Comme un voile noir, la nuit tombe soudainement. Il n'est pourtant pas encore l'heure mais, de toute façon, cette nuit n'a rien de naturel. Il ne s'agit ni plus ni moins que de magie. Certainement l'oeuvre des ombres ou d'Argos, ou des deux. En tout cas, cette "nuit" semble totalement me séparer des autres. Je perçois vaguement la présence d'Arès et Artémis à côté de moi mais je sens, je sais, qu'ils ne peuvent plus m'entendre. Tout comme je ne peux plus les entendre.

- Bonjour, Apollon. Comment tu te sens ? Tu devrais boire un petit quelque chose pour te remettre de ta fièvre, car tu as encore du pain sur la planche.
- Très drôle...

De manière générale, l'idée de discuter tranquillement avec Argos ne me réjouit pas grandement. Mais, là, en l'occurence, mon état me l'empêche totalement. Je sens déjà la pomme, que je viens de manger, peser sur mon estomac. Si je vomis à nouveau, autant le faire sur Argos.

Heureusement pour lui, je me déconcentre de mon état physique en portant mon attention sur le sphère lumineuse qui apparaît dans ma main. J'écoute les explications le plus attentivement possible. "Privée de ses pouvoirs" hein ? De ses réels pouvoirs ? Non, je n'en ai pas l'impression. Plutôt des pouvoirs octroyés par le "jeu" auquel nous fait participer Argos sans notre consentement. Bien, il faut donc que je choisisse quelqu'un, c'est ça ? J'imagine que si je ne le fais pas, je ne sortirais pas de cette "nuit" de toute manière. Et est-ce qu'annuler le "pouvoir" d'un participant de ce jeu est si grave finalement ? Nous ne savons même pas si les traitres existent réellement.

En attendant, par mesure de sécurité, je préfère ne pas choisir l'un de mes proches. Qui nous reste-t-il ? Déméter, Hébé, Hécate, Hippolyte, Momos, Tyché... Athéna. Tiens, je vais faire un geste envers ma soeur. Je ne sais pas vraiment ce que ce "pouvoir" va faire mais bon. Je ne le saurais qu'en essayant. Alors autant tenter le coup.

Serrant la sphère lumineuse, qui m'apporte bizarrement un peu de réconfort, dans ma main, je pense à la déesse de la sagesse, m'excusant mentalement. Je n'aime pas faire des actions aveuglément. Mais, en même temps, je n'ai pas vraiment le choix.

À peine la sphère blanche est-elle apparut à l'emplacement où se trouvait Dionysos quelques instants auparavant que la "nuit" tombe à nouveau. Je me retrouve, une nouvelle fois, séparé des autres par une sorte de voile noir inviolable. Je sais qu'à partir de maintenant, tout ce que je dirai ne pourra être entendu que de moi. Et d'Argos, certainement, même si sa voix ne raisonne pas, cette fois-ci. J'imagine qu'il n'a rien de plus à m'expliquer. Mon rôle est toujours le même.

- Je suis désolé Dionysos...

J'ai fais une erreur et je m'en veux un peu. Juste un peu parce que...

- Mais tu n'avais qu'à pas te planter avec tes 30% aussi !

Maintenant je dois réfléchir. J'ai la capacité d'annuler le pouvoir de l'un d'entre nous cette nuit. La logique voudrait que je choisisse Amphitrite, au vu de ce qui a été dit durant le jour mais... Momos avait bien un pourcentage élevé lui aussi, non ?

- Je choisis d'utiliser mon pouvoir sur Momos.

Je ne sais pas si j'ai besoin de le dire à voix haute mais ça me fait presque plaisir de le faire. Autant je sais que je n'en voudrais aucunement à Amphitrite des propos qu'elle a pu avoir durant cette aventure. Autant, rien que le fait de penser à Momos m'énerve. J'espère seulement que Dionysos ne s'est pas trompé.

