Le dernier jour avant le Renouveau

Cette décision a été prise sans concertation. Nous, les douze Olympiens, avons été réunis dans la salle du trône, comme presque chaque semaine, depuis de longues années. Cette guerre ne semblait pas vouloir s’arrêter. Les mortels perdaient peu à peu leur confiance en nous, nous rendant plus faible, à mesure que le temps passe, et moins capables de les protéger, eux et le peuple d’Olympus, des Ombres.

Je pensais donc que cette réunion serait un conseil de guerre comme un autre. Athéna qui propose une nouvelle stratégie. Arès qui crie au scandale. Héra qui soupire. Zeus qui veut faire assoir son autorité. Et nous tous qui attendons nos ordres en sachant que rien ne va changer. Car notre famille n’a jamais été douée pour prendre les bonnes décisions.

Mais ce n’est pas ce qu’il s’est passé. Les Moires sont apparues de nulle part, expliquant que la situation n’était plus sauvable. Qu’il fallait faire un choix extrême. Le choix de la dernière chance. Un reboot massif de toutes les divinités.

Debout devant mon temple, j’observe la frontière d’Olympus qui perd du terrain à mesure que nos soldats perdent la vie. Combien de mes enfants sont morts dans ce combat ? Combien disparaîtront encore si nous ne faisons pas ce choix ? Un choix qui n’en est pas un. Les Moires ne venaient pas nous demander notre avis. Elles venaient annoncer leur décision. Une décision implacable et non négociable. D’ici quelques heures, elles viendront nous chercher, les uns après les autres, pour retirer tout ce que nous sommes. Tout ce que des millénaires d’existence ont fait de nous. Qui serais je dans cette prochaine vie ? Serais je encore capable d’être celui que je suis ? Pourrais je, en quelques siècles, redevenir aussi puissant que je le suis aujourd’hui ? Ou, du moins, suffisamment, pour sauver les deux mondes ? Celui des mortels et celui des dieux.

Des dieux qui ne seront plus que des inconnus. Des dieux qui, jusqu’à aujourd’hui, étaient mes proches, ma famille, même si nos relations ne sont pas toutes au beau fixe. Vais-je pouvoir me construire sans eux ? Sans ces relations qui me caractérisent ? Sans mes amis ? Sans les Muses ? Sans… Artémis.

Mon poing se serre quand j’y repense. Je me fiche bien d’oublier que Zeus est mon père, bon débarras. J’espère même que cette stupide ressemblance physique que j’ai avec lui ne me fera rien comprendre dans ma prochaine vie. Oublier ma mère ? J’en suis infiniment triste. Elle a toujours été fière de nous. D’avoir pour seuls enfants, deux des douze Olympiens. Oublier mes demi-frères et sœurs ? Ce n’est pas comme si je les considérais vraiment comme tels. Mais, oublier Artémis ? Comment pourrais je y survivre ? Comment pourrais je être moi-même dans cette prochaine vie sans elle ? C’est tout simplement impossible. Nous avons grandi à deux. Nous sommes devenus des Olympiens à deux. Nous avons démontré notre puissance à deux. Nous sommes les Archers Jumeaux. Et rien que l’idée que cela puisse disparaître me transperce le cœur.

S’il ne me reste que quelques heures avec cette identité. Quelques heures à être véritablement moi. Alors je n’ai pas le choix. Je dois les passer avec elle. Et je sais exactement où elle peut être.

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Le dernier jour avant le renouveau

La nouvelle était tombée comme un coup de massue sur le crâne. Nous allions tous repartir à zéro. Sans aucun souvenir. Tout reconstruire pour faire autrement. Tout perdre pour mieux revenir. Les Moires nous avaient laissé une dernière journée avant ce fameux reboot. On pouvait bien faire ce qu'on voulait de cette journée. Tout ce qu'on savait, c'était qu'ensuite, elles viendraient nous chercher et nous commencerions une nouvelle vie à la Garderie, sans nous rappeler le moindre détail de l'ancienne vie. Cette vie qui allait se terminer dans quelques heures.

Je m'étais arrêtée dans une clairière. Non, pas une clairière. La clairière. Celle où je venais toujours quand j'avais besoin de réfléchir à quelque chose, que j'avais besoin de me retrouver seule, que je voulais élaborer une stratégie ou toute autre chose. C'était mon endroit. Celui où je me recueillais aussi, un peu comme aujourd'hui. Mais était-ce vraiment une bonne idée de rester seule en ce dernier jour ?

