Je ne voulais pas être retrouvée
Artémis et Achille

Deux jours. Ça fait deux jours qu'elle et moi, on s'est séparés. Enfin... Est-ce qu'on a vraiment été ensemble ? Deux jours que je suis dans ma tente, à regarder la même pomme, les yeux et les joues marqués par des larmes séchées. J'en ai plus à sortir. Pourtant j'ai toujours mal comme si j'avais des dizaines de morceaux de verre plantés dans le coeur. Ça fait mal, bordel... Ça fait deux jours que je refuse de sortir de ma tente. Deux jours que je refuse de parler à qui que ce soit. Je crois avoir entendu quelqu'un rentrer dans la chambre. Mes colocataires, sûrement. Arès, en tout cas, m'a pas parlé. Je l'en remercie. Je veux pas parler. Je veux voir personne. Je veux pas qu'on me regarde. Même voir mon propre reflet, c'est trop. J'aimerais juste réussir à fermer les yeux et oublier la sensation qu'on me serre la poitrine de l'intérieur. Jamais j'ai eu mal de toute ma vie. Aimer, ça fait mal...

Ce soir, je sais pas ni pourquoi ni comment. Mais j'ai eu besoin de sortir de ma tente. Il fait nuit noire sur le sanctuaire. Aucune chance de croiser qui que ce soit. Mon dernier combat...  Si j'exclus mon entraînement juste après l'Île d'Attraction... C'était contre le requin dont j'ai oublié le nom. Mais c'était l'un des nôtres. Qui a revu le fil de sa vie remonter et redevenir un enfant. Un enfant comme... "Papa, Papa, Papa ! On va s'entraîner, hein ? Hein Papa, on va s'entraîner ?" Patrocle... Oui. Comme Patrocle. S'il existera jamais, puisque "Maman" aime quelqu'un d'autre, pourquoi est-ce qu'il continue d'exister dans ma tête ? Pourquoi est-ce qu'il continue à me parler ? Pourquoi ? Il me rappelle ce que j'ai vu pendant l'illusion des sirènes. C'était pas le futur... Je sors du sanctuaire Tamarisc, le regard dans le vague. Je prends un chemin sans vraiment savoir où je vais. J'ai besoin de sentir le vent. "On va voir Maman ?"

— Nan...

Je vois le sanctuaire Sollerys plus loin. Je tourne la tête et je me rends compte que je suis sur le chemin des jardins. Mauvaise idée. C'est là que... Bref. J'évite les jardins du printemps et laisse mes pas me porter jusqu'à la forêt. Je marche sur le sentier et longe le lac. Je vois mon propre reflet dans l'eau, à côté de celui du petit gars. Encore lui... "T'as une tête qui fait peur, Papa..."

— Toi, t'existes pas...

Mais c'est tout ce qui me reste. Une hallucination d'un vague souvenir heureux auprès d'une femme que j'aime. Je me regarde dans l'eau. Mon sourire a complètement disparu. Même moi, j'ai du mal à me reconnaître. J'ai menti... Je lui ai menti... Invincible ? Oui, je le suis, bien sûr. On en voit pas souvent, des gens invulnérables qui finissent à genoux sans qu'un seul coup ait été porté... Mais la différence, dans tout ça, c'est que l'aurae des murmures n'a jamais été mon adversaire... Je ferme les yeux, une larme venant couler le long de ma joue et vient mourir dans l'eau du lac. Je vois pas que le matin est en train de se lever...

