Les Hauts de Hurlevent

J’avais si hâte d’être à ce jour et, ça y est, nous y sommes ! Les mélodies d’automnes commencent aujourd’hui et, avec elles, une panoplie d’artistes faisant preuve de leurs talents dans le domaine musical au sens large. J’ai même entendu dire que certains ont préparé des stands qui n’ont que très peu de rapport avec la musique mais qui ont ajouté des musiciens Ipomea en plus pour pouvoir entrer dans les clous. Enfin bref, ça va encore être un beau bordel façon Dea Kademeia.

Mais ce qui m’intéresse dans tout ça, et la raison principale pour laquelle je suis dans la forêt d’automne, c’est le concert de ma meilleure amie, Écho. Ça fait des semaines qu’elle travaille sur son invention, le chant signe. Je l’ai beaucoup assistée et encouragée dans le processus et j’ai hâte de voir son œuvre finale.

J’arrive devant la petite scène qui a été aménagée pour l’occasion. Mon amie a précisé aux scénographes qu’elle voulait un petit public avec seulement deux ou trois musiciens pour l’accompagner dans sa performance. C’est exactement ce qu’elle a. Installée au milieu de la scène, entourée par trois musiciens et de son public, elle s’apprête à commencer sa performance.

De mon côté, je tourne la tête un peu partout pour essayer de trouver le dieu que j’ai invité aujourd’hui. Je lui ai pourtant bien donné l’heure et le lieu alors pourquoi n’est-il pas encore là ?

Après quelques chansons, je fini par distinguer la chevelure rousse de Deimos dans la foule. Je lévite un peu en faisant des mouvements de bras pour attirer le regard du dieu et qu’il vienne jusqu’à moi.

— Tu n’as pas eu de mal à trouver ? Écho a déjà joué quelques chansons mais ce n’est pas encore fini. Tu vas voir, c’est très impressionnant à regarder !

Mais la prochaine chanson n’est pas un chant signe comme je le pensais. L’annonce de mon amie me fait ouvrir les yeux de surprise. De quoi parle-t-elle ? Elle m’a préparé une chanson ? Je ne m’y attendais pas, c’est super gentil de sa part !

Le premier mot de la chanson me fait tiquer. Est-ce qu’elle vient de dire « Deimos » ? Je crois que mon cerveau a très vite compris de quoi la chanson parlait mais il m’a quand même fallu attendre la fin du refrain pour réussir à faire le moindre mouvement. Ou, plutôt, pour que ma paralysie s’estompe. Je sens mon visage rougir, encore et encore. J’ai chaud et je me sens mal. Mais, Echo, pourquoi avoir fait ça ? Sans pouvoir le contrôler mais sans vraiment le vouloir non plus, je me dématérialise sous la gêne. En voyant quelques regards se retourner vers moi, mon seul réflexe est celui qu’on reproche à beaucoup, la fuite. Que faire d’autre alors que des sentiments que je n’ai moi-même encore jamais véritablement exprimés sont ainsi divulgués au grand jour ? Surtout alors que je me tiens à côté de la personne concernée. Désolée Deimos, ce n’est pas ta faute mais, là maintenant tout de suite, je ne peux pas rester au milieu de cette foule.

Codage par Libella sur Graphiorum

Une voix pour chanter vos pensées

Honnêtement, je ne sais pas ce que je fais là. En fait si je sais, étant donné qu’une certaine personne m’a obligé à venir. Mais si cette personne n’était pas Néphia, je n’aurais pas foutu un seul pied dans la forêt d’automne. Les festivités c’est pas mon truc et encore moins pour aller voir un concert d’une personne dont je me fiche bien. Mais bon, Néphia a insisté et ses yeux de merlans frits ont eu raison de moi.

Je marche d’un pas rapide dans la forêt d’automne à travers les différents stands proposés en jetant  un coup d'œil furtif pour voir si Echo est dans les parages. Quand je repère enfin le stand de l’oréade, je ralentis et me mets à l’écart dans la foule. Enfin, “foule” n’est peut-être pas le mot le plus approprié. Peu de personnes sont rassemblées autour de la scène. Ce qui n’est pas si étonnant que ça, les personnes qui ne connaissent pas la langue des signes doivent être larguées. Moi le premier. Ce qui me fait me questionner pour la énième fois sur ma venue ici.

J’essaie de repérer Néphia et ce n’est pas bien difficile vu qu’elle lévite et qu’elle effectue de grands gestes de bras. Un léger sourire pare mes lèvres. La discrétion c’est pas trop son fort. Je la rejoins en quelques enjambés. J’hoche négativement la tête pour répondre à son interrogation et m’excuse tout de même pour mon retard. Ce n’est pas parce que je n’ai pas particulièrement envie d’être ici que je peux ennuyer Néphia.

Je me prépare mentalement à écouter, ou plutôt à voir, la prochaine chanson. Je ne doute pas que c’est impressionnant, mais dans mon cas je trouve ça particulièrement ennuyeux.

Mais contre toute attente, cette chanson sera destinée à Néphia et pas dans la langue des signes. J’imagine que c’est pour que la Néphélée comprenne mieux les paroles.

Dès qu’Echo commence à chanter, j’ai bien peur de comprendre le sens de cette chanson. Et je ne m’attendais vraiment pas à ça. Qu’est-ce que c’est que cette connerie ? Est-ce que cette oréade veut savoir quel goût à mon poing dans sa tronche ? Parce que je peux lui accorder ça avec grand plaisir ! M’humilier avec une chanson d’amour niaise à souhait, c’est la pire chose au monde.

Je serre les poings et baisse la tête dû à la colère et à la gêne. Pitié, j’ai l’impression que cette chanson ne finira jamais ! Je regarde Néphia pour voir sa réaction et elle est figée sur place, le visage rouge comme une tomate. Bonne nouvelle, elle n’était pas au courant du stratagème de son amie. D’ailleurs, je ne suis pas très expérimenté sur le domaine de l’amitié mais les amies ça ne donne pas de couteau dans le dos comme ça !

J’arrête de fixer la Néphélée car cette maudite chanson me gêne au possible et je ne veux pas qu’il y est de malentendu. Comment ça se fait d’ailleurs que je sois autant gêné ? D’accord cette chanson est ridicule et ne reflète en aucun cas la réalité mais d’ordinaire je m’en contre fiche de la gêne et du regard des autres !

Enfin bref, je préfère donc juger Echo de mon regard le plus noir. Si elle n’était pas la meilleure amie de Néphia j’aurais déjà utilisé mon pouvoir sur elle. C’te garce.

Quand je regarde de nouveau Néphia elle n’est plus là. Seulement ses vêtements qui jonchent le sol. J’aurais dû m’en douter. Nos entraînement lui ont permis de s'améliorer mais pas d'annuler cette partie contraignante de son pouvoir. Si ça me rassure en premier lieu qu’on ne me voit plus avec elle, m’enfuir avec ses vêtements me parait soudain bien pire.

Je ne regarde pas autour de moi, prends ses vêtements à la hâte, essaie de ne pas changer d’avis en cassant la gueule de Echo et cours à la poursuite de Néphia. Le problème c’est que je ne sais pas où elle a pu se cacher. Et un nuage ça passe plutôt inaperçu ! Alors je cours tout droit sous les regards toujours plus curieux. Quelle journée de merde !

Codage par Libella sur Graphiorum