Certains allaient s'amuser, d'autres pleurer, d'autres encore rester avec ceux qu'ils aimaient pour profiter de ce dernier jour ensemble. En faisant un état des lieux de mes relations, il n'y avait pas grande monde pour qui je souffrirai de leur disparition, que je ne voudrais pas oublier. Il y avait mes Chasseresses, que j'étais allée voir juste après la réunion pour leur expliquer ce qui allait se passer mais aussi les rassurer et les consoler. Et il y avait Apollon. Mon frère jumeau, mon confident, mon partenaire. Il y avait aussi ma mère, mais je doutais de pouvoir la voir. Et ma relation avec elle n'était pas la même que celle que je partageais avec Apollon.

Mais mon cœur était tiraillé. Je ne voulais pas l'oublier, c'était indéniable. Je voulais pouvoir partager encore tant de choses avec lui, le taquiner, me battre à ses côtés, le défendre et râler quand il faisait de même avec moi. Mais je savais que ce n'était plus possible dans cette vie. Mais je ne voulais pas lui dire au revoir. C'était au-dessus de mes forces. Je ne voulais pas non plus qu'il me voit ainsi, aussi fragile à cause de cette peur de le perdre. C'était aussi pour ça que je m'étais réfugiée ici. Mais il connaissait très bien cet endroit.

Total des mots : 374 mots

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Le dernier jour avant le Renouveau

Ma sœur n’est pas quelqu’un qu’on peut véritablement qualifier de « prévisible ». C’est une chasseuse. Elle n’est jamais là où on l’attend mais saura toujours où toi, tu te situes. Et, si tu es sa cible, elle ne ratera pas son coup, jamais.

Mais je ne suis pas n’importe qui. Je suis son frère jumeau. La personne la plus proche d’elle qui existe au monde. Nous sommes nés de la même mère à quelques minutes d’intervalle et, surtout, nous avons une confiance infinie l’un en l’autre. Raison pour laquelle je sais exactement où elle se trouve. Un lieu qu’elle garde secret pour la plupart des gens. Une clairière, située dans la forêt d’Olympus, qu’Artémis a protégée avec vigueur depuis que les Ombres ont commencé à gagner du terrain sur notre royaume.

Je rentre dans la forêt sans problème. J’ai un droit d’entrée ici. Les animaux me connaissent et acceptent ma présence. Je ne dirai pas qu'ils m'apprécient, mais ils n'ont pas vraiment le choix. Ils suivent les ordres de leur reine.

Ça ne veut pas pour autant dire qu’il m’est facile de trouver ma sœur. Même si je connais l’emplacement de la clairière, la déesse de la chasse n’est visible que par ceux dont elle souhaite être vue. Et, apparemment, elle préfère rester seule aujourd’hui. Sauf que c’est hors de question.

– Artémis, je sais que tu as sentis ma présence. Sors de là, nous devons parler. Je refuse de passer ce dernier jour loin de toi.

J’aurai pu continuer et me lancer dans un long discours sur l’amour fraternel mais je préfère attendre de l’avoir devant les yeux. Ce sont des choses que l’on dit en face à face.

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Le dernier jour avant le renouveau

Cette forêt était autrefois l'un de mes terrains de jeu favori. Mais depuis quelques temps, c'était devenu l'endroit que je protégeai le plus et où je passais le plus clair de mon temps. Ce n'était un secret pour personne, tout du moins pour ceux qui cherchaient des informations à mon sujet. Mais cette clairière, c'était mon petit coin à moi, que seul Apollon connaissait. Et de toute façon, en cette période, tout le monde ne pourrait pas rentrer dans cette forêt, et encore moins trouver cet endroit, et moi par la même occasion.

Un bruit attira mon attention et je disparus aussitôt dans les arbres. Je voulais être seule et le bruit que j'avais entendu n'était pas animal. Je savais de qui il s'agissait, mais je ne voulais pas qu'il me voit ainsi. Je restais cachée, l'observant alors qu'il arrivait dans la clairière. Il me connaissait bien. Il savait quoi dire pour me toucher directement au cœur pourtant réputé de pierre. Mais s'il y avait bien une personne à qui j'étais sensible, c'était mon frère jumeau.

Comme si, malgré ma volonté de me cacher, il avait senti ma présence, il était debout juste à côté de l'arbre dans lequel j'étais dissimulée. Alors je sautai et j'atterris silencieusement juste derrière lui. Il était dos à moi et il m'attendait. Alors, sans un mot, je glissai mes bras autour de sa taille et le serrai contre moi. Ma tête reposa contre son dos et je restai ainsi quelques instants, sans rien dire.