Je ne voulais pas être retrouvée
Artémis et Achille

Je croise mon regard éteint dans l'eau du lac. C'est ici que je m'étais nettoyé la main après avoir roué de coups le centaure qui s'en était pris à elle. Mais pourquoi est-ce que tout ce que je fais, tout ce que je dis, tout ce que je pense finit de près ou de loin par me la rappeler... Et pourquoi est-ce que j'ai mal ?! Je vois mon reflet, troublé par les larmes que j'ajoute au lac. Elle est à côté de moi. Lui aussi, est là... Comme une petite famille tranquille, celle que j'ai vue dans l'illusion. Sauf que lorsque je regarde son reflet à elle... Je l'entends me parler. "Regarde toi, Super-Mâle... Tu n'es plus rien. Comment est-ce que j'ai pu te laisser m'embrasser, me toucher, m'aimer ? Tu ne mérites même pas ma présence dans tes songes, tu n'es qu'un bourrin écervelé bon qu'à frapper tout ce qui bouge. Et même ça, tu le fais mal... Je trouverai quelqu'un d'autre. Qui frappe plus fort, qui est plus intelligent, plus beau... Qui te surpasse en tout point, en somme." J'entends le moindre de ses mots, même si je comprends pas tout, je suis sûr en entendant ce qu'elle dit... Que c'est méchant. Nan. Pas méchant. Mauvais... Mais alors que je m'apprête à frapper l'eau du poing pour la faire disparaître, j'entends la voix de... Nan... Impossible... "Papa, Papa, Papa ! Y a Tata Artémis ! Y a Tata Artémis !!" Il est surexcité, ce gamin. Il doit l'adorer, cette "Tata Artémis"... Je serre les dents, poings serrés, gorge serrée. Je réplique.

— Fermez-la, les voix... Toi, t'as jamais dit ça... Toi, t'existes pas... Et toi...

C'est vrai, ça. Artémis est pas dans l'eau. Je tourne la tête, regarde aux alentours. Personne. Elle est dans ma tête, elle aussi. C'est sûr... Je regarde les arbres. En hauteur. Toujours pas. Sa voix, je suis sûr de l'avoir entendue, on me trompera pas ! On me mentira pas ! Je revois la scène du centaure qui s'en prend à Aumeguia. Lui qui la tient à la gorge et la colère qui me gagne. La rage qui guide mes poings jusqu'à sa tronche et qui le martèlent à transformer son visage en viande hachée. Je me lève et me revois lui briser les pattes avant... Si elle m'avait pas arrêté, je crois que je l'aurais massacré jusqu'à ce qu'il en reste qu'un amas de viande en sang. Jamais elle aurait trouvé plus dévoué que moi... Jamais... Dans le vent, je finis ma phrase, hanté par les scènes du passé. Pourquoi Artémis ? Pourquoi me parler maintenant ? Est-ce que je l'ai vue depuis notre combat contre le requin, d'ailleurs..?

— Artémis m'a pas dit ça. Personne m'a parlé d'elle, alors fous-moi la paix et sors de ma tête...

J'ai jamais eu peur de qui que ce soit. Jamais. Je sais que ce que je dois affronter est en moi. J'ai des comptes à régler avec moi-même et avec ma tête. Je suis en train de devenir fou, je sens que ça va mal finir... Depuis quand on me donne des ordres ? Depuis quand ?! Artémis ou pas, je refuse d'entendre quelqu'un m'ordonner quelque chose. D'ailleurs, pour qu'elle essaie, il faudrait qu'elle soit là. Et là, elle y est pas...

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Artémis et Achille

J'entends une voix dans le vent. Ça ressemble bien à Artémis. Mais j'ai pas confiance. Le ton est parfait, c'est raccord, c'est ce qu'elle dirait, comme elle le dirait. Mais... Je peux pas me fier à mes sens. L'illusion aussi avait l'air réelle... Elle veut que je parte d'ici. Comme si la forêt était à elle. Ça aussi, ça lui ressemble bien. Mais j'ai pas confiance... Je m'adosse à l'arbre au bord du lac et entends encore sa voix... "Laisse tomber, tu sais bien qu'il est idiot, enfin !". Je me serais bien passé de son commentaire... Je la vois, moqueuse, debout, adossée à l'arbre sous lequel on avait mangé. Mais son regard est mauvais, froid... À côté de moi, le petit gars a l'air de tirer la tronche. Il a peur ? Le voilà qui parle à son tour. "Pourquoi elle est méchante, Tata ?". "Tata"... Il croit que Artémis est sa tante ? Il nage en plein délire, ce gamin. Je me lève brusquement le balayant du bras. J'ai la gorge serrée. Mais je réponds...

