A l’image des reptiles avec lesquels il peut communiquer, Hadès est ce qu’on peut appeler un animal à sang froid. Calme et taciturne, il ne hausse jamais la voix, mais le fait est qu’il en a rarement besoin : si il est effectivement homme de peu de mots, il met un point d’honneur à ce que chacun d’entre eux fassent mouche. Il apparaît donc à ceux qui échangent avec lui comme quelqu’un de pragmatique, parfois même cynique, et pouvant même pousser jusqu’au sarcasme sans toutefois se départir de son attitude détachée. En revanche, il n’est jamais irrespectueux envers autrui, et le pire que peuvent attendre ceux qui l’agaçaient était sa plus profonde indifférence.

Contrairement à ce que cela pouvait suggérer, son apparente froideur n’est pas due à une quelconque forme de misanthropie, mais plutôt à une forte incompréhension des rapports sociaux, qui n’avaient jamais été son fort. Lui qui est versé dans de nombreuses sciences, et dont l’esprit analytique est pour le moins brillant, est tout simplement hermétique à l’expression normale des sentiments humains. Cela ne l’empêche pas d’interagir avec les autres, surtout depuis qu’il est devenu le Référent des Lobellus, mais beaucoup de ses interlocuteurs sont souvent décontenancés par les réponses laconiques du Dieu des Enfers, quand bien même ce dernier essaye d’entretenir des rapports cordiaux avec ses pairs.

C’est ainsi que se passent la plupart de ses échanges avec ses pupilles, qui savent qu’à défaut d’une oreille attentive et compréhensive à leur problèmes, ils trouveront auprès de lui des réponses directes, bien que parfois brutales, à leurs questionnements et leurs interrogations, et ma foi, la plupart ne s’en plaignaient pas. Pour ce qui est du reste, il se charge de faire perdurer le calme inhérent au Sanctuaire des Lobellus, auquel il est particulièrement attaché, voulant offrir aux autres élèves l’environnement dans lesquels leurs savoirs et leurs talents pourraient s’épanouir, tout en poursuivant lui-même des études pour le moins studieuses.

Si il n’est pas à même de les comprendre, Hadès n’en n’est pour autant pas dépourvu de sentiments. L’amour enfoui au fond de lui pour Perséphone refuse de s’éteindre malgré les années, quand bien même il n’est toujours pas parvenu à se convaincre d’au moins chercher à la côtoyer. Elle, si pleine de vie, de lumière, de douceur, pourquoi irait t-elle s’enticher de la froideur de l’Avatar des Enfers ? Peu l’importe. En l’état, le simple fait de la croiser et de la voir heureuse lui procure de trop rares moments de plénitude.

Et même si cela lui était difficile à admettre, le reste de ces instants de réconforts ont pour dénominateur commun la sémillante Déesse du Mariage, son improbable complice, sa meilleure amie, Héra. Depuis leur rencontre à la Garderie, elle n’avait jamais vraiment quitté son sillage, en dépit des incompréhensions que cela pouvait susciter dans leurs entourages respectifs. Une chance que l’opinion d’autrui n’avait aucune forme d’importance pour Hadès. Lui-même d’ailleurs, n’expliquait pas pourquoi, de toutes les personnes qui peuplaient l’Académie, elle est la seule pour qui il éprouve cette amitié, mais il ne peut que concéder qu’elle est bien réelle. Bien sur, leurs échanges peuvent paraître lunaires, tant l’entrain et la chaleur de la Référente de Sollerys contrastent avec les réparties laconiques et parfois cinglantes de son ami. Mais au final, il y a entre eux un niveau d’entente sous-jacent que leurs mots ne venaient que sublimer. En revanche, fort de son inexpérience totale en matière de sentiments, il est complètement aveugle à la nature plus profonde de l’attachement qu’Héra peut lui porter, au grand dam de cette dernière, qui devint parfois malgré elle le témoin de l’affection d’Hadès pour sa protégée.

Et puis … Et puis il y avait … ça.
Cette ombre qu’il avait toujours réprimée.
Cette mélodie fiévreuse qu’il mettait en sourdine depuis toujours par cette maîtrise qu’il exigeait de lui-même.
Cette infime petite flamme bleuâtre, enfouie au plus profond de lui, vacillante, mais opiniâtre envers et contre tout, et dont l’étincelle pouvait parfois apparaître dans ses yeux lorsqu’il jouait de son violon.
Cette lueur ténébreuse qu’il avait toujours occultée, de peur qu’elle ne le consume, à tel point qu’aujourd’hui, il en a oublié l’existence.
Mais elle est là.
Et elle attend, patiemment, le jour où le Dieu des Enfers sera contraint de faire appel à elle.