Mon attaque me vaut un Achille qui se marre gentiment. Ou est-ce ma phrase de tout à l’heure qui le met dans ses états ? Franchement, je préférais, ça affecterait moins mon égo. Je souris tout de même à son effronterie. On verra si mon poing dans sa tronche le fera rire encore.

Je laisse Achille me frapper au torse pour mieux anticiper sa prochaine attaque qui va sans doute me faire très mal, si je me fis à la distance qu’il prend. Mais hors de question de fuir. J’aurais l’air de quoi sinon ? Alors, je prépare ma garde et attend patiemment que l’Invincible vienne vers moi. Quelle que soit ton attaque, je la bloquerais et je frapperais plus fort.

Mais au moment où il s’élance pour me lancer son poing ou toute autre partie du corps sur moi, les portes de la salle commune des Tamarisc résonnent brutalement. Ça a le don de plonger la salle dans un silence un peu près total alors qu’il y a à peine deux secondes plus tôt, on criait à s’en casser la voix. Achille s’est arrêté de courir et je ne sais pas si je dois le fixer au cas où il continuerait le combat ou si je dois regarder le nouvel arrivant. Ou plutôt la nouvelle arrivante. Oui, mon côté “je tiens à la vie” - même s’il est peu présent je l’admets -  a décidé de regarder du côté de la porte au cas où on tomberait nez à nez avec Déméter. J’ai bien fait. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’a pas l’air d’être dans ses meilleurs jours.

Lorsqu’elle nous demande expressément des explications concernant notre combat, c’est Achille qui parle en premier. Sa réponse est limpide. J’avais envie de me battre, il était là, alors on en a profité. Rien de très surprenant au final. Pense-elle sincèrement qu’on ne se bat pas entre Tamarisc ? C’est mal nous connaître.

Le regard de Déméter qui, s’il le pouvait, lancerait des rayons lasers, se tourne dans ma direction. Mais ça ne me fait pas peur. Je croise les bras contre ma poitrine et lui fait face.

- Achille a tout dit. Pourquoi nous priver d’un entraînement si les deux sont d’accord ? Et puis nous n’avons fait de mal à personne.

En parlant de personne, les spectateurs ont tous quitté la salle commune quand Déméter est entrée. Je les comprends. D’une part, le combat va certainement se terminer maintenant pour mon plus grand malheur mais en plus quand Déméter est en colère, mieux vaut ne pas rester trop près d’elle. Ses épines font mal.

Comme une mère qui gronde ses petits en train de se bagarrer pour savoir qui a eu la plus grosse part de gâteau au chocolat, je me place en position, face à eux. Regard fermé. Regard mauvais. Bras croisés. Mon pied tapant frénétiquement. Sur le sol. Sourcil arqué.

J'écoute leurs justifications. Mais ils ne sont pas sortis de l'auberge. Ça ... Je suis bien en rogne en plus. Pourquoi pas faire une omelette avec leur cervelle ..? Tout le monde a quitté les lieux. Et les témoins de mon arrivée ne sont pas assez idiots pour parler en ma défaveur... Non... Voyons ...

— Bah... Moi, je m'entrainais, Deimos avait envie de se battre, on a lié l'utile à l'agréable. Le devoir de tout camarade, c'est d'aider les siens...

- Achille a tout dit. Pourquoi nous priver d’un entraînement si les deux sont d’accord ? Et puis nous n’avons fait de mal à personne.

Je croise les bras. Mon regard n'est pas plus agréable. Bien au contraire. Il est passé de rouge à noir. Je ne les lâche pas des yeux.

'' Dans la salle commune ? Alors que nous avons bon nombres de stades et de salles prévues à cet effet...?  '

Je pousse un râle et fais sortir deux lianes. Sans ronces. Pour l'instant. Heureusement que je m'organise pour avoir toujours de quoi faire pousser des lianes. Dans CHAQUE pièce ou un Tamarisc peut être présent. On n'est jamais trop prudent...

Je prends le poignet de chacun avec une des lianes en question. Je les tire vers moi.

'' Et bien allons montrer à ces chers pensionnaires OÙ il faut s'entraîner et OÙ il ne faut pas, alors... Puisque nous sommes apparemment encore à la garderie... ''

Bon ... On va amener ses petites têtes brûlées au grand stade. Et j'en profiterais pour les étriper. Au passage ... Moi aussi, j'ai le droit de m'amuser et de taper sur des collègues, non ? Non... Calme tes envies de combat, Déméter.

'' Le premier qui proteste, il connaître le goût du carrelage. Compris ? "

Ce qu'il faut pas faire pour être une référente avec une autorité assez forte pour inspirer le respect et l'obéissance... Mais bon... Il faut bien...