"Je ne voulais pas que tu me voies comme ça..."

Mais au fond, il était bien le seul à qui j'acceptai de montrer cette facette de moi.

Total des mots : 646 mots (1020 en tout)

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Le dernier jour avant le Renouveau

Je sais que ma sœur est là, quelque part, cachée dans un des arbres qui entoure cette clairière. J’aimerai dire qu’étant son frère jumeau, je possède la capacité unique de pouvoir voir au travers de son camouflage mais ce serait mentir et, surtout, ce serait la sous-estimer. Ni moi, ni personne ne peut retrouver Artémis quand elle ne veut pas l’être. C’est tout simplement impossible. Cependant, je possède quelque chose que personne d’autre n’a : je connais ma sœur par cœur. Cela me permet de connaître ses réactions en fonction des situations et, là, je sais qu’elle ne peut être qu’ici, dans un de ces arbres.

Je ne détecte la présence de ma sœur que quand elle passe ses bras autour de ma taille et pose sa tête dans mon dos. Voilà, c’est bien ce que je disais. Même en sachant qu’elle était là, je ne l’ai pas entendu s’approcher de moi. Ma sœur est la définition même de la chasseuse.

– Je ne voulais pas que tu me voies comme ça…

Je prends doucement ses mains dans les miennes et me retourne pour que l’on se retrouve face à face. Mon sourire est doux et triste à la fois. Cette sœur, pour qui j’ai toujours éprouvé la plus grande fierté et un amour sans égal, ne se souviendra bientôt même plus de mon nom.

– Je suis désolé d’être si égoïste mais je n’étais pas capable de partir sans te revoir une dernière fois.

Je m’avance d’un pas et prend ma sœur dans mes bras.

– Tu es la personne la plus importante pour moi. Je n’arrive pas à me faire à l’idée que je vais t’oublier.

Je ne doute aucunement des capacités des Moires, ce serait idiot et même dangereux de ma part. Cependant, je n’y peux rien. L’idée que je puisse oublier ma vie, ma personnalité et mes proches…. L’idée que je puisse oublier l’existence d’Artémis… Non ces idées n’arrivent pas à se faire une place dans mon esprit. Pour moi, c’est tout simplement impossible.

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Le dernier jour avant le renouveau

C'était égoïste de ma part d'être venue pour me cacher dans la forêt. Je ne voulais pas être retrouvée et Apollon savait très bien que si je décidais de ne pas me montrer, je ne le ferais pas. Mais il savait aussi comment me faire sortir. Et il avait tapé juste avec ses mots, comme toujours. Alors je finis par me montrer pour le prendre dans mes bras. Il était bien l'un des seuls avec qui j'agissais ainsi.

Il fit en sorte de se retourner pour me faire face tout en me gardant près de lui. Apollon savait à quel point ce genre de moments étaient rares et il profitait de chaque seconde. Alors j'enfouis ma tête dans son torse, profitant à mon tour de la chaleur de sa peau. Oui, j'étais une déesse forte et fière. Mais Apollon était à la fois ma force et ma faiblesse. Et face à lui, mon masque se fissurait. Surtout en apprenant que j'allais le perdre à jamais.

"Non, c'est moi qui suis égoïste d'être venue me réfugier ici. Mais je suis contente que tu sois venu. C'est avec toi que je veux passer mes derniers moments."

Je restais un instant silencieuse alors qu'il m'enlaçait à son tour.

"Je n'y arrive pas non plus. Mais je suis certaine, au fond de moi, que je te retrouverai. Même sans savoir que tu es mon frère. Je ne peux pas concevoir qu'on ne soit rien l'un pour l'autre dans l'autre monde."

Je relevais mon regard vers lui. Il restait une pointe de tristesse mais il était surtout déterminé. Je pris ses mains dans les miennes.

"Apollon, je te promets de tout faire pour te retrouver. Je ne sais pas comment on sera, je ne sais pas comment sera le nouveau monde. Mais je ferais tout pour ne pas perdre son lien que l'on partage. Il est trop important à mes yeux. Tu es trop important à mes yeux. Je ne veux pas te perdre..."

Une unique larme s'échappa alors que mon regard était toujours plongé dans celui de mon frère.

Total des mots : 338 mots (1358 en tout)

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Le dernier jour avant le Renouveau

Je hoche la tête face aux propos de ma sœur. Oui, je suis bien d’accord.