— Taisez-vous, tous les trois ! Toi, je veux pas t'entendre, toi t'es qu'un mensonge... Et toi... T'es pas Artémis... La vraie saurait à qui elle parle... Et qu'elle a pas d'ordres à me donner !

La femme qui a ses traits s'approche de moi avec un déhanché bien trop familier pour que je l'oublie. Elle pose sa main sur mon épaule et murmure à mon oreille sa réponse aussi froide que la glace de Chioné, comme si elle accompagnait le vent. "Moi aussi, je sais à qui je parle... Et à moi, tu obéis. Sans discuter. Comme un gentil chien bien fidèle...". Je la balaie du bras et entends derrière moi un autre commentaire d'un invité indésirable. "Tata Artémis, elle fait peur...". Tata. Encore Tata. Si elle te fait peur, alors casse toi, j'aurais la paix, foutu reste d'illusion ! Mes yeux me trompent, comme mes oreilles, comme tous mes sens. Cette Artémis est juste une illusion. Parce que...

— La vraie saurait... Qu'on peut rien me faire. Que me menacer sert à rien...

Un rire derrière moi. Le sien. Encore... "Rien te faire... Tu en es sûr..? Ce n'est pas ce que dit l'intérieur de ta poitrine, Monsieur J'ai Super-Mal... ". Comme pour lui donner raison, mon corps me fait comprendre que je vais mal. Dans la poitrine. Je pose ma main sur mon torse. Je reprends.

— Y a rien à briser sur moi alors laisse-moi tranquille.

Sa voix. Encore. "Oui, ce serait plutôt ça. Plus de fierté, ton amour propre a été réduit en poussière, et ton charisme est inexistant... Non mais regarde toi, aussi, tu ne m'aides pas non plus à te trouver des qualités ! Et après tu oses t'étonner que j'en préfère un autre..." Je me retourne pour frapper du poing l'arbre au bord de l'eau, pensant frapper la vipère qui parle dans mon dos. Je sais qu'elle est que dans ma tête... Mais comment la faire taire ?! Comment frapper quelque chose qui est dans ma tête..? Je la regarde, elle et son regard suffisant, comme si elle était contente de me faire mal. Je sens au fond de moi que quelque chose commence à se réveiller. Je lui crache ma réponse, les poings serrés.

— Fous le camp, toi... Fous le camp maintenant !

J'ai mal. Mais je sens la colère commencer à monter dans mes veines. Mes poings tremblent, prêts à frapper. Pourtant j'ai déjà essayé de la cogner. Je devrais savoir que ça sert à rien. Mais qu'est-ce que je peux faire d'autre à part frapper ? Peut-être qu'elle avait raison, au final. C'est peut-être ce que je fais de mieux...

Je ne voulais pas être retrouvée
Artémis et Achille

Une flèche arrive près de moi, se plantant dans un arbre. Aucun bruit à part celui du vent. Une précision comme ça, c'est signé Artémis. Elle ment pas. Pour une fois qu'il y a pas de menteurs dans le coin... Y a qu'elle pour me parler comme ça. Y a pas de doute, c'est elle... Mais j'ai comme l'impression qu'elle a oublié à qui elle parle...

— Tu saurais aussi que j'ai rien à foutre de tes ordres, t'en as pas à me donner...

Nouvelle flèche qui déchire mon haut, me demandant de redescendre sur terre. Comme si j'étais continuellement dans le même cauchemar qui tournait. En boucle. En boucle... J'aimerais vraiment sortir de cette boucle, comme si les sirènes étaient toujours là. C'est un cauchemar, je veux me réveiller...

— Je demande que ça...

Un murmure arrive dans ma tête. Elle est là. Toujours et encore. Elle me quitte jamais... "Non merci, Monsieur J'ai Super Mal. Je suis bien dans ta tête, j'ai de l'espace. Tout l'espace que je veux, alors je vais y rester un peu. Tu m'auras en toi pour un long moment...". Je serre les crocs et les poings. Elle me fait mal. J'ai tellement mal... Artémis continue à me parler alors que je me serre la poitrine Elle veut se battre... Mais sa voix résonne encore dans ma tête..."Beaucoup trop de mots compliqués, enfin, fais plus simple, pour lui...". Mais jamais elle va se taire ?!