Nos phrases n’ont pas l’air de convaincre notre référente. Pourtant je pensais que nos arguments étaient persuasifs. Dommage. Après, je ne suis pas sûr que ce soit si facile de détendre Déméter quand elle est dans cet état.

Comme pour me donner raison, son regard noir s’accentue et elle fait pousser deux lianes qui s’enroulent à nos poignets. A l’aide de ses lianes, elle nous tire vers elle. J’aime très peu ce qu’il se passe. On dirait qu’Achille et moi sommes les toutous que Déméter tient en laisse. Mais je sens que si je réplique, nous sommes tous les deux morts alors mieux vaut pour l’instant se tenir à carreaux pour ne pas trop éveiller la bête.

Comme elle nous l'a si gentiment expliqué, Déméter nous fait sortir de la salle commune des Tamarisc pour nous conduire dans un lieu où on peut s'entraîner. Autrement dit stade.

Quand nous nous approchons du lieu en question, Achille me regarde d’un air satisfait qui me fait automatique sourire. Il a une idée. Une idée dangereuse mais une idée qui me plait, j’en suis sûr.

— J'ai comme l'impression qu'une bonne bagarre ferait du bien à not'référente... On laisse pas une camarade dans le besoin de se défouler... Pas vrai, Déméter..?

Mon sourire s’élargit d’autant plus. Achille sait comment s’amuser. Je regarde notre chère référente qui n’a toujours pas décidé de nous lâcher avec ses lianes.

- Il a raison, tu as l’air un peu à cran aujourd’hui. Une réunion peut-être ? Quoi qu’il en soit maintenant que nous sommes devant un stade donc si je reprends tes propres morts “un endroit où s'entraîner”, tu peux déverser toute ta frustration sur nous, qu’est-ce que tu en dis ?

Je jette de nouveau un coup d'œil vers l'initiateur de l’idée. Je pense qu’on a trouvé une solution pour continuer à s’amuser. En espérant juste que Déméter ne gâche pas l’ambiance.

Nous arrivons au stade. Grand, plat, des armes à dispositions. Pour qu'ils se défoulent, c'est l'endroit parfait. Pas une salle commune où des personnes ont peut-être envie de se reposer... Bande de sauvages... Mais bon... Ils sont Tamarisc, et que ça me plaise ou non... J'en suis une aussi. Je les entends râler et lâche mon étreinte végétale. Je suis encore dos à eux, Achille prend la parole en premier.

— J'ai comme l'impression qu'une bonne bagarre ferait du bien à not'référente... On laisse pas une camarade dans le besoin de se défouler... Pas vrai, Déméter..?

Je sens que je suis touchée, titillée dans mon égo... Les ai-je seulement affrontés une fois ? Je n'ai affronté qu'Artémis la nuit où je l'ai nommée seconde... Quel bon souvenir...

Deimos prend ensuite la parole, je sens leur complicité. Je suis encore dos à eux, tournant simplement la tête pour les regarder, regard encore noir et fermé. Mais quelque chose commence à briller dans mes pupilles...

- Il a raison, tu as l’air un peu à cran aujourd’hui. Une réunion peut-être ? Quoi qu’il en soit maintenant que nous sommes devant un stade donc si je reprends tes propres mots “un endroit où s'entraîner”, tu peux déverser toute ta frustration sur nous, qu’est-ce que tu en dis ?

Je reste dos et tête de profil pour les regarder, tout heureux dans leur complicité. Ils ne savent pas à qui ils ont affaire... Je ne suis peut-être pas invulnérable. Mais je ne suis pas référente pour rien. Ma force, il ne l'ont jamais vue. Et Elle est bien là. Je me suis jurée de ne jamais la montrer dans son intégralité... MAIS ! Je sens que je boue... L'appel du sang ? Du combat ? Lieu légitime... Heure correcte... Oui... Pourquoi pas...? Un sourire nait sur mon visage... Ah... Arrêtez donc de me provoquer en duel, bandes de... Trop tard, l'envie de combat a gagné mon esprit... Et avec elle, une forte envie de provocation.

'' Ne viens-je pas de vous assimiler à des gamins sortis de la garderie..? Vous avez vraiment envie de voir ce que c'est de jouer dans la cour des grands..? ''

Je me retourne pour être face à eux...  Tournant ma tête à droite et à gauche pour craquer ma nuque. Vient ensuite le tour de mes doigts. Sourire volontairement condescendant, mais qui empeste l'enthousiasme. Même eux, peuvent le déchiffrer. Ils me font un plaisir fou avec cette proposition...

'' Alors, soit, évacuons, à coups de poings sous colère et frustration, mes chers cadets...''