Toute cette histoire est encore trop soudaine, trop récente. Nous n’avons pas de recul et nous n’allons pas avoir le temps d’en avoir parce que les Moires vont tous venir nous chercher, un par un, avant la fin de la journée. Mais, ce qui est certain c’est que, même si nous savons tous que cette décision est la seule possibilité qu’il nous reste pour sauver la situation, elle ne sera pas sans conséquences. Aucun d’entre nous ne souhaite perdre ce qu’il est aujourd’hui. Sa personnalité, ses pouvoirs, ses liens avec les autres. Ce sera certainement différent pour les mortels et les demi-dieux choisis mais, pour nous, les dieux, l’idée de devoir reconstruire plusieurs millénaires de notre histoire ne nous enchante pas.

Mais malgré cela. Malgré cet oubli total qui nous a été expliqué ce matin. Je suis de l’avis d’Artémis. Je ne conçois pas de pouvoir l’oublier. Nous sommes les Archers Jumeaux après tout.

Je fixe ma sœur du regard alors qu’elle s’est légèrement éloignée de moi pour me prendre les mains.

- Apollon, je te promets de tout faire pour te retrouver. Je ne sais pas comment on sera, je ne sais pas comment sera le nouveau monde. Mais je ferais tout pour ne pas perdre ce lien que l'on partage. Il est trop important à mes yeux. Tu es trop important à mes yeux. Je ne veux pas te perdre...

Du bout du pouce, j’essuie la trace de la larme qui orne son visage.

- Reprend toi sœurette. Ça ne te ressemble pas de te laisser aller comme ça. Même pour quelqu’un d’aussi extraordinaire que moi.

Je lui souris avec un clin d’œil, pour lui faire comprendre que je plaisante, bien entendu. Je pense que, dans ce genre de situation, quand nous n’avons de toute façon pas le choix, il vaut mieux rire que pleurer.

- C’est étrange, cette sensation. Attendre comme ça que le sort s’abatte sur nous. Je crois que je comprends un peu ce que ressentent les mortels à notre égard, maintenant.

Je jette un coup d’œil à la clairière et, d’un claquement de doigts, fait apparaître une dizaine de cibles de lumière. Elles bougent aléatoirement dans tous les sens, attendant que des flèches viennent les transpercer.

- Un dernier entraînement au tir avant de commencer une nouvelle vie ?

Entraînement est un bien grand mot pour nous deux mais tirer ensemble a toujours été une activité très amusante. Même s’il nous arrive régulièrement de finir cet « entraînement » par une petite dispute fraternelle.

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Le dernier jour avant le renouveau

Les Moires ne nous avaient pas laissés beaucoup de temps. Plus vite le reboot était fait, plus vite nous pourrions reconstruire nos vies et un nouveau monde. Mais nous avions moins de temps pour nous préparer et dire au revoir à nos proches. Et en même temps, pouvions nous réellement nous préparer à cela ? Apollon et moi allions profiter de ces derniers instants ensemble mais je me laissais un peu aller avec lui. Son geste était très doux malgré la raillerie qui suivit. Un petit rire m'échappa avant que je ne lui réponde.

"Tu as raison. Redescends un peu par contre, je n'agis comme ça que parce que tu es mon Jumeau, petit frère."

J'appuyai bien sur le mot "petit" avec un sourire. Je ne manquais jamais de lui rappeler que j'étais née la première.

"Oui, ce n'est pas très agréable. Tu crois que ce sera douloureux ?"

Non pas que la douleur me faisait peur. Au contraire. J'en avais même l'habitude et ça ne me déplaisait pas spécialement. Mais quitte à redémarrer une nouvelle vie, autant que ce soit sereinement. Mais mon frère savait très bien comment détendre l'atmosphère. Les cibles apparurent dans la clairière et se mirent à bouger. Un sourire espiègle éclaira mon visage.

"Ca dépend. T'es prêt à perdre, mon frère ?"

D'un sifflement, j'avertis les animaux de ma forêt de ne pas approcher de la zone de tir. Nous n'étions pas du genre à rater notre cible. Mais un animal sauvage qui débarquait en plein milieu d'un entrainement et un accident pouvait vite arriver. Même pour nous. Je fis ensuite apparaitre mon arc argenté et mon carquois de flèches. Je mis aussitôt la première sur mon arc, bandai et tirai. La flèche se ficha la seconde d'après au centre de la cible.  Je sentais l'adrénaline qui recommençait à couler dans mes veines. Mon corps s'auréola d'argenté. Mon aura de déesse ressortait en pleine action. Et j'avais bien envie de me lâcher là.