— Ta forêt. J'ai pas vu de panneau "Forêt d'Automne, Propriété d'Artémis, Ne pas pénétrer sans autorisation" à l'entrée. C'est pas parce qu'on chasse beaucoup en forêt que toutes les forêts sont à toi.

Je viens vraiment de lui dire ça ? Comment ça m'est venu dans la tête, cette réponse..? Elle me provoque une nouvelle fois. J'arrive à lui répondre... Je me surprends moi-même.

— Essaie. Fais-moi mal, pour voir...

Dans le vent, j'entends sa voix. Encore une fois... "Tu devrais faire attention à ce que tu souhaites... Avant de parler, tu devrais réf... Oh. Désolée...". J'ai à peine le temps de grogner que je sens Artémis arriver droit sur moi. Elle a réussi à me faire tomber. Elle est au dessus de moi, essayant de me frapper, à planter mon torse avec sa flèche qui se brise en mille morceaux. Mauvaise pioche. Elle troque sa flèche pour ses poings, frappant mon visage à plusieurs reprises. Je sens rien. À peine un picotement. Mauvaise pioche...

— C'est tout ?

"Tiens ? C'est ce que j'aurais dit..." D'ordinaire, j'en aurais ri. Mais pas là. Je vois la colère dans ses yeux. Même mes camarades me détestent. Ses mains sont rouges. Mais je ressens rien du tout. Elle saigne..? J'entends quelqu'un rire. Ça lui plaît de me voir aller mal... J'attrape le poignet de la déesse et commence à le serrer. Je serre fort, fort, aussi fort que je peux. Au fond de moi, je sens que quelque chose de brûlant s'est allumé. Je regarde Artémis froidement. J'ai l'impression que quelque chose s'est cassé. Je voulais pas qu'on se batte, pour une fois. Mais j'ai pas le choix... Je recule la tête et le torse avant d'aller fracasser son front avec le mien. Je sens que quelque chose coule le long de mon visage au moment où ma tête heurte la sienne. C'est pas de la sueur. Aucune trace de sang sur Artémis. Ça a l'air de venir de mes yeux. Je la prends par la gorge avec mon autre main, comme habité par un instinct particulier, comme si mon corps bougeait tout seul, emporté par un cri de colère. Je finis par la plaquer contre l'arbre que j'ai frappé. Elle le heurte deux ou trois fois. Je crie, j'ai mal... "Papa, arrête de frapper Tata Artémis !" J'ai le souffle court quand j'entends le petit gars me parler. C'est pas ta tante, petit... T'existes même pas ! "Laisse-le faire, petit... C'est juste un sanguin écervelé qui cogne pour s'exprimer, autant dire que son vocabulaire se limite à "Taper, taper, taper...". J'espère que si tu nais un jour, tu tiendras ton caractère de ta mère... Mais honnêtement, je ne pars pas avec beaucoup d'espoir. Lui, cette épave stupide ne mérite pas l'amour.". Je grogne...

— Ferme la, ferme la, FERME LA !!

Je revois la scène de la statue dans mon rêve des sirènes... Quand elle frappee plusieurs fois le marbre. L'espace d'une seconde, je la vois elle à la place d'Artémis. Elle me dit d'une voix douce quelque chose que j'ai déjà entendu... "Achille, arrête de frapper. Concentre toi sur ma voix, calme toi. Tout va bien, c'est fini. Je vais bien." Au même endroit. Avec la même expression du visage... La vraie. Elle a déjà dit ça...

— Toi...

Mon poing venait se fracasser contre sa joue, mais... J'ai pas pu me résoudre à lever la main sur elle. Le tronc prend le coup à sa place. Je commence à sangloter. Je respire comme un animal apeuré, enragé, avec un mélange d'émotions qui se font la guerre dans ma tête. Qu'est-ce que j'ai fait..."Pitoyable..." Elle disparaît, me laissant seul face à Artémis. Mon poing tremble. J'ai l'impression que mes forces m'abandonnent, laissant derrière elles l'ombre de celui que j'étais. Je vois mon reflet dans les yeux d'Artémis. Même moi, je me reconnais plus...

