Les lumières éclataient dans la salle commune des excentriques Helyantos, s’écrasant sur les murs et les meubles comme de milliers de fragments colorés. Les teintes vives et multicolores lancées dans la pièce pliaient sous les fragments argentés et réfléchissant tournoyant dans le ciel pour retomber tout autour comme une pluie de lumière. De fins rayons s’échouaient sur les visages et les vêtements des participants, le peignant de leur pigment. Dans la salle, il faisait chaud. L’effervescence des corps émanait des auras brûlantes, se mélangeant les unes des autres avec force et volupté. C’était une ambiance, une vibration. Quelque chose que seules les fêtes à l’envergure démesurée savait faire jaillir des groupes d’étudiants en manque de divertissement. Une brume chaude et colorée de lumière glissait entre les êtres comme une vapeur sinueuse, caressant la peau dénudée des muses, soufflant dans les visages brûlants des héros, s’immisçant dans les tissus précieux des danseurs. C’était comme si elle savait faire oublier sa présence pour mieux déposer ses braises sous l’épiderme des étudiants désinhibés par l’alcool.
La musique était forte, réveillant la nuit calme qui tentait de contenir la fête dans son étreinte sombre, en vain. Depuis l’extérieur, il n’était pas difficile de deviner les élans qui secouaient le sanctuaire Helyantos. Encore une fête qui saurait porter ses ardeurs jusqu’au bout de la nuit, retrouvant l’aube comme seule entité capable de rasséréner les folies divines de la soirée.

A droite, des groupes de jeunes étaient attroupés autour de tables. L’une servait de billard tandis que l’autre accueillait les cris de victoire de joueurs déterminés à lancer leur petite balle dans les verres d’alcool en face. Sur la gauche, dans des canapés en cuir, des lèvres se cherchaient dans des baisers rendus fiévreux par les boissons trop fortes et la musique vibrante. Face à la scène, les mythos s’adonnaient à des danses endiablées, soumises au rythme d’Apollon et de ses muses en pleine représentation. Les bras se levaient. Les hanches ondulaient. Des rapprochement subtiles ou carrément provocateurs faisaient s’alanguir les corps des demandeurs d’amour.

Circé avait déjà bu un verre, au bar. Elle portait toujours sur ses lèvres le goût au mélange acide et sucré du cocktail lorsqu’elle se dirigea vers la scène. Sa peau sentait la fête vibrer contre elle comme une caresse sensuelle et enivrante. Dans des vêtements légers, elle commença à onduler son corps au rythme de la musique. Un simple haut très court barrait sa poitrine et venait trouver son attache dans son dos, en un fin fil comme s’il s’agissait d’un haut de maillot. Bien entendu, elle l’avait noué de sorte à ne pas pouvoir être retiré trop facilement et ainsi esquiver les accidents. Ses hanches étaient couvertes d’un voile carmin, fendu seulement sur une jambe pour la laisser dévoiler ses attraits. Comme à son habitude, une multitude de bijoux se posaient en parure royale sur le haut de son front. Ils habillaient ses bras et sa cuisse dénudée en de fines chaînes dorées. Adornés de cristaux rouges comme le sang, faisant de légers reflets sur la peau diaphane de la déesse, ils donnaient une sensation de scintillement recouvrant son corps et renvoyant les lumières de la pièce.
Très rapidement entourée d’homme à la carrure impressionnante et dont Circé avait déjà exploré l’intimité, elle s’adonna à de petits jeux de séduction qu’elle s’appliquait à ne pas porter trop loin. Ce soir, ce n’étaient pas eux qui l’intéressaient. Cela ne l’empêchait pas de glisser une main sous un menton, effleurer une hanche de la sienne ou de lancer des regard mutins. Voir le pouvoir de charme qu’elle exerçait sur ses camarades était toujours une sensation grisante qui faisait crépiter sa poitrine de satisfaction. Quand elle eut assez nourrit son ego, elle s’esquiva. Son regard se porta sur le dieu des arts aux cheveux aussi dorés que ceux d’Héra. Elle observa sa façon de bouger, remarquait la ligne de son cou se marquer sous ses chants endiablait, les petites gouttes de sueurs volant de ses cheveux et brillant légèrement sous les feux des projecteurs. La magicienne haussa un sourcil. Elle suivit du regard les pas légers du dieu alors qu’il quittait la scène pour se diriger vers le bar. Sans attendre, un petit groupe de Sollerys se ruèrent vers lui comme des gamines devant une attraction de peluche, mais avec des pensées bien moins innocentes. Circé roula des yeux au ciel en les remarquant. Parfois, elle se demandait bien ce qui pouvait passer par la tête de ses consœurs pour avoir si peu d’estime de soi. Se donner en spectacle et se disputer les faveurs d’un homme de façon si évidente en devenait ridicule. La magicienne se désespérait souvent de voir la bêtise qui pouvait constituer son propre sanctuaire, mais se réjouissait cependant d’avoir Héra comme référente. Il fallait l’avouer, cet état de fait était une bonne consolation.

Lentement, la déesse s’approcha du bar. Oh, elle ne se dirigerait pas vers Apollon, bien entendu. Loin d’elle l’envie d’être une nouvelle petite dinde à sa merci venant se battre au même titre que les autres. Circé était une reine. Et une reine ne se battait pas pour ses soupirants. Elle laissait les princes venir à elle. La déesse fendait la foule dans une démarche féline, faisant en sorte de capter le regard doré du dieu des arts. Lorsqu’elle le trouva, elle lui adressa un sourire enjôleur dans un petit mouvement d’épaule charmeur avant de s’asseoir au bar, un peu plus loin. Son attention envoyée à l’intention du jeune homme était discrète et seul son interlocuteur saurait interpréter l’invitation dans les gestes silencieux et magnétiques de l’enchanteresse. Ses jambes se croisèrent sensuellement alors qu’elle posait son coude sur le bar, le faisant se pencher légèrement en avant et cambrer doucement la ligne de son dos nu. Elle leva une main légère pour interpeller le barman qui vint immédiatement prendre sa commande. Puis, le sourire aux lèvres, elle récupéra son verre pour porter la paille à sa bouche.