Total des mots : 318 mots (1676 en tout)

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Le dernier jour avant le Renouveau

Douloureux, je n’en ai pas la moindre idée. À vrai dire, je n’y ai même pas pensé. Est-ce que perdre tout ce qui fait de nous ce que nous sommes va être douloureux ou, au contraire, être agréable, comme une sorte de libération ? C’est une bonne question mais je pense que ce serait une perte de temps que de se la poser. Ce que nous devons faire, à présent, c’est profiter du temps qui nous reste et non le perdre à penser à un futur auquel nous ne pouvons rien. Et comment mieux utiliser ce temps que faire ce que nous faisons le mieux : tirer à l’arc.

— Ça dépend. T'es prêt à perdre, mon frère ?
— Perdre ? Qui a parlé de perdre ?

Évidemment, j’ai parfaitement conscience que ma sœur est meilleure que moi dans cette discipline. Cependant, je ne compte par m’avouer vaincu sans me battre.

Artémis siffle un coup avant de faire apparaître son arc. Bien que les habitants de cette forêt aient certainement l’habitude de nos petits jeux, il serait dommage que l’un d’entre eux se prenne une flèche perdue. D’autant plus si ma sœur n’est pas là pour soigner l’animal par la suite.

Évidemment, sa première flèche se fiche parfaitement au centre de la cible, comme si c’était l’évidence même. Ce qui est sans doute le cas pour elle. Ce qui l’étonnerait vraiment, ce serait de rater sa cible. Je donnerai cher pour voir ça d’ailleurs.

— Ne fait pas trop la fière sœurette. Je te conseille de ne pas me sous-estimer.

D’un mouvement du poignet, je fais apparaître mon arc et le bande. Une flèche de lumière apparaît lors de mon mouvement. Je lâche la corde dans un mouvement qui démontre l’expérience de plusieurs milliers d’années et plante ma flèche au milieu d’une cible mouvante, qui tourne en cercle de façon plus ou moins aléatoire.

— Bon, l’échauffement est terminé ? On passe aux choses sérieuses avant que les trois vieilles déesses du destin ne viennent nous chercher ?

Ce n’est pas dans mes habitudes de mal parler de déesses aussi anciennes que les Moires mais je dois bien avouer que j’ai tout de même un petit ressentiment envers elles depuis quelques heures.

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Le dernier jour avant le renouveau

Il ne me répondit pas. Il ne savait pas. Personne ne le savait. Et à quoi bon y penser ? Je ne voulais pas être de ceux qui attendaient leur fin sans rien faire et en se lamentant. Il avait raison, nous devions profiter de ces derniers instants ensemble. Un petit rire discret m'échappa. La gagne, on avait ça dans le sang. Ca n'aurait pas été drôle s'il ne se battait pas un minimum. Mon frère était doué. Peut-être pas autant que moi, puisque je m'exerçais chaque jour, mais il l'était, c'était indéniable. Certainement un trait familial.

Après avoir averti les habitants de la forêt, je commençai notre entrainement, si on pouvait vraiment l'appeler ainsi. Sans surprise, je fis mouche dès ma première flèche. Ca avait un goût étrangement différent de d'habitude. Un peu comme si le goût de mon dernier repas changeait car justement c'était le dernier.

"Excuse moi, je te laisse ce trait de caractère. Oh je ne te sous estime pas. Je me demande juste comment tu vas faire pour être meilleur que moi."

Un large sourire s'invita sur mon visage. J'adorai notre lien et je ne voulais en aucun cas le perdre. Mais nous n'avions pas la main là-dessus. Alors je voulais faire en sorte que nos derniers instants soient les plus savoureux. Même si, même dans notre nouvelle vie, je ne doutais pas qu'on arriverait à se retrouver.

Mon frère fit à son tour apparaitre son arc, fait de lumière, et ficha sa flèche en plein centre de sa cible mouvante. Un petit rire m'échappa à sa remarque.

"Oui, je t'avoue que je m'ennuie aussi. Faisons ça."

Je n'avais pas relevé sa remarque sur les Moires. Je n'en pensais pas moins que lui. Je me sentais trahie et je n'arrivais pas à accepter notre nouvelle destinée. Alors ce n'était pas une petite pique envers elles qui allaient changer quelque chose. 