Je ne voulais pas être retrouvée
Artémis et Achille

Sa menace de me faire mal aurait pu me faire rire si j'étais moi-même. Comment est-ce que quelqu'un pouvait se dire qu'il allait me blesser, me faire mal, à moi, sans qu'on l'accuse d'être complètement fou ? C'est pourtant vrai. Mon corps peut pas être blessé. Par contre, mon esprit... Et mon coeur... C'est tout autre chose. Je me suis découvert une faiblesse. En fait, ils avaient peut-être raison, tous ceux qui ont laissé courir la rumeur que j'avais une faiblesse. J'en ai une, c'est bien elle... La certaine aurae dont Artémis parle. Forcément...

— Vas-y. J'ai plus rien à perdre...

Notre combat fait rage. J'aurais pu l'apprécier si j'étais dans mon état normal, je le sais. Mais je suis plus que l'ombre de moi-même, ce soir, alors que le soleil s'est couché. La lune est notre témoin et éclaire la forêt comme une arène. Notre arène. J'aurais pu adorer ce combat... J'aurais adoré l'adorer. Mais à chaque coup que je donne, j'ai mal et pourtant je suis loin d'être un cogneur timide... Mon poing se fracasse contre l'arbre quand je crois avoir plaqué l'aurae contre son écorce, et être prêt à lui marteler le visage... Rien ne vient.

— J'y arrive pas...

Artémis se change en louve pour se dégager de ma poigne. Avec les deux mains, j'aurais pu la maintenir, mais mes réflexes aussi sont l'ombre d'eux-mêmes... Je déteste ça. J'ai déjà affronté Artémis transformée, je sais comment le faire. La dernière fois, c'était dans le restaurant de l'île quand on était tous les deux enragés par... La perte d'un proche. Si pour elle, ça s'est bien terminé, de mon côté, c'était pas ça. À ce moment-là, j'ai senti quelque chose se briser. Elle arrive à prendre le dessus et sa force arrive à me faire heurter d'autres arbres. Je les sens craquer sous nos coups et nos projections. Elle me griffe autant qu'elle le peut, au risque de se blesser les griffes. Elle a assez de forces pour me faire tomber dans le lac. De l'eau...

Mon regard est attiré par le fond du lac. C'est la lumière de la lune que je vois ou c'est mon esprit qui vrille ? La tente. Le ratelier d'armes. Les mannequins d'entraînement... Elle, dans sa longue robe blanche et son armure brillante... "Tu as simplement fait un mauvais rêve, Super-Mâle..." Son baiser, ses gestes, ses caresses, son regard envoûtant... Ma guerrière. "Rentrons à la maison pour mettre ton armure. C'est le grand jour...". Le grand jour... Je la revois me prendre par la main et m'emmener dans notre maison. Elle se fait obéir par un petit gars. "Pardon, Maman !". Je vois la scène du gamin qui retire ses pieds de la table. Elle m'emmène dans notre chambre, m'aide à enfiler une armure d'apparat... "Qu'est-ce que tu es beau... Mon héros. Mon Invincible..." Le gamin qui rentre dans la pièce en trombe... "MAMAN ? MAMAN ?! MAMAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN ?!" Son cri qui fait trembler les murs... "Tout le portrait de son père jusque dans les moindres détails..." J'aurais aimé que ce soit vrai. J'aurais tant aimé que ça le soit... Je sens mes yeux devenir chauds et des larmes en couler, partant vers le haut alors que je sanglote dans l'eau. Pourquoi est-ce que ce rêve s'est transformé en cauchemar ? Pourquoi est-ce qu'il a fallu que les sirènes ternissent ce rêve ?! Si je pouvais retourner dans ce songe avant qu'il devienne amer... Je ferme les yeux. Laissez-moi le revivre. J'aimerais rester sous l'eau et dormir paisiblement dans ce rêve. S'il vous plaît. Même si je sais que ça implique... De pas me réveiller. Tout est noir...

