J'étais tranquillement assise au milieu d'un petit parterre de fleurs au sein même du sanctuaire des Sollerys. L'air était doux, le parfum des fleurs m'entourait... A l'écart de tout le monde, plongée dans un recueil de poèmes, je profitais de ce moment de calme et de tranquillité pour laisser mon esprit s'évader loin de toute agitation. C'est alors qu'une élégante silhouette se dessina devant moi, faisant de l'ombre à mon ouvrage.

A peine j'eus le temps de relever le menton pour lui faire face, que Narcisse fit sa proposition : « Bonjour Perséphone. Est-ce que je peux expérimenter sur toi un maquillage des yeux, s’il-te-plaît ? ». J'étais surprise que le reflet de la beauté puisse avoir besoin de moi pour parfaire ses talents. Il n'était pas rare que ce dernier soit solliciter par les roses dans leur préparation que ce soit pour des soirées ou simplement pour se rendre en classe. Je refermais mon livre, comprenant que mon moment de tranquillité touchait à sa fin.

- Bonjour Narcisse ! dis-je en souriant.

J'étais habituée d'être considérée comme une poupée qu'on aime habiller, maquiller, ou même coiffer, notamment grâce à Héra et Aphrodite qui semblent rêver de me voir sortir de ma chrysalide. Et à vrai dire, ce n'était pas mes moments préférés. Hésitante, je serrai le recueil contre ma poitrine. Je n'étais pas très à l'aise avec l'idée de me faire remarquer. Néanmoins, depuis mon rapprochement avec Dionysos, j'avais de plus en plus envie de me faire jolie, de me montrer plus confiante. Alors une petite touche de couleur sur les yeux ça ne pouvait pas faire de mal, non ?

- Et bien... pourquoi pas, ça peut être amusant !

J'essayais de sourire pour cacher ma légère angoisse. Je le savais talentueux, mais le côté "expérimentation" m'enchantait un peu moins. J'espérais ne pas être transformée en clown, au risque d'attirer les moqueries. D'autant plus que, à cause de ma bienveillance abusive, j'allais être incapable d'être honnête et de lui dire que je n'aime pas. Je me relevai alors, me retrouvant face à lui, lui qui était bien plus grand que moi.

- Euh... tu veux qu'on fasse ça ici ?

Voilà que Narcisse tentait de me rassurer quant à la durée de son expérimentation. Le pauvre, je n'avais pourtant pas eu l'impression d'avoir laissé paraitre qu'il me dérangeait dans ma lecture. Néanmoins, je remarquais qu'au lieu de me regarder, ses yeux suivaient du  mon ouvrage. Amusée par son léger manque de concentration, je fis exprès de bouger le livre de gauche à droite dans l'espoir de recentrer son attention. J'eus un léger rire avant d'intervenir :

- C’est un recueil de poésie sur l'amour... C'est d'une muse, malheureusement, le nom de l'auteur s'est effacé. ajoutai-je en montrant le coin effacé de la couverture. Je peux te le donner si tu veux le lire ! dis-je en lui tendant l'ouvrage.

Lui donner était un bien grand mot car ce livre ne m'appartenait pas. Je l'avais trouvé quelques semaines plus tôt à la bibliothèque de l'école, lieu que j'aime visiter notamment les jours de pluie. Narcisse sortit un petit contenant de fard à paupière adorable où sa mixture étrange était parfaitement disposée. En plus d'avoir du talent sur la mise en beauté, il prouvait qu'il était minutieux. La couleur était jolie, mais j'étais incapable de dire si cela allait convenir à mon visage. Quant à lui, cela semblait être une évidence. Je rougis lorsqu'il parla de mes "jolis yeux", avant de délicatement lui prendre le récipient des mains. A l'intérieur se trouvait également un tout petit miroir où je ne pus m'empêcher d'observer la couleur de mes yeux, essayant de comprendre comment il pouvait être aussi sur de son choix.

- Waah, c'est super mignon tout ça ! Tu as fait ça tout seul ? Je ne saurais te dire si ça va m'aller, mais je te fais entièrement confiance.

A nouveau, je sentis mes joues se teinter de rouge en réalisant la sincérité de mes paroles. Ce n'était pas souvent que j'osais exprimer mes pensées aussi franchement, surtout lorsqu’il s’agissait de recevoir de l’attention de cette manière. Pourtant, il y avait quelque chose de rassurant dans le fait de savoir que Narcisse ne cherchait pas à me transformer en quelqu’un d’autre. Il semblait simplement vouloir souligner ce qu'il avait de "joli" en moi.

Je levai alors le petit récipient à hauteur de mes yeux, essayant de deviner comment la couleur se fondrait sur ma peau. La curiosité s’empara de moi. Peut-être qu’avec ce léger changement, j’allais réussir à attirer encore un peu plus l’attention de Dionysos.

- Tiens, reprends-le, tu l'utiliseras mieux que moi.

Je lui redonnais le maquillage afin qu'il puisse exprimer ses talents sur mon visage tout en lui souriant.