D'un claquement de doigts, je fis changer les cibles. Elle bougeaient toujours mais étaient à présent ornées de plusieurs piques. L'une d'elles se déclencha et m'envoya ses piques que j'évitai habilement avant de tirer une nouvelle flèche en plein dans son centre.

"Plus intéressant ?"

Des cibles mouvantes, ce n'était rien de plus simple pour nous. Mais si elles pouvaient riposter et nous attaquer, ça rendait la chose un peu plus intéressante.

Total des mots : 381 mots (2057 en tout)

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Le dernier jour avant le Renouveau

On ne peut pas dire qu’Artémis me sous-estime. Au contraire, je suis persuadé qu’elle connait et estime mes capacités. Elle sait ce dont je suis capable, depuis le temps, et a pleinement confiance en ma puissance. Tout autant que j’ai confiance en la sienne. En revanche, s’il y a bien un domaine ou elle ne tolère pas qu’on se croit meilleur qu’elle, c’est bien le tir à l’arc. De mon côté, j’en suis parfaitement conscient et, bien que je m’amuse régulièrement à la confronter sur son terrain, je sais bien que, en réalité, je ne suis pas capable de la battre. Du moins, en tir à l’arc pur et dur. Si on ajoute des contraintes qui me mettent en position de force, la balance peut se déséquilibrer mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Aujourd’hui, l’objectif est simple : passer du bon temps ensemble pour notre dernière journée dans cette vie.

Suite à ma remarque, Artémis claque des doigts et modifie les cibles que j’ai préalablement créées. Elles se retrouvent, à présent, armées de pointes qui attaquent aléatoirement. Le seul moyen d’arrêter les attaques : toucher la cible en plein centre.

— Plus intéressant ?

Je me baisse pour éviter une salve tandis que je réponds à ma sœur.

— Effectivement. Ça tombe bien, j’avais envie de me bouger un peu.

Armé de mon arc, je me mets alors à sauter, me baisser, faire des écarts à droite à gauche, dans l’objectif d’éviter les projectiles qui volent dans ma direction. Entre chaque salve, je n’ai qu’un court laps de temps pour pouvoir bander, viser et tirer. Un temps qui aurait été bien insuffisant pour un archer débutant ou même pour un mortel confirmé. Mais un temps largement suffisamment pour les dieux qu’on appelle couramment, les « Archers jumeaux ».

Les cibles disparaissent les unes après les autres alors que nous les touchons en leur centre. Mais loin de nous accorder du temps de repos, chaque cible disparue en fait apparaître deux nouvelles, telle l’hydre de Lerne. Nous obligeant alors à rester vigilants en permanence. Après tout, c’est ma sœur qui a programmé cet exercice mais je ne suis pas sûr qu’elle-même soit au courant de quand les cibles vont arrêter d’apparaître.

C’est au bout d’une bonne vingtaine de minutes que les cibles finissent par arrêter leur ballet et cessent de se multiplier. Il nous en faut encore une dizaine pour anéantir toutes les cibles restantes.

Une fois l’exercice visiblement clôt, je fais disparaître pour arc et m’étirant et tourne le regard vers ma sœur.

— J’ai bien apprécié. C’était sympathique comme exercice, bravo sœurette.

Je suis radieux et à peine transpirant malgré l’effort que je viens de faire. Mais bon, c’est normal, je suis un dieu, après tout. Je ne vais pas transpirer pour si peu.

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Le dernier jour avant le renouveau

Mon frère et moi, c'était une longue histoire. Mais lui et moi, on se connaissait par cœur. Ca ne nous empêchait pas de nous envoyer des piques assez régulièrement. Mais on savait tous les deux quels étaient les points forts de l'autre. Et on ne se vantait jamais d'être meilleur que l'autre dans ledit domaine. Sauf pour provoquer un peu l'autre et nous amuser.

Je décidai ensuite de modifier les cibles pour rendre la chose plus intéressante. Parce que bon, franchement, des cibles mouvantes pour les Archers Jumeaux, c'était tout simplement ridicule comme exercice. Je ne doutais pas que mon petit ajout plairait à Apollon. Il était du genre à aimer pimenter les entrainements, surtout les nôtres.

Maintenant que les hostilités étaient lancées, je ne me préoccupai plus de lui. Je devais me concentrer pour éviter les piques qui se dirigeaient dans ma direction. Je sautai agilement, me baissai, tirai une salve de flèches, puis recommençai en prenant appui sur le tronc d'un arbre ou en changeant rapidement de direction. Les cibles disparaissaient au fur et à mesure. Mais d'autres réapparaissaient à d'autres endroits. Nous devions faire attention mais ça nous permettait d'être focus sur autre chose que le fait que c'était notre dernière journée.