Je retire mon peignoir, le faisant glisser au sol, prenant ainsi ma pose de combat habituelle. Le sourire ne veut pas partir, et mon regard brille.

'' Je pourrais en affronter dix comme vous... Amenez-vous. ''

Que nous sommes des brutes, dans notre sanctuaire...

Malgré que Déméter nous tourne le dos, je sens bien que nos arguments ont de l’effet sur elle. Nos tentatives de provocations commencent à porter leurs fruits. Je pourrais même apercevoir un sourire quand elle penche son regard de côté. Ca c’est digne de la référente des Tamarisc, accepter des défis. Bon, il a fallu qu’elle nous gueule dessus et qu’elle nous vire de la salle commune mais on va dire que c’était pour la bonne cause. Un combat à trois, c’est toujours mieux qu’un à deux. Et je suis sûr que mon camarade de bagarre à mes côtés pense de même.

Lorsque Déméter se tourne vers nous, sourire aux lèvres et qu’elle craque ses membres, je jette un coup d'œil sur Achille. Il est ravi de la perspective d’affronter notre référente et il y a de quoi. Rare sont les personnes qui l’affrontent. Même si on connaît en quoi consiste son pouvoir, nous n’en connaissons pas vraiment l’étendue. Ce qui est un avantage certain pour elle qui nous connait par coeur. Mais ce n’est pas cette différence qui va m’arrêter, je relève tout de même le défis avec plaisir !

Elle retire son peignoir alors je l’imite et enlève mon manteau d’un geste bref de la main. De toute façon, j’avais bien trop chaud avec, lors de mon affrontement avec Achille.

Colère et frustration n’est-ce pas ? J’avais presque oublié pourquoi j’ai commencé à défier Achille ! Chaos attendra avec sa dissertation qui me fait vomir d’avance, j’ai quelque chose de bien plus important à faire. Gagner contre ma référente et l’Invincible.

Achille retire les lianes qui emprisonnent son poignet avec la force qu’on le connaît puis lance les hostilités. Son regard alterne entre Déméter et moi, nous déclarant silencieusement qu’il ne va pas s’amuser tout seul. Qu’il ne s’inquiète pas, je compte me battre avec eux deux comme il se doit.

Je tire ma main emprisonnée vers le bas et donne un grand coup de pied sec dans la liane pour qu’elle se brise. En brisant la liane, Déméter s’est automatiquement rapproché alors j’en profite pour lui donner un coup de pied dans l’estomac.

Comme je m'y attendais. Il n'ont pas attendu de se mettre d'accord et je me prends systématiquement une droite en pleine joue et un coup de poing dans l'estomac de mes deux cadets. Je recule bien sur de nombreux mètres, la force des coups me faisant bien aller en arrière. Je me réceptionne avec une roue arrière. Avec deux telles frappes ... Je pose un genoux à terre, tout de même... Ils ne sont pas les plus faibles. Loin s'en faut ... Une main sur le ventre, l'autre essuyant ma bouche. Ça y est mon sourire est large, carnassier, ravi.

Nous ne serions pas un petit peu maso chez les Tamarisc ? Parce que Bons Dieux Primordiaux ... Que ça fait du bien de se cogner..! Le filet de sang qui coule sur ma joue disparaît en un passage de mon bras. Je me relève. Rire moqueur aux lèvres.

'' C'est tout..? Pitié ... Même des petits en garderie tapperaient plus fort...

Je fonce vers eux. Pas de lianes. Je prends Achille par le bras et lui décoche un Uppercut bien placé avant de le pousser au loin et tourne sur moi-même pour faire tomber Deimos et lui asséner un coup de pied en plein sur l'estomac. Je me sens bien... Je me sens revivre.

Je recule et guette leurs mouvements. Achille est invulnérable. Ce n'est pas le mettre au sol qui soit m'inquiéter. Je dois l'immobiliser. Deimos. Son pouvoir est redoutable. Mais je sais qu'il ne l'utilisera pas pour un entraînement ou une bagarre entre camarades. Je vois qu'il porte toujours le chapeau que je lui ai donné à son entrée. Ça me touche. Reprenons...

Je fonce vers eux. Faisant pousser des ronces, épineuses et une fois celles ci entourant leurs poignets, je les fais se rejoindre et leur assène en même temps, de mes deux poings serrés, un coup dans l'estomac. Je recule ensuite... Je me repositionne droite. Tapant dans mes mains pour dégager la poussière, d'un air dédaigneux, mais que mon sourire trop heureux et enthousiaste ne saurait crédibiliser.

'' Et bien... Ça manque d'agilité, tout ça ... ''