La "nuit" tombe et mon cerveau se met immédiatement à fonctionner à mille à l'heure. Du moins, du mieux qu'il peut malgré le poids de la maladie qui me donne une migraine pas possible. Au moins, bonne nouvelle, Momos ne sera plus là "demain matin" pour nous crier dans les oreilles. En revanche, ce qu'il s'est passé après la disparition d'Athéna me laisse perplexe. Si elle est réellement une traitresse comme le pense Hermès, et je me fie à son jugement, ça signifie que, pour terminer le "jeu", nous devons maintenant découvrir qui est celui qui lui a pris son pouvoir. Autrement dit, nous venons peut-être de gagner un nouvel "ennemi", même si celui-ci ne le voulait certainement pas.

Malheureusement pour nous, cette personne ne pourra pas se rendre au risque d'être dévorée par les ombres, ou pire encore. Nous ne savons pas ce qui arrive aux personnes qui dévoilent leur rôle et je ne peux pas en vouloir à cette personne de ne pas vouloir être la personne qui le découvre. Maintenant, qui pourrait-elle être et, donc, sur qui vais-je utiliser ma capacité cette nuit, c'est la question. Qui aurait pu choisir Athéna ? Une Tamarisc ? Hécate ? Hippolyte ? Artémis ? L'idée même de devoir voter pour ma sœur me fait frissonner. Même si l'alternance chaud/froid de la maladie doit aider également.

- Coucou Apollon ! Est-ce que tu me crois si je te dis que ta sœur ment depuis le début ?
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Laisse-moi jouer, aussi !

Pandore ? Mais qu'est-ce qu'elle fait dans les flammes avec Argos ? Et, surtout, qu'est-ce qu'elle vient de dire ? C'est impossible, je n'y crois pas. Il arrive à Artémis de me cacher des choses, pour mon propre bien d'après elle, mais jamais elle ne mentirait, c'est impossible. Si elle nous avait trahit, pour quelque raison que ce soit, elle m'en aurait forcément parlé. Elle sait qu'elle peut me parler de tout, que j'ai toujours du temps pour elle. Pas vrai ?

Le doute s'installe doucement dans mon esprit mais je le chasse rapidement. Histoire d'éviter de repenser aux mots de Pandore, je choisis rapidement une cible, globalement au hasard, pour que le jour revienne le plus vite possible.

- J'utilise mon pouvoir sur Hippolyte.

En espérant que toute cette histoire se finisse rapidement. Je commence à en avoir assez. Disparaître dans les ombres est-il douloureux ?

Une nouvelle nuit qui tombe. Un nouvel instant de solitude. Moi qui suis plutôt du genre à aimer être entouré et, surtout, à aimer la lumière du soleil, je commence à éprouver de la quiétude dans ces moments solitaires. Les discussions du jour me fatiguent et surtout, elles me frustrent. Nous n'arrivons à rien. Nous n'obtenons aucune informations. Nous finissons par voter pour ceux qui nous énervent, qui nous semblent suspect ou qui ne jouent pas le jeu. Pour, au final, se retrouver avec un innocent en moins.

Il reste donc Artémis, Hermès, Hippolyte, Hébé et moi. Donc, pour être franc, seulement deux personnes votables. Et encore, si Hébé m'énerve de plus en plus, je fais plutôt confiance à Hippolyte qui a su avoir une réflexion intelligente au tour précédent. Pour l'instant, il me reste une fine marge de progression mais si je me retrouve seul avec ma sœur et mon meilleur ami je ne saurais plus quoi faire. D'autant plus que parler devient de plus en plus difficile. Tout comme pour Hermès d'ailleurs.

Enfin, nous n'y sommes pas encore. Du moins, pour l'instant. Qui sait ce qu'il se passera au levé du jour. Je n'ai aucune idée du nombre de "traitres" restants ou même si ce sont véritablement des traitres ou plutôt des rôles individuels représentés par des sphères bleus. Je n'ai aucune information et c'est ce qui me mine le plus. J'espère de tout cœur que les autres n'en ont pas non plus et qu'ils ne les cachent pas consciemment. Autrement, la confiance entre nous risquerait d'être fragilisée. Peut-être à jamais. Et nous sommes immortels.

Bref, nous verrons bien ce qu'il se passera au levé du jour. Nous verrons si je dois à nouveau penser aux dires de Pandore ou non. Pour l'instant, je préfère boire une grande gorgée du liquide doré, serrer la sphère dans ma main et utiliser mon pouvoir sur Hébé.