voter puisqu'ils se font passer pour des Innocents … et en plus pousser une cible dans les Ombres. Hébé, sur ce point, à raison : il serait déséquilibré de donner un tel pouvoir à un Traître. Car il serait capable de dominer le rythme de jeu sur au moins un vote – ce qui offrirait aux Traîtres deux cibles. Après tout, les Traîtres doivent savoir qui viser durant la nuit.

De plus … Rien ne dit que ce double vote est unique … Après tout, il peut prendre une personne en protection chaque nuit – il ne connaît pas son camp. Pourquoi Hippolyte aurait voté Artémis si elle connaissait le parti pour lequel elle jouait ?
Non. Il est possible que ce pouvoir n'est pas un coup unique. Donc … il est possible que ce pouvoir soit un moyen de gagner, là aussi. Et, s'il était un rôle indépendant ... cela serait bien trop déséquilibré et trop facile. Ils n'ont pas besoin de connaître les rôles : ils doivent gagner, pour eux. C'est la logique du mot.

Il s'arrête de mélanger.
Hébé ou Hippolyte. Rien ne peut vraiment l'aiguiller.
Il tire une carte.
Valet de pique. Le pouilleux. Celui qui est prêt à tout pour survivre et pour gagner.
C'est cohérent. Après tout, il avait déjà émis ses doutes. S'il a tort ? Alors le pouilleux se rachètera.

Le choix est donc fait. Il range la carte au milieu du paquet.
Ma protection sera Hébé.

« Tu joues plutôt bien à ce jeu. Un jour, apprends moi toutes les règles, Argos. »