L'écoute est la plus précieuse des amies
Chioné & Athéna

Je fis face à mon reflet dans le miroir. J'avais très peu dormi dernièrement et j'étais assez préoccupée après ce que j'ai pu vivre dans la vision que les sirènes m'ont donnée. J'avais réussi à me rappeler de la première vision de manière assez limpide, mais pour ce qui était des visions suivantes, le doute persistait. Mon esprit était brouillé au milieu d'un labyrinthe d'émotions, de souvenirs et d'illusions contradictoires. J'avais préféré éviter d'en parler à Déméter afin de ne pas trop l'inquiéter. Elle s'était déjà fait un sang d'encre en sachant le nombre de nos camarades du sanctuaire rouge à être impliqués dans cette tragédie. Certains s'étaient même affrontés avec une rage sans précédent. J'étais restée assez floue lorsque j'ai raconté notre mésaventure à Hippolyte. Je restais une bonne seconde, tentant d'aider au mieux mes camarades, mais je sentais au fond de moi que je devais moi aussi souffler un peu. J'avais pour cette raison convié Chioné à prendre une boisson à la taverne de l'hiver afin de discuter. J'étais prête à m'y rendre. Je réajustais ma cape, resserrais ma ceinture et sortis de ma chambre. Je passais devant la porte de celle d'Arès et d'Achille, frappant à cette dernière. Les deux ne voulaient voir personne et pourtant, rester seul était selon moins l'idée la moins sage qui soit. Je passais ma main sur leur porte et soupirais après l'absence de réponse intelligible.

— Prenez soin de vous, tous les deux...

Je les savais mal en point. Ils s'étaient donnés à de terribles conflits, ou plutôt, n'ont pas eu le choix de combattre. Je caressais le bois de leur porte avant de reprendre ma route dans le couloir du dortoir, sans bruit. Je pensais beaucoup à l'état dans lequel j'avais vu Achille le lendemain de notre mésaventure. Lui qui était parti tout joyeux, malgré sa fatigue apparente, est revenu totalement dévasté. Il lui avait parlé suite à mes conseils. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que j'étais en partie responsable du malheur qui le rongeait. Il me faisait même penser au petit garçon que j'avais vu dans ma vision. Il lui ressemblait tellement... Est-ce qu'il s'agissait de son fils ? Je préférais ne plus penser à cette illusion alors que j'arrivais au lieu de rendez-vous. J'entrais dans la taverne et m'installais à une table.

— Bonjour ! Je désirerais un thé aux agrumes, s'il vous plaît. Et pour mon amie...

J'avais pris soin de commander pour Chioné son breuvage préféré dès qu'elle serait arrivée, de sorte à ce qu'elle boive sa boisson à la bonne température. Je tenais avant tout à mettre mon amie à l'aise, dans de bonnes conditions. J'avais le pressentiment que nous allions parler à un moment où à un autre de l'île d'attraction ainsi que tout ce qu'elle impliquait. Je guettais la porte jusqu'à ce qu'elle s'ouvre, laissant voir l'Avatar de l'Hiver en passer le seuil. Mon sourire revint lorsqu'elle s'approcha de moi. J'étais heureuse de la retrouver. Je lui tendis les bras en la voyant s'approcher de moi et lui offrais avec toute ma tendresse une longue étreinte.

— Bonjour, Chioné. Je t'ai commandé ta boisson favorite en attendant que tu arrives... Comment te sens-tu ?

Je la regardais d'un air doux. Je la sentais préoccupée, elle aussi. Comme tous ceux qui avaient vécu l'île d'attraction, elle avait vu bien des choses qu'on aurait aimé ne jamais voir. À plusieurs reprises, je revis plusieurs passages durant lesquels notre groupe s'était retrouvé fragilisé, amputé. Jusqu'à la barque... J'observais ses yeux. Je sentais son âme en souffrance...

— La brume est très présente dans ton regard... Tu as pleuré, n'est-ce pas..?

Je posais mon index sur sa joue dans une caresse rassurante. La boisson de Chioné arriva en même temps que la mienne. Nous allions pouvoir siroter nos breuvages toutes les deux...