Je ne savais pas combien de temps s'étaient écoulées mais elles finirent par toutes disparaitre sans réapparaître cette fois. Je fis à mon tour disparaitre mon arc et m'étira, faisant craquer mon dos et mes doigts.

"Bon sang, ça fait du bien ! Merci, j'ai beaucoup aimé aussi. Bravo à toi, tu n'as clairement pas perdu la main."

L'ambiance changea d'un coup. Plus sombre. Plus froid. Pourtant, j'avais l'impression d'être la seule sensible à ce changement. Apollon ne semblait rien remarquer. J'étais sur la défensive, je ne savais pas ce qu'il se passait. Je ne me détendis pas en voyant les Moires arriver face à moi. En jetant un coup d'œil à mon frère, je vis qu'il n'avait toujours rien remarqué. Bon... J'allais devoir gérer ça.

"Artémis.
- Ton heure est venue.
- Il est temps d'y aller.
- Quoi ? Comment ça ? Maintenant ?
- Oui.
- Nous viendrons plus tard.
- Pour Apollon.
- Non ! C'est hors de question ! Je ne partirai pas sans lui."

Je saisis la main d'Apollon et je vis son changement d'expression. Il les voyait. Je fronçais les sourcils.

"Soit on part ensemble. Soit on ne part pas."

Total des mots : 381 mots (2438 en tout)

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Le dernier jour avant le Renouveau

C’est toujours quand ont réussi à aller mieux ; à voir le positif, le bon côté des choses ; que la réalité nous rattrape. Froide et dure comme la glace.

— Bien entendu, je n’ai pas perdu la main. Qu’est-ce que tu crois ? Je ne suis pas un vieux dieu à la retraite !

J’ai répondu spontanément à ma sœur, comme nous le faisons toujours. S’envoyer de petites piques affectives, pour jouer, l’un avec l’autre. Se lancer mutuellement de petits défis pour entretenir notre compétitivité fraternelle. Et, comme d’habitude, je m’attendais à ce qu’elle me réponde au quart de tour. Avec un petit sourire et la tête haute. Peut-être un petit instant de réflexion pour bien choisir ses mots mais pas plus.

Je suis donc très surpris de n’entendre aucun répondant de sa part. En fait, elle ne semble plus faire attention à moi du tout. Je pourrais être vexé si je ne voyais pas dans ses mouvements et la crispation de ses muscles que quelque chose ne va pas. Elle est sur la défensive. Comme si elle se préparait à attaquer, à bondir sur une proie telle la chasseuse qu’elle est.

Et quand elle se met à parler seule, sans aucun interlocuteur à l’horizon, je commence véritablement à avoir peur. Qu’est-ce qui se passe ?

C’est seulement quand elle m’attrape soudainement la main que je comprends. Je vois. Les Moires sont venues la chercher.

— Soit, on part ensemble. Soit, on ne part pas.

Il me faut encore un petit instant pour comprendre l’objet de la discussion mais, une fois cela fait, je renforce ma poigne sur la main de ma sœur et regarde les trois déesses dans les yeux.

— Nous nous sommes pliés à votre décision parce nous avons confiance en vos pouvoirs. À vous maintenant de vous plier à la nôtre. Nous sommes les Archers Jumeaux. Si vous nous voulez dans votre nouveau monde, vous devrez nous emmener ensemble.

Parce qu’au final, j’aimerais qu’elles n’oublient pas trop vite que nous sommes des Olympiens. À aucun moment, elles ne nous sont supérieures. Elles ne sont donc pas vraiment en droit de nous refuser notre petit caprice. D’autant plus que, je suis certain que ça ne changera rien à leur plan.

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Le dernier jour avant le renouveau

J'avais à peine entendu sa phrase. J'aurai pourtant pu répondre bien des choses. Malheureusement, mon attention avait été happée par autre chose. Quelque chose de grave. L'arrivée des Moires, que je redoutais depuis le début de la journée. Elles savaient choisir leur moment. Mais vouloir nous séparer à ce moment crucial de notre vie, c'était cruel. Même pour elles.

Je ne pouvais pas me permettre de faillir. Elles profiteraient du moindre moment de faiblesse pour s'engouffrer et obtenir ce qu'elles voulaient. Et il était hors de question qu'elles y arrivent. Je refusais de partir sans Apollon. Quand je saisis sa main, il put voir les trois déesses apparaitre. Et ainsi comprendre pourquoi je ne lui répondais plus.