J'entends son rire. Moqueur. Mauvais. Méchant. Elle vient salir mon rêve. Sûrement pas... Je sens comme un feu brûler en moi. Mes yeux s'ouvrent. Mes poings se serrent. Je regagne la rive du lac et marche, sortant de l'eau, trempé, mon haut à moitié déchiré. Le pas lourd et le regard plein de haine et des traces laissées par les larmes, je m'avance vers ma camarade de sanctuaire qui aujourd'hui a décidé d'être mon adversaire... Je cherche même pas à dévier ses flèches. Elles se briseraient toutes sur moi. Elle bande son arc, mais je me demande vraiment si elle se rappelle de qui je suis...

— Je vais en finir avec toi... Et je vais le faire MAINTENANT !!

Comme si mon cri avait déclenché quelque chose chez moi, je me mets à courir dans sa direction. Je pousse un cri de rage alors que je fonce vers la déesse de la chasse. C'est son terrain, mais je crains rien. Je ressens pas la peur que certains peuvent ressentir quand ils voient Artémis. Je l'ai toujours respectée et appréciée. Mais cette fois, c'est devenu mon ennemie... Les oiseaux s'envolent en entendant le grabuge dans toute la forêt. Je les comprends. Rester ici maintenant serait signer son arrêt de mort.

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Artémis et Achille

Je sens la rage brûler dans mes veines. De ce que j'ai comme relation avec Artémis, il reste que ce combat inutile dans lequel aucun d'entre nous sortirait vraiment gagnant. Elle insulte l'aurae responsable de mon état. Je me demande vraiment ce que ça peut lui faire. Elle veut juste que je foute le camp de sa forêt alors que moi, tout comme elle, je voulais simplement être tranquille. Nan. Y a rien à gagner dans ce combat... La flèche qu'elle tire se brise sur moi. Je sens que je suis en train de brûler, comme si mon esprit combatif était revenu d'un coup, mais quelque chose en moi a changé. Elle veut me provoquer, me pousse a approcher... Elle a vraiment oublié à qui elle parle. Je lui réponds avec la voix cassée. Cassée. Comme moi...

— On. Me. BLESSE PAS !!

Je fonce vers la déesse de la chasse, prêt à lui briser la colonne en deux. Mais quelqu'un d'autre dans ma tête l'entend pas de cette oreille. J'entends son rire mauvais."Moi, je l'ai fait et sans même te toucher..." Dans un hurlement, je lui réponds sans arrêter ma course vers mon adversaire.

— FERME TA GUEULE !!!

Elle est habile. Elle l'a toujours été. Elle arrive à m'esquiver pour se propulser plus loin et tirer encore ses flèches sur moi qui rebondissent ou se brisent sur mon corps. Comme toutes les autres ont fait avant elles. Une nouvelle provocation. Mais pour une fois... Celle-là arrive à toucher. "Que j'ai eu mille fois raison de le laisser. Quelle épave...". Je tourne la tête vers la déesse. Je vois l'aurae à côté d'elle se moquer de moi, comme si elle se moquait de moi à côté de celle qui m'a provoqué. Mon regard est cerné, dur, ma voix est rauque, caverneuse. Je regarde dans sa direction et je réponds. Mais à qui..?

— Aucune idée. Et je m'en fous !

