Ma décision est prise

Je m'étais isolée de tout depuis plusieurs jours. Surtout de tout le monde. Je ne voulais voir personne, je voulais juste rester seule avec moi-même. J'avais besoin de temps pour réfléchir et remettre de l'ordre dans mes pensées. Et ça, je ne pouvais le faire qu'à un seul endroit, dans la forêt d'automne. Comme je l'avais dit à Achille, c'était mon sanctuaire. Un des seuls endroits, si ce n'était le seul, où je n'étais pas constamment sur la défensive.

Je l'avais regardé boiter en direction de l'académie sans esquisser le moindre geste. J'essayais de repenser à ses paroles, maintenant que j'étais un peu plus calme. Il avait raison. Les plus à même à venir me chercher aurait été Apollon ou Déméter. Mais Apollon savait que je ne voulais pas être retrouvée. Quant à Déméter... Je ne savais pas trop. Elle avait peut-être compris elle aussi qu'il valait mieux me laisser revenir toute seule. Une autre personne essaya de s'insinuer dans mes pensées mais je balayais ça d'un revers de la main.

Il m'avait demandé ce qu'il avait ressenti en posant le pied par terre. Et dans un souffle, j'avais murmuré "La douleur.". Une chose qu'il ne connaissait pas avant. Une chose que moi je connaissais très bien à présent. La douleur physique, la douleur mentale. Il allait devoir apprendre à vivre avec. Mais je lui avais fait une promesse et je ne parlerai pas de ce qu'il s'était passé ici.

Malgré tout, j'étais tout de même secouée. J'avais blessé Achille, le Héros réputé sans faille. Et il le vivait très mal. Quoi de plus normal après tout. Je l'avais vu trébucher à plusieurs reprises. J'abandonnai avec douceur mes amis pour quelques instants. Grimpant aussi agilement que mes blessures me le permettaient, j'arrivai au niveau des branches les plus basses. Je m'élevai encore un peu avant de me déplacer pour le suivre à distance. Il faisait nuit, il ne devrait pas se faire repérer.

Il marmonnait encore. Je ne savais pas avec qui il parlait. Est-ce qu'il ruminait contre moi ? Ca aurait été compréhensible. C'est alors qu'il hurla, faisant s'envoler au passage quelques oiseaux. Mes poings et ma mâchoire se crispèrent. Je sentais la colère qui grondait en moi. Mais je finis simplement par tourner les talons pour retourner dans la clairière. Qu'il me haïsse ou pas m'importait peu. J'avais plus de personnes qui me détestaient ou qui avaient peur de moi que d'amis ici, ce n'était pas spécialement nouveau. Je ne faisais pas grand chose pour améliorer l'opinion que les gens avaient sur moi, et même temps, j'en avais rien à faire. Au moins, s'ils me craignaient, ils me laissaient tranquille.

Je me laissai lourdement retomber de la branche sur laquelle j'étais perchée. Quelques animaux m'avaient attendue et entreprirent de lécher mes plaies pour m'aider à guérir. Mais après quelques caresses pour les remercier, je m'endormis. Pour la première fois, je n'avais pas fait attention et j'étais à découvert dans ce lieu qui me servait de sanctuaire.

Je me réveillai avec le soleil qui se levait doucement à l'horizon. Je me dirigeai vers le lac pour me nettoyer. L'eau froide me fit un bien fou et me permit de me réveiller et de réveiller mon corps. Mes muscles étaient endoloris. Et après avoir mangé, je me remis au travail. Un petit footing pour me vider la tête. Quelques tirs et transformations. Je devais retrouver toutes mes forces. Je devais encore m'améliorer.

Lorsque le soleil m'indiqua qu'on était au milieu de la journée, je mangeai à nouveau quelques fruits que j'avais trouvé dans la forêt avant de m'assoir au milieu d'une clairière. Les yeux fermés, je fis le vide dans ma tête. Je ne savais pas combien de temps j'étais restée ainsi mais je me sentais calme à présent. Je pris les éléments un par un. La Chimère. La cascade et le Sphinx. L'île et ses sirènes. Les illusions. Le requin. Les ombres. Et surtout les dégâts causés. Parce que malgré tout ce qu'on pouvait penser de moi, je m'inquiétais réellement pour l'académie et ses pensionnaires. Tout ce qui m'importait, c'était la sécurité de tous.

Et pour les protéger, il me fallait des réponses. Et je savais qu'un seul endroit pourrait me les donner. Les Terres Désolées. Au-delà de la barrière. J'entendais déjà la voix d'Apollon dans ma tête, m'ordonnant de le laisser m'accompagner ou de prévenir quelqu'un. Les référents ou les Primordiaux. Mais c'était hors de question. C'était ma quête. J'étais celle qui avait le plus d'informations. Ou les Primordiaux se cachaient bien de nous révéler certaines choses. Ce qui ne m'étonnerait pas spécialement. Mais je savais aussi que si je prévenais quelqu'un, on refuserait que j'y aille. Et ça, c'était hors de question. J'avais fait le lien entre tous les éléments, je méritais de savoir.

Je ne voulais pas non plus mettre mes proches en danger. C'était une quête dangereuse et je me sentirais responsable s'il leur arrivait quelque chose. Dans l'enceinte, on pouvait être blessé mais on ne pouvait pas mourir. Qu'en était il au delà de la barrière ? Je pourrais prévenir Apollon de ce que j'allais faire. Mais je savais qu'il ne resterait pas sans rien faire. Soit il préviendrait quelqu'un, soit il chercherait à me retrouver et donc il se mettrait en danger. Et ça, je ne pouvais pas le tolérer. J'attendrais l'aube.

Ma décision était prise.

Codage par Libella sur Graphiorum