Après un petit instant pour comprendre la situation, je vis les traits du visage de mon frère se durcir. Il n'allait pas non plus se laisser faire. A deux, on était toujours plus fort.

"Nous nous sommes pliés à votre décision parce nous avons confiance en vos pouvoirs. À vous maintenant de vous plier à la nôtre. Nous sommes les Archers Jumeaux. Si vous nous voulez dans votre nouveau monde, vous devrez nous emmener ensemble."

Il avait tout dit. Je n'avais rien de plus à ajouter. Je me contentai de fusiller les Moires du regard, attendant une réponse, plus ou moins claire, de leur part. Elles ne dirent rien, échangeant des regards bien mystérieux. Je renforçai ma prise sur la main d'Apollon. Je ne le lâcherai pas. Après un temps qui parut durer une éternité, elles se tournèrent à nouveau vers nous.

"Puisque tel est votre désir.
- Nous vous accordons.
- Ensemble, de partir."

Elles furent soudain entourées d'un halo sombre alors qu'elles commençaient à réciter des paroles qui me paraissaient incompréhensibles. Mon cœur se mit à battre plus fort. Ca y est. L'heure de la séparation avait sonné. Car même si on avait demandé à partir ensemble, on ne se souviendrait pas l'un de l'autre. Mais je lui avais fait une promesse. Et même si je ne m'en souviendrai pas non plus d'ici quelques secondes, je savais au plus profond de moi que je la tiendrais.

"Je t'aime Apollon. Et ça, ça ne changera jamais !"

J'ancrai mon regard dans le sien alors que je me sentais aspirée vers le haut. Dans un murmure, juste avant de disparaitre, je lui soufflai :

"Ne m'oublie pas..."

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Codage par Libella sur Graphiorum

Le dernier jour avant le Renouveau

Faire de grands discours n’a jamais été très complexe pour moi. Je suis un bon orateur, j’ai la parole facile. Je parle fort et bien. Par contre, je n’ai jamais été très patient ensuite. Quand je dis quelque chose, j’aime que ce soit fait rapidement. Avoir une réponse. Qu’elle soit positive ou négative. Même si, bien entendu, je ne suis pas prêt à abandonner en cas de négation de leur part. Les Moires se croient peut-être toutes puissantes parce qu’elles ont trouvé le seul plan viable à ce jour pour tous nous sauver. Mais elles ne doivent pas, pour autant, croire qu’elles ont tous les droits. Si elles se sentent pousser des ailes, je me ferai un plaisir de les leur cribler de flèches de lumière.

Artémis n’ajoute rien. Elle ne prononce plus un mot. Seule sa main qui se resserre encore sur la mienne montre qu’elle est comme moi : elle attend la réponse des déesses avec impatience et tension. Sans parler du son regard qui, s’il pouvait lancer des rayons, aurait déjà désintégré les déesses du destin.

Finalement, enfin, elles se sont tournées vers nous pour nous fournir leur réponse.

— Puisque tel est votre désir.
— Nous vous accordons.
— Ensemble, de partir.

Si elles n’étaient pas sur le point de me faire perdre la mémoire de l’ensemble de mon existence, j’aurais pu apprécier le fait qu’elles s’expriment en rime. Mais, malheureusement, mon esprit est occupé par bien d’autres choses. Comme le fait qu’un halo sombre commencent à les entourer tandis qu’elles récitent des formules en grec ancien. Formules que, même moi, dont le grec est pourtant ma langue maternelle, j’ai du mal à véritablement comprendre.

C’est donc maintenant. Le moment est venu. Je vais tout oublier. Tout. Ma vie. Mes amis. Ma famille. Artémis.

Je tourne mon regard vers ma sœur au moment où elle se met à crier.

— Je t'aime Apollon. Et ça, ça ne changera jamais !

Le fait qu’elle soit la première à exprimer ses sentiments, haut et fort, m’émeut encore plus que les mots en eux-mêmes. Je maintiens la pression sur sa main alors que je sens que mon corps commence à changer.

— On se retrouvera dans le nouveau monde. On se souviendra de notre promesse. D’une manière ou d’une autre.

Je fixe mon regard dans ses yeux rouge une dernière fois, avant de définitivement quitter ce monde tel que nous le connaissons et le connaitrons jamais.

— Ne m'oublie pas..
— On se retrouvera, sœurette.

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