Elle attaque, sous sa forme d'oiseau. La plus facile à broyer, mais la plus difficile à attraper avec mes réflexes actuels, surtout quand les autres oiseaux autour de nous s'en mêlent. Je suis seul contre tous. Mais jamais j'ai reculé devant un défi. C'est pas aujourd'hui que je commencerai ! Je me tourne brusquement, frappant du revers du bras à chaque fois. Si je peux pas différencier Artémis des autres oiseaux autour de moi au visuel, je crois sentir qu'il y en a qu'un seul qui attaque. Je ressens rien, comme à chaque fois qu'elle essaie de s'en prendre à moi. Je le suis du regard. Elle reprend sa forme de déesse et tire ses flèches. Trouvée. C'était bien elle... Je m'enflamme, fonçant vers elle. C'est le moment. Je l'emporte avec moi dans mon élan, frappant comme une lance. Je la heurte d'un coup sec et dans ma course, l'écrase contre un arbre. J'entends craquer. C'est l'arbre ou ses côtes ? J'en sais rien. Je m'en fous. Mon poing vient frapper sa tempe. Je suis tout près d'elle. Je  lui crache toute ma colère au visage, dans un hurlement bestial, au point que je me demande lequel de nous deux est le plus sauvage en ce moment même. Je frappe encore et encore. La forêt est en train de crier, elle aussi. Les animaux autour aussi. Enfin, je crois. J'entends rien d'autre que mon propre coeur qui hurle à cette image de ma tête de se taire. On fait que se battre comme des chiens enragés. Même si on est sur son terrain, je crains rien. Je peux pas être blessé. Ou plutôt, je peux pas être plus être blessé que je le suis déjà... C'est sa faute. Sa faute !

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Artémis et Achille

On hurle à pleins poumons dans ce combat qui me fait transpirer. Les arbres craquent sous nos coups. J'aurais dû la sonner avant de la plaquer contre le tronc. Erreur basique, aucune stratégie. Aucune tactique dans cette bataille de laquelle il en ressort que des perdants. Je suis en train de massacrer ma camarade de sanctuaire alors que je voulais même pas l'affronter. Je suis tombé bas. Très bas. Je recule ma tête, prêt à donner un dernier coup de tête pour la marteler de coups et la sonner définitivement quand j'entends qu'un cerf galope dans notre direction. Je pourrai pas l'esquiver. Je dois le parer. Mais si je le pare, c'est Artémis qui en profitera. Qu'est-ce que je fais..? Je m'apprête à taper du front sur le sien quand le cervidé nous sépare brutalement, bois en avant. Je sais pas comment il a fait pour me faire faire un vol plané aussi long sans avoir touché la déesse. Mais un impact pareil expliquerait pourquoi et comment ses bois ont l'air d'avoir été déplacés. Si ça avait été quelqu'un d'autre que moi, il aurait sûrement été empalé. Mais comme c'est moi, les bois ont dû suivre l'exemple des flèches de la maîtresse du cervidé... Je les regarde. Puis je vois tout en rouge.

— Alors toi...

Artémis bande son arc et tire une nouvelle flèche qui vient cette fois se planter dans ma botte gauche. Rien pour m'empêcher de me relever, le regard assassin, les tuant du regard tous les deux. Un silence de mort retentit dans la forêt alors que je suis prêt à les étriper tous les deux. Je me tiens vouté, retirant la flèche de ma botte d'un coup sec. Cette fois, j'ai quelque chose à lui lancer... Je vois Artémis alors que j'arme mon bras. Derrière elle, la revoilà qui me nargue. Qui se moque de moi avec un mépris que je dois faire s'arrêter... Et s'arrêter tout de suite... Puis je pousse un hurlement de colère.

— DISPARAIS !!!

"Arrête, Papa !" J'entends la voix du petit gars derrière moi. Mais je m'en fiche. Il existe pas. Je lance la flèche dans la direction d'Artémis, visant la mégère derrière elle. Je crois voir qu'Artémis a l'air interpellée par quelque chose. Mais maintenant, c'est trop tard pour mettre fin au combat. Elle m'a cherché. Elle m'a trouvé. Je me mets à bondir puis à courir vers elle, poussé par l'adrénaline et la colère. Le poing armé heurte le cerf qui s'était interposé entre la déesse et moi. C'est pas lui que je visais... Artémis est déjà de l'autre côté. Quand est-ce qu'elle a eu le temps de faire ça..? Le cerf l'a suivie. Il est loin... Je me tourne dans la direction par laquelle elle est partie. Mais je vois quelque chose de bizarre qui traîne sur le chemin. Une trace rouge qui a l'air de finir sa course... Sous mon pied gauche.

— Qu'